Chapitre 10

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La boule au ventre, j'observe Mila empaqueter joyeusement quelques vêtements dans son petit sac de sport. Elle sautille, pétille, flamboie de joie. Ses mains s'agitent dans tous les sens, tantôt pour attraper de nouvelles affaires, tantôt pour s'extasier sur la grande aventure qui l'attend. Elle découche ce soir. Pour la toute première fois. Et je n'aime pas du tout cela.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire d'Ella, sa meilleure amie. Jodie, sa maman, a proposé à Mila de dormir chez eux pour qu'elles puissent profiter d'une petite soirée pyjama entre filles. Et comme on est mercredi, ce soir, je rentrerai tard après mon cours avec Holly. Ma fille m'a supplié pendant une semaine entière pour que j'accepte la proposition de Jodie. Quand elle m'a en parlé la première fois, j'ai levé les yeux au ciel, comme si c'était la chose la plus absurde qui soit. J'ai répondu non d'un ton ferme et définitif et j'ai clos la discussion. Mais quand Mila a une idée en tête, difficile de la faire changer d'avis. Elle m'a fait subir un véritable travail au corps durant sept longues journées. Elle ne parlait que de ça. J'étais résolu à maintenir ma position. Je veux dire, autoriser ma fille à découcher à six ans ? Hors de question, même si c'est pour passer la nuit chez sa meilleure amie que je connais très bien et sous la responsabilité de parents dignes de confiance. Je n'aime tout simplement pas voir ma fille m'échapper. C'est égoïste, je le sais mais je ne peux me raisonner.

Mais dimanche, elle m'a fait flancher. Nous étions sur le canapé, allongés l'un contre l'autre, à regarder notre émission culinaire favorite. Je sentais que quelque chose la tourmentait, elle était beaucoup trop calme. Quand le générique s'est affiché sur l'écran, je lui ai demandé ce qui n'allait pas.

-C'est juste que j'ai trop envie d'aller dormir chez Ella mercredi soir, a-t-elle répondu, les yeux baissés.

Je m'apprêtais à la sermonner gentiment pour lui rappeler ma position à ce sujet quand elle a ajouté:

-Ça m'aurait fait un soir de moins à être toute seule à la maison.

Mon coeur de papa s'est serré si fort que j'en ai encore mal aujourd'hui.

-Tu sais papa, je suis vraiment très contente que tu travailles avec Mademoiselle Holly et que ça te rende heureux mais des fois le soir, tu me manques. Même si Abbi est très gentille et s'occupe bien de moi. Et mercredi, au lieu de m'ennuyer toute seule à la maison, je pourrais être avec Ella et fêter son anniversaire.

-C'est d'accord, ai-je lâché sans même réfléchir une seconde de plus.

-C'est vrai ?

Ma fille s'est levé d'un bond, une immense joie teintée de soulagement décorant ses jolis yeux noirs. J'ai acquiescé, elle m'a déposé des dizaines et des dizaines de baisers sur les joues.

-Tu es le meilleur de tous les papas du monde, je t'aime !

-Moi aussi, je t'aime.

Maintenant, je me demande si je ne suis pas tombé dans son petit piège. Mais une chose est sûre, la tristesse peinte sur son visage n'était pas feinte. Elle a peut-être utilisé cet argument pour jouer sur ma corde sensible mais j'ai réalisé que ma fille, aussi gentille et altruiste soit-elle, souffrait un peu de notre nouveau rythme de vie.

Voila désormais trois semaines que je me rends à Galway trois fois par semaine. Trois semaines que je m'absente en milieu d'après-midi jusqu'au soir pour essayer d'effacer mes lacunes. Trois semaines que j'ai juste le temps d'embrasser rapidement Mila à la sortie de l'école avant de sauter dans le bus. Cette nouvelle organisation est épuisante pour notre famille et ne nous laisse que très peu de répit. Les lundis, mardis et mercredis, je pars chez Holly. Les jeudis et vendredis, je carbure pour approvisionner le tea-time du pub. Les samedis, je donne un coup de main à Abbi pour gérer la salle qui déborde de monde. Et les dimanches, je m'écroule sur mon canapé, ma fille entre les bras.

HollyciousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant