Chapitre 5

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Point de vue Shoto

- Peut-être en essayant de penser à autre chose ?

- Je ne sais pas, c'est compliqué.

Avec Momo, nous essayons de trouver un moyen pour me retenir lors des chaleurs du vert. Le problème est que nous n'arrivons à rien.

- Tu pourrais m'appeler ?

- Imagine si je ne tiens pas ?

- Je raccrocherais directement.

- Honnêtement, je doute que cela marche.

- Si on n'essaye pas, on ne saura jamais. C'est prévu pour quand ?

- Dans la semaine, je soupire. Ne t'étonne pas si je n'ai pas l'air au mieux.

- Tu vas t'en sortir.

- Mais à quel prix ?

Oui, à quel prix ? Je n'ai absolument aucune envie de le faire.

- Et lui, comment va-t-il ?

- Comme d'habitude, je réponds. Il n'a toujours pas montré la moindre émotion. Pas même quand mon père s'en est pris à lui.

- C'est sûrement le seul moyen qu'il a trouvé pour se protéger. Qui sait par quoi il est passé avant...

- Sûrement mais j'aimerais pouvoir l'aider.

- Pour ça, tu vas devoir être patient. Certains omégas sont de ce système de marchandise depuis leur plus jeune âge.

- Je me vois mal me pointer comme une fleur pour lui demander de me raconter son enfance.

- Tu ne peux pas. Par contre, tu pourrais lui demander d'autres choses. Comme ce qu'il aime par exemple.

Point de vue Deku

Je caresse distraitement le collier du bout des doigts. L'envie de le mettre autour de mon cou me démange mais je n'ai le droit de le porter que durant mes chaleurs. Lorsqu'il m'a montré l'objet ainsi que sa cachette, j'ai été heureux. Au moins, il y a une chance pour que je ne sois pas marqué. En tout cas pas tout de suite.

Shoto est l'un des alphas les plus étranges que j'aie rencontré dans ma vie. Il est le seul capable de tenir ce masque de gentillesse aussi longtemps. Une petite partie de moi craint de le voir se fissurer car je n'ai aucune idée de ce qui se cache derrière. Je le verrais sûrement d'ici peu, lorsque son instinct prendra le dessus. Et si à ce moment-là il décidait de me marquer ?

Cette idée m'a à peine traversé l'esprit qu'elle s'est déjà encrée en moi. Et si tout, jusqu'au collier, n'était qu'une comédie ? Certains m'ont déjà fait miroiter bien d'autres promesses sans jamais les tenir, comment puis-je être sûr que ce ne sera pas le cas ici aussi ?

Sans pouvoir m'en empêcher, je me mets à trembler. Je ne dois pas. Si jamais quelqu'un rentre à cet instant précis et me voit dans cet état, il me posera des questions. Et vu que je ne peux pas mentir à un alpha, il connaitra mon seul point faible et pourra en jouer.

Du calme Deku. Il suffit d'enfouir tout ça ou fond de soi. Ce n'est pas si compliqué. On respire calmement et on fixe son attention sur un objet futile. Comme cette chaise. Ce n'est rien du tout, ça ne me fait rien.

Il m'a fallu un petit temps avant que je n'y pense vraiment plus. Je ne saurais pas dire combien précisément étant donné que je n'ai aucun repère temporel. Dès que j'ai réussi à redevenir indifférent, j'ai ranger le collier à sa place, à l'abri des regards indiscrets. Apparemment, son père ne serait pas heureux de savoir que son fils a pu s'en procurer un.

C'est à ce moment que la porte s'ouvre sur le bicolore. Il revient de l'école. Comme à son habitude, il dépose son sac à son bureau et se plonge dans ses devoirs en soupirant. J'en fait de même avec mes feuilles. Bien qu'elles n'aient pas toujours une signification, j'arrive à tracer presque toutes les lettres maintenant.

- Tu n'es pas obligé de travailler tout le temps dessus tu sais ?

Je relève la tête. Sans que je ne m'en aperçoive, il s'est approché de moi et regarde mes exercices.

- Vous m'avez demandé de le faire.

- Uniquement si tu le veux. Tu t'en sors bien en tout cas. Fais peut-être attention à tes "l" et tes "e" qui se ressemblent parfois.

Il attrape un crayon avant de s'asseoir à côté de moi et des tracer les deux signes.

- Tu vois ?

Je hoche simplement la tête.

- Sinon, comment s'est passé ta journée ? Mon père n'est pas revenu j'espère.

- Non. Monsieur Todoroki est parti peu de temps après vous.

- Tant mieux.

Point de vue Shoto

Essayer de trouver des sujets de conversations ? Pas facile avec lui, il se contente de répondre à la question sans développer un peu plus. Il donne le moins d'informations possible, surtout lorsque ça le concerne.

- Sinon, on peut essayer de faire connaissance. Je sais que c'est bizarre de dire ça après presque un mois mais il n'est jamais trop tard.

- D'accord.

Il ne fallait pas s'attendre à un autre type de réponse.

- Alors... Quelle est ta couleur préférée ?

- Celle que mon maitre veut.

- Heu... Ton plat préféré ?

- Celui que mon maitre veut.

- Ta saison préférée ?

- Celle que mon maitre veut.

- Il n'y a rien que tu aimes ? Qui ne dépendrait pas de ton maitre ?

- Je suis dévoué à mon maitre.

Ce n'est pas de la dévotion mais une soumission totale là.

- Et si ton maitre te demande de faire quelque chose que tu n'aimes pas ?

- Aimer et ne pas aimer sont des mots vides. En tant qu'oméga, je ne peux rien faire face à un alpha. Si tu te conduits bien, tu as une chance de survivre. C'est tout ce qu'il y a à savoir.

La faute à ces foutus phéromones. Certains alphas sont d'une puanteur à en dégager à tout bout de champ. Mon paternel rentre clairement dans cette catégorie. Je n'ose même pas imaginer comment lui, qui y est bien plus sensible, doit avoir du mal en sa présence. L'autre jour, alors même que j'avais ouvert en grand la fenêtre, il lui a fallu un bon moment avant de pouvoir s'en remettre.

Ce n'est pas le cas de Deku. En vérité, j'aime beaucoup son odeur semblable à celle de l'herbe fraichement coupée.

- Si quelque chose te déplait, n'hésite pas à me le dire. Jamais je ne te forcerai. Tu as ma promesse.

- D'accord. C'est vous le maitre.

- Je ne suis pas ton maitre.

Le vert ouvre la bouche, sans doute pour répliquer d'une phrase vide de sens comme il le fait depuis le début de notre conversation, mais je le devance.

- Tu n'as pas à avoir de maitre. Tu n'es pas un animal et encore moins un objet. Tu devrais pouvoir être libre.

- La société est comme elle est. Ce n'est pas un oméga qui va la changer, il dit en baissant la tête.

Pour la première fois depuis qu'il est entré dans cette chambre, j'ai l'impression de voir passer un éclair de tristesse dans ses yeux.

- C'est vrai, on ne peut pas changer la base même. Mais en peut faire en sorte qu'elle soit plus supportable.

- Cette vie me va, il répond finalement. J'ai un toit et de quoi manger. Certains vivent dans la rue. Je n'ai pas à me plaindre.

Au moins, j'arrive à lui parler un minimum, même si je me rends compte à quel point son passé doit être douloureux pour en venir à cette vision du monde.

On s'en sortira ✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant