À L'arrêt Du Champ || Taekook

Chapitre 39 : yeux éteints et cœur trahi

Dans la salle de pause, le regard rivé sur mon bracelet, j'entends mon collègue se moquer de moi.

"Tu ne cesses jamais d'en être étonné pas vrai ? Moi j'étais sûr que ça arriverait, eheh, j'avais raison, une fois de plus ! répétait-il depuis une semaine, lui et son sourire stupide.

-Moui...Mais nous ne nous sommes pas parlés aujourd'hui...murmurais-je en faisant la moue.

-Ah bon ? Comment ça se fait ? s'étonna-t-il.

-Je n'en sais trop rien...soupirais-je, il m'a dit qu'il avait des choses à faire aujourd'hui, et que par conséquent nous ne pourrions pas nous voir...Il me manque tellement si tu savais...me plaignis-je.

-Je ne peux que l'imaginer, mais ce n'est pas très compliqué à savoir, tu es tellement amoureux, ça en devient adorable à regarder, ricana-t-il niaisement."

Je soupirai à nouveau longuement, puis nous reprîmes service, heureusement qu'il ne reste plus qu'une heure, je suis réellement exténué, nous avons encore eu un client indésirable tout à l'heure, une véritable tempête.

Enfin, mon calvaire touchera bientôt à sa fin.

C'est ce que je pensais, avant de regarder les deux nouveaux arrivants qui s'installaient à une table au loin.

Jimin et Taehyung, je suis sûr que c'est eux, cette chemise, ces cheveux.

Je restai quelques instants à fixer la silhouette de ces deux jeunes hommes, pantelant, avant de reprendre mes esprits.

Je courus dans les vestiaires avec une précipitation incontrôlable.

Qu'est-ce que je viens de voir ?

Jimin et Taehyung, dans un bar, le bar dans lequel je travaille, le vrai Kim Taehyung et le vrai Park Jimin, après que Taehyung m'ait dit avoir plein de choses à faire aujourd'hui.

Mais mon acien ami n'était-il pas supposé le détester ?

Je n'y comprends plus rien, j'ai mal, pourquoi ais-je si mal ?

Ma respiration...rendez-moi ma respiration, j'ai mal, j'ai si mal, ça s'empire, pourquoi ces picotements que je ressens au coeur ne veulent pas me laisser partir ? Pourquoi fallait-il que je suffoque ? Pourquoi fallait-il que je l'aime autant ?

Je me tirai les cheveux, dans l'espoir de m'arracher les questions et les mauvaises pensées qui m'assaillent, et avant même que je ne m'en rende compte, ma respiration se coupa au rythme des larmes qui s'écroulent bien trop lourdement sur mes joues.

Tuez-moi, je n'ai rien vu, Taehyung m'aime, je le sais, il ne ferait jamais une telle chose, pas si vite, pas après une semaine, pas après tout ces mois que j'ai passé avant qu'il me fasse confiance, il ne peut pas trahir la mienne de cette façon impossible.

Tuez-moi, je nage en plein rêve, non, je me noie au coeur des cauchemars, réveillez-moi !

Tuez-moi, laissez-moi crier de tous mes poumons, extérioriser ma peine et ma colère, laissez-moi ne plus rien ressentir.

Rendez-moi aussi vide qu'une poupée brisée.

Exondez-moi donc de cette rivière de pensées éparpillées, laissez-moi m'y noyer.

Je comprends tant les sentiments et pensées de Taehyung ce jour-là à présent, et le fait que ça soit ainsi que je les ai compris n'est que trop douloureux.

Tous les pires moments passés à ses côtés reviennent à moi, je repense à son corps inerte et les larmes s'intensifient.

L'obscurité de cette pièce me plonge au coeur de mes démons et je ne peux m'empêcher de me comparer à cet insecte que j'entends voler près de mon oreille, je ne vaux pas mieux que lui, je veux mourir tout aussi vite que lui, tuez-moi, laissez-moi tout oublier.

Taehyung...Taehyung, sauve-moi...

"Jungkook ? Jungkook ? Qu'est-ce qui t'arrive ? paniqua mon collègue en arrivant en trombe."

Il se précipita face à moi, et moi je le regardais, incapable de prononcer quoique ce soit, incapable d'hurler ma peine, je ne peux même pas respirer.

Je suis si faible.

"Eh ! Tu...faut-il que j'appelle Taehyung ?!"

Je secouai la tête de gauche à droite plus fort que je ne l'ai jamais fait, dans l'espoir que ce geste fasse s'échapper mes pensées tout aussi vivement que mes larmes.

"Déjà...Ici...prononçais-je d'une voix saccadée.

-Ah bon ? Taehyung ? Ici ?"

J'hochai la tête faiblement, un léger sourire sur le bout des lèvres car je me sentai disparaître et que j'adorais étrangement cette idée à cet instant. 

Mon collègue partit à pas effréné mais je ne le vis pas réellement, mes pensées s'envolaient, je me sentais m'envoler, et ma vue qui s'embrumait me donnait encore plus ce sentiment de plénitude.

Ainsi je m'endormis, sourire béat aux lèvres, yeux éteints et cœur trahi.