Chapitre 10 : on raconte qu'on peut aimer quelqu'un jusqu'à en mourir

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Mercredi, voilà deux longs jours que je connais les sentiments que j'éprouve à l'égard de Taehyung. Depuis il n'a pas quitté mes pensées et ces frissons ne m'ont pas abandonné, peu importe à quel point je tentais de les ignorer, ça ne faisait qu'empirer.

C'est d'habitude le mercredi que je le suivais, et j'avouerais que j'aurais aimé qu'aujourd'hui soit comme les autres, mais peut-être que c'est mieux si je reste loin de lui, si j'assiste à mes cours favoris cette fois-ci.

Alors pour l'instant j'évitai de le regarder dans l'espoir de parvenir à l'oublier, tout en sachant que ce ne sera pas possible.

Comme souvent j'ai oublié mes écouteurs à la maison, alors seules mes pensées peuvent m'offrir un fond musical, et cette fenêtre à travers laquelle je vois encore et toujours le même paysage défiler est devenu ma seule image.

C'est monotone et je n'aime pas ce sentiment, alors comme pas mal de choses, je tente de l'ignorer.

Nous arrivons à l'arrêt du champs, et ferme les yeux pour oublier qu'il sortira du car.

Quand je tourne les yeux de cette façon, j'ai mal aux yeux, la douleur est plutôt insupportable, et des formes se dessinent au devant de mes iris, c'est assez étrange, et en fait je me rends compte que jamais avant je n'avais pensé une telle chose : on voit encore des choses même avec des paupières closes.

Une douleur à l'arrière de la tête empêcha mes pensées de vagabonder plus longtemps, et je me tournai vivement.

Je rêve ou Kim Taehyung vient de me taper l'arrière de la tête ?

Mais...Qu'est-ce qui lui prend, soudainement ?

Je pris un temps pour le détailler, il portait encore cette ample chemise fleurie de soie.

J'aimerais tellement caresser cette matière, je suis sûr qu'elle est agréable au toucher, ou peut-être que ce n'est pas la chemise que je veux détourer de mes doigts, mais bien ses courbes que je peux discerner au travers.

Il soupira sans un regard pour moi puis se dépêcha de quitter le car. Dehors, on peut voir que c'est bientôt le printemps, mais son soupir m'a laissé un si grand froid que je ne le ressens pas.

C'est donc sans réfléchir que je sortis du car à mon tour, car je ne peux rien y faire, j'ai juste eu ce sentiment que c'était ce qu'il voulait alors je l'ai suivi.

Nous empruntons une fois de plus ce sentier désert, sentier quelque peu saccagé par la pluie de l'hiver mais que nous pouvons encore discerner.

J'ai vraiment du mal à suivre le flot de pensées de Taehyung, il semble me détester mais également détester l'idée que je puisse le fuir.

Les semaines précédentes nous allions à chaque fois au conservatoire car le temps ne cessait jamais d'être épouvantable, mais aujourd'hui le soleil rayonne plus que n'importe quel jour, ça n'avait pourtant pas l'air de faire rayonner l'âme de Taehyung tout autant que la pluie, sans doute que son âme s'illumine plus fortement dans la nuit.

Il s'arrêta soudainement alors que je traînai des pieds sans vraiment le regarder, c'est alors que je le vis fermer les yeux et tournoyer sur lui-même au doux son du vent, puis il s'arrêta.

"Le vent m'a dit de suivre ce chemin, dit-il plus pour lui-même que pour qui que ce soit d'autre."

Puis il suivit les directives du vent, nous nous écartons du sentier et marchons à travers champs sous le soleil de printemps.

Je crois que cette atmosphère où seul le vent parle m'apaise, d'une certaine façon.

Je ressens un peu moins ces frissons de froid quand je suis à ses côtés même si c'est par lui qu'ils me sont provoqués.

Drôle d'ironie, pourtant agréable.

Ca n'a pas de sens, nous sommes deux jeunes homme qui ne sont liés que par quelques mélodies, qui marchent au milieu d'un champs, deux âmes égarées et épuisées qui suivent les directives du vent comme si rien n'avait plus de sens que ça.

Pourquoi continue-t-on de faire confiance à des choses inconnues ainsi ? Un jour, nous mourrons à cause de ça, mais pourtant l'idée que ce soit avec toi rend l'idée moins insupportable.

Je suis le rythme de tes pas précipités, et tu ne sembles pas vraiment t'en soucier, comme si à tes yeux seul le vent avait de l'importance.

Et comme quand la musique nous lie, je me sens comme si cette situation nous liait.

Si je ne te suivais pas, rien de tout cela ne serait arrivé, et je hais cette idée-là.

Nous arrivons au sein d'une forêt, et je trouve toujours ça étrange quand les champs s'arrêtent si brusquement, mais je crois que les êtres humains aiment bien ces choses-là, quand elles semblent être là pour une raison bien précise.

Moi, ce que j'aime, c'est me faire emporter par le hasard, et je crois que c'est un peu pour ça que tu m'intéresses tant, Taehyung

Mes pieds commencent à s'épuiser de plus en plus, et je peine à respirer, tu sembles en tenir compte car tu t'arrêtes soudainement, et je me demande si c'est parce que tu te fais un quelconque souci pour moi ou autre chose, mais l'espoir n'est jamais si mauvais que ça.

Tu t'assois sur un tronc d'arbre tranché, ça n'a pas l'air de t'emplir de joie, d'autant plus que le silence et la mélodie du vent ne sont toujours pas rois, car les bruits de la ville continuent d'envahir nos oreilles, où que l'on soit.

Le vent continue de souffler et fait danser les feuilles qui jonchaient depuis bien trop longtemps sur le sol, ça semble paisible, et pourtant j'ai l'impression que rien ne l'est jamais complètement quand je suis avec toi.

Toi non plus tu ne sembles jamais réellement apaisé, peu importe à quel point ton aura peut m'être fascinante, et ça rend le tableau encore plus intriguant.

La danse des feuilles aurait sans doute paru incroyable si j'étais avec mes amis à cet instant, mais pour le moment mon attention refuse de se détourner de toi.

Toi qui pourrais faire un spectacle entier juste en restant là, sans parler ni bouger.

Pourtant, voilà six mois que je t'observe, et quatre mois que je te suis à travers le champ, et je dois avouer que je commence à m'en lasser. 

Je ne me lasse pas de toi, bien au contraire, mais ton silence et ta façon de ne jamais sembler réellement heureux en dehors de tes moments de musique, ça commence à m'oppresser un peu trop fortement, je vais finir par disparaitre si je laisse cette atmosphère grandir trop longtemps.

Peut-être qu'aujourd'hui sera le jour où nos regards se croiseront pour de vrai, et où je te verrai sourire, peut-être au contraire aujourd'hui sera le jour où je pourrai admirer toute l'étendue de ton humanité, ou encore, peut-être qu'aujourd'hui sera comme les autres mercredis dans ce silence poignant et rassurant.

Je t'observais ainsi comme à l'accoutumée, un peu plongé dans mes rêves et pensées, et l'hésitation ne cessait jamais de me guetter.

Je n'ai jamais vécu l'amour, je crois qu'en vérité, je n'ai pas d'idée réelle et fixe de ce que c'est, et peut-être est-ce trop dangereux, on raconte qu'on peut aimer quelqu'un jusqu'à en mourir, alors peut-être devrais-je être effrayé.

Mais au moment où je les observe, lui et le silence de la forêt, je me dis que peut-être que ce n'est pas si grave tout ça, qui se fiche des conséquences quand le silence devient bien trop oppressant ?

À L'arrêt Du Champ || TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant