Chapitre 14 : je ne regrette en aucun cas de ne pas l'avoir suivi ce matin

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Mercredi, à nouveau assis sur ce même siège inconfortable, à regarder le même paysage et à savourer ce même brouhaha lointain.

Dimanche, je n'ai pas pu voir Taehyung jouer du piano, ma mère voulait qu'on se fasse une soirée en famille pour nous retrouver et je n'ai bien entendu absolument pas refusé, nous sommes allés dans une fête foraine qui prenait place dans une ville bordée d'une plage de galets, et à sa fermeture nous nous sommes baladés sur la côte, dans l'obscurité et le bruit houleux de la marée, loin dans l'horizon on pouvait encore voir quelques poissons caracoler par-dessus quelques douces vagues, ça formait de fines silhouettes et j'ai adoré observé ça, c'est d'ailleurs ce que j'ai le plus retenu de la soirée.

Ces derniers jours je tente de me retenir de le suivre dans les couloirs du lycée, je ne peux plus supporter ce costume qu'il enfile tous les jours, cette attitude forte qui le rend pitoyable semble tellement peu lui aller, contrairement à ce short et ce tee-shirt à froufrous duquel il s'est vêtu en ce jour ensoleillé, bien qu'il continue de porter un maximum de vêtement au visage pour se dissimuler du mieux qu'il peut.

C'est pour ça qu'actuellement je tentai le plus fort que je pouvais de ne pas le regarder, malgré la courbe de ses jambes qui m'obsédait complètement.

Puis je vis les champs se dessiner sous mes yeux, je fermai à nouveau les yeux fortement, comme la semaine dernière, car je voulais résister du mieux que je pouvais à la tentation de le suivre.

C'est simple, l'amour m'effrayait tant, quoique je fasse, ce mot semblait tellement blessant. J'ai entendu tant de personnes dire qu'ils aimaient quelqu'un à en mourir, et je ne veux pas que ça m'arrive, de plus, je ne l'ai jamais vécu, et je n'avais donc aucune idée de ce que l'avenir me réservait à ce sujet, et comme tout le monde, un avenir flou, ça me pétrifiait complètement.

Le car redémarra sans même que je m'en rende compte. J'ouvris difficilement les paupières, le soleil éclatant qui se dressait lentement dans l'horizon éblouissait mes pupilles sensibles, c'est là que je remarquai que je n'étais pas à l'arrêt du champs, je ne l'étais plus.

Il est parti, alors.

C'était évident, alors pourquoi suis-je déçu ?

Ca n'a aucune sens.

Pourquoi cette douleur semble serrer si fort mon coeur ?

Pourquoi mes yeux s'humidifient ? Est-ce le soleil qui me provoque ces larmes naissantes ?

Est-ce la fatigue qui me pousse à réagir si fort, à être si triste ?

Je n'en sais rien, la seule chose qui m'importe à cet instant où le paysage défile à une vitesse bien trop rapide, c'est cette douleur qui m'enserre si fort que j'ai l'impression que je vais arrêter de respirer dans peu de temps.

Je tentai de me calmer, de retrouver une vue normale, j'alternais entre faire la description du paysage dans ma tête et jouer avec mes mains, ou relire les rares conversations téléphoniques que j'ai eu avec mes amis ces derniers mois.

Je vis enfin se dessiner à l'horizon le lycée, je soupirai longuement pour laisser ces regrets accumulés s'échapper.

Il m'a pourtant dit que je lui manquais quand je ne venais pas.

Pourtant, il ne m'a pas emmené avec lui, il s'est juste enfui, seul, me laissant là, tout aussi seul.

Nous ne sommes que adolescents, bientôt jeunes adultes égarés, qui ne se connaissent pas tellement, seuls, séparés, et même si je tente de me persuader que c'est une bonne chose, pourquoi cette douleur continue de vouloir me prouver le contraire ?

C'est avec ces pensées quelques peu confuses et torturées que je pris la porte de l'enceinte du lycée, c'était la première fois en plus d'un mois que je ne le suivais pas, ça n'annonçait pas un bon mercredi, je le savais déjà.

