Chapitre 8

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Je n'ai jamais autant pâtissé que cette semaine. Choux, tartes, entremets, cakes... j'ai tout réalisé et plus d'une fois. Abbi s'est même plaint qu'elle ne parviendrait jamais à tout vendre et elle a eu raison. Mais je crois qu'il me fallait un échappatoire pour ne pas trop penser au premier cours que va me donner Holly, et même si nos réserves de farine et de sucre ont drastiquement diminué, je n'avais pas d'autre choix. Mila, elle, en a bien profité. En témoigne son mal de ventre samedi après-midi.

Holly m'a proposé de commencer aujourd'hui, une semaine après que je sois allé la voir pour accepter sa proposition. Et je suis stressé. Non, pas stressé, plutôt cramoisi d'angoisse. Il va falloir que je sois honnête avec elle, qu'elle évalue les dégâts, qu'elle identifie toutes mes failles pour s'engouffrer dans chaque brèche, une par une. Je n'ai jamais, absolument jamais, laissé personne faire ça. Je ne sais d'ailleurs même pas comment on fait. Déverrouiller toutes mes barrières, je veux dire.

J'essaie de me convaincre que je n'ai rien à perdre, que si je me sens vraiment trop mal je pourrais toujours tout arrêter mais je ne parviens pas à me détendre. J'imagine que c'est plutôt normal après tout. Ce n'est pas une situation courante.

Holly aussi ne va pas être dans son élément. Si elle m'a demandé une semaine de délai, c'est parce qu'elle avait apparemment besoin de se renseigner et de travailler son approche. Je suis devenu un sujet d'étude. Oh joie. Je souffle un bon coup, lisse ma chemise à carreaux rouges et noirs et tente de remettre de l'ordre dans mes cheveux. Pour me distraire, je pense à la petite boite qui est parfaitement calée dans mon sac à dos, contenant un chou chocolat-passion. Je me suis dit que c'était le bon moment pour ressortir cette recette. Comme un pied de nez à mon enfance où on ne m'a pas vraiment donné ma chance. Aujourd'hui, je la saisie. Et comme je ne connais rien aux goûts d'Holly, c'est une bonne manière de découvrir ce qui la fait vibrer.

Je danse d'un pied sur l'autre dans le couloir de l'école, essayant maladroitement de paraitre naturel alors que dans ma tête, c'est un sacré bazar ! A coté moi, le sac à dos noir dans lequel j'ai fourré des crayons, un cahier et une calculatrice. Ne me demandez pas pourquoi, moi-même je n'en sais rien. Mila était si fière de me prêter ses fournitures que je n'ai pas osé refuser ce qu'elle me tendait.

La porte s'ouvre, les premiers élèves s'échappent. Comme à son habitude, Mila prend son temps pour ranger ses affaires et sortir de la classe. Je crois qu'elle s'y sent tellement à l'aise qu'elle peine à la quitter le soir. Cette pensée me rassure, tant elle se situe à l'exact opposé de ma propre expérience. Ma fille sautille pour me rejoindre et déposer un énorme baiser sur ma joue fraichement rasée.

-Pourquoi tu t'es rasé papa ? J'aime mieux quand tu piques moi ! signe-t-elle avant d'enfiler son manteau.

-Euh... je...

Oui, tiens c'est vrai ça, pourquoi me suis-je rasé ? Ça ne m'aidera surement pas à apprendre à lire et à écrire ! Mais comme tous les enfants stressés par leur rentrée, je crois que je voulais simplement m'afficher sous mon meilleur jour, pour que cela me porte chance.

-Tu m'as apporté mon goûter ?

-Oui, tiens.

Je lui tends une gourde en silicone remplie d'une compote pomme myrtille que j'ai concoctée ce matin et un petit bretzel nature. Ma fille boude. Avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, je la devance:

-Après l'orgie de sucre que tu as fait ce weekend, tu vas faire une petite cure de désintoxication. Aucune pâtisserie cette semaine.

Ses mains se lèvent à une vitesse folle, s'insurgeant face à mon despotisme culinaire. Je ravale un rire pour ne pas la vexer mais la voir être autant révoltée m'amuse vraiment.

HollyciousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant