À L'arrêt Du Champ || Taekook

Chapitre 11 : je suis à un point de non-retour

J'observe quelques minutes de plus l'homme que j'aime du plus profond de mon être, le temps semble s'écouler si vite quand je suis simplement là à l'admirer au doux son du vent (même si le bruit infâme de la ville continue de tarauder nos tympans).

Mais pourtant, ce manque de parole m'oppresse, je m'en rends encore plus compte quand je le regarde ainsi, mais je reste toujours aussi effrayé, car je suis humain, et chaque être humain est tout le temps effrayé de l'inconnu, de l'avenir, de ce qui pourrait chambouler un calme.

Alors je savoure quelques minutes de plus cette tranquillité comme s'il était possible pour moi d'oublier que nos mots s'enterrent un peu plus à chaque fois que nos présences se croisent.

Je veux le briser ce manque de mot, tellement le briser.

Mais je ne peux pas, je suis trop faible, trop peureux pour vivre un tel effondrement, le silence, il est précieux, c'est grâce à ce silence que j'ai la chance de t'observer et j'en ai pleinement conscience, c'est pour ça que je tiens tant à le conserver.

S'il-vous-plaît, laissez-moi lui parler sans qu'il me haïsse.

J'ai beau penser tout ça, ça ne change rien à ce à quoi nous ressemblons : deux jeunes hommes inconnus qui ne pipent pas un mot et qui ne s'échangent aucune pensée.

Je ne suis rien pour lui et il semblerait qu'il devrait ne rien être pour moi.

Mais je l'aime tant déjà, est-ce étrange ?

Je ne croyais pas à tout ça avant, je ne pensais pas qu'il était possible de tomber amoureux sans connaître quelqu'un, je ne croyais même pas à l'amour tout court.

Mais pourtant, il est arrivé à moi sans que je ne puisse rien y faire et je suis maintenant prisonnier de ces chaînes qui peuvent peut-être me faire voler mais qui pour l'instant ne font que m'emprisonner.

"Kook."

Je sursautai au son de sa voix, je m'étais tant perdu dans mes pensées que ma contemplation avait cessé.

"Pourquoi tu continues de me suivre ? Je t'ai dit de partir, mais tu continues de venir avec moi presque chaque mercredi, depuis maintenant trois mois, comment ça se fait ?"

Je sentais que mon sang pulsait dans chaque membre de mon corps, mes pensées s'embrumaient et ma vue aussi, ma gorge s'asséchait et la peur emprisonnait mes mots.

Je ne pouvais rien dire, je ne pouvais rien faire, j'étais bel et bien prisonnier, prisonnier de toutes les émotions qui me traversaient, de cet amour qui avait fini par naître sans que je ne puisse le remarquer. Tout s'est passé si vite, je revois la première fois que je l'ai vu joué du Debussy, la première fois qu'il m'en a parlé, la première fois qu'il m'a rejeté, la première fois que j'ai osé, et je me rendis compte qu'il était trop tard pour tout.

Trop tard pour ne pas tomber sous son charme, trop tard pour faire demi-tour, car si je voulais vraiment fuir je n'aurais jamais dû le suivre en premier lieu, jamais je n'aurais dû vouloir lui parler et le connaître, jamais.

Mais il est trop tard pour les remords, chaque action que j'entreprends ne peut être effacé.

Alors pour l'instant j'imite la feuille ambrée qui s'écroule, tremblante sous le vent.

"Putain, mais jamais tu ne voudras me répondre quand je suis de bonne humeur ? Tu viens de tout gâcher, je veux te faire fuir à présent, si tu t'en fous dis-le moi directement."

J'inspire et expire longuement pour retrouver un souffle décent, puis je tente d'ignorer le mal de tête qui me prends pour lui répondre faiblement :

"Je ne fuirai pas, jamais, car il est trop tard, j'aurais pu fuir avant de te suivre, mais maintenant je ne peux plus, je te suivrai peu importe ce que tu fais ou ce que tu me dis, je cesserai seulement quand tu me diras que le fait que je te suive te rend vraiment malheureux, je ne veux pas t'abandonner, je veux pouvoir être à tes côtés plus que n'importe qui je le sais, d'autant plus que...Qu'on dirait que c'est ce que tu veux."