Quand je retrouvai d'abord Yoongi et Jimin, ils remarquèrent de suite ma peine, mais le silence étant notre façon de communiquer principale, ils se contentèrent d'une étreinte rassurante et brève avant que le professeur n'arrive.

J'aimais bien, quand nous nous échangions tout un tas de phrases et de tirades stupides samedi, mais aujourd'hui n'est pas le même jour, aujourd'hui est un autre jour, aujourd'hui est un mauvais jour.

C'est donc très peu concentré que j'assistai aux trois heures de musique, puis que je rejoignis mon cours de théâtre avec l'espoir que Namjoon ne soit pas avec Seokjin.

J'ai encore peur de Seokjin, depuis que je sais que c'est le frère perdu de Taehyung.

La première personne présente dans la pièce était malheureusement celui que je voulais éviter, comme si le sort s'acharnait contre moi en cette matinée ensoleillée.

"Oh, Jungkook ! Salut ! M'appela-t-il de sa voix enjouée.

-Bonjour...répondis-je, peu sûr de moi.

-C'est rare de te voir en cours, encore plus en avance ! Tu devrais prendre exemple sur moi, tu vois, je suis toujours présent à cette heure-ci."

J'hochai la tête, ne prêtant pas plus attention à son arrogance naturelle et habituelle.

Ce type avait le dont de m'insupporter.

"Est-ce que Namjoon est là aujourd'hui ? demandais-je avec hésitation, surpris que mon ami ne soit pas déjà présent.

-Eh bien...Je ne sais pas, je ne l'ai pas croisé aujourd'hui alors que nos cours se déroulent toujours au même étage, il est peut-être malade, je lui avais dit de porter une écharpe ! Quel imbécile !"

Je me retins de lui dire que nous étions en printemps et que donc il était peu probable qu'on eut besoin de porter une écharpe, et me contentai simplement de sortir mon mobile de ma poche pour demander des renseignements à mon ami.

C'est là que je vis un message, reçu il y a déjà plus de deux heures, d'un numéro masqué.

Mais je sus de suite de qui il s'agissait en lisant les mots qui y étaient rédigés :

[J'ai beau tenté de ne pas ressentir ce vide, un jour de liberté ne semble pas en être un quand tu ne me suis pas. Je n'assumerai sans aucune doute jamais mes mots et les nierai sans doute le plus fort que je le peux et je te déteste pour me faire subir un si grand vide, mais je voulais tout de même être sincère avec toi, car contrairement à ce que tout le monde pense -et je m'en rends coupable- je ne suis pas un connard de première. Maintenant oublie tout ce que tu viens de lire si tu ne veux pas que je t'éclate la tronche]

Je ris à la lecture de sa dernière phrase, souriant comme le plus fou de tous les attardés, comme s'il allait oser me blesser alors qu'on sait tous les deux que je lui manque.

J'ai chaud à relire ses mots encore et encore comme pour me persuader qu'ils sont bien réels, une joie et une excitation ainsi qu'une certaine fierté m'envahissaient vivement à mesure que je relisais ces pixels rédigés noirs sur blancs par les longs doigts fins et mates de Taehyung, ça semble irréel, tellement que j'aimerais croire à une blague.

Je me réveillai de ma transe quand la sonnerie retentit, et rangeai mon mobile sous le regard interrogateur de Seojin, je crois qu'il aurait aimé savoir pour Namjoon, mais je l'avais complètement oublié.

Je fus aussi attentif durant ce cours que les premiers de la journée, mais cette fois-ci mon humeur était bien différente.

C'est fou comme la simple lecture d'un message de la personne que tu aimes peut t'emplir de joie.

Finalement, je ne regrette en aucun cas de ne pas l'avoir suivi ce matin, il m'a enfin avoué directement le vide que ça lui causait, je fais tourner ses mots dans ma tête comme si je l'avais entendu me les dire, ils finissent par s'emmêler et créer des tresses colorées de mots éparpillés, l'image m'est jolie, ça scintille.

À L'arrêt Du Champ || TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant