Hollycious

Chapitre 24

Mes pas furieux avalent le bitume. Je ne décolère pas, bien au contraire. Non mais pour qui se prend-t-elle ? Comment peut-elle penser une seule seconde qu'il lui suffit de quelques mots pour revenir et prendre une place qu'elle n'a jamais voulue ? Pendant six ans, j'ai dû tout assumer tout seul. Les nuits sans sommeil, les pleurs inconsolables, les premiers bobos, les premières maladies, sa surdité, son premier jour à la crèche... elle n'a rien connu de tout cela. Je me suis cassé la figure bien des fois mais je me suis toujours relevé. J'ai fait du mieux que je le pouvais, même quand je ne savais absolument pas ce que j'étais en train de faire. A dix-huit ans, je me suis retrouvé à disserter sur les capacités d'absorption des couches et sur les meilleures purées à préparer à un bébé qui n'a pas encore de dent. J'ai appris, mué par une force inimaginable, un amour dépassant toutes les frontières. Elle, elle ne m'a pas demandé mon avis, elle nous abandonnés sans même un seul regard en arrière et aujourd'hui, il faudrait que je l'accueille à bras ouverts et que je lui fasse une place dans notre vie ?

Ariane a au moins eu la présence d'esprit de ne pas me suivre. Mais elle sait où j'habite, où je travaille. Elle reviendra rapidement à la charge, ce n'est qu'une question de temps. Je claque la porte quand je regagne l'appartement. En entendant ce vacarme, Holly me rejoint immédiatement. Elle scrute mon visage tendu, mon regard meurtrier. Une véritable inquiétude noue ses traits.

-Comment ça s'est passé ? demande-t-elle doucement.

-Mal.

-C'est-à-dire ? m'encourage-t-elle en attrapant ma main pour la blottir au creux des siennes.

Je soupire en secouant la tête.

-Elle veut revenir. Connaitre Mila, faire partie de sa vie.

Holly baisse les yeux, soupire à son tour.

-Elle m'a fait tout un speech pour m'amadouer, elle m'a raconté qu'elle n'était plus celle que j'ai connue et qu'elle est devenue une personne responsable. Elle a dit qu'elle culpabilisait d'avoir laissé Mila, qu'elle avait honte. Et elle prétend vouloir réparer son erreur. Mais une telle erreur, c'est irréparable !

Je m'emporte de plus belle, absolument incapable de maîtriser le volcan qui se réveille au fond de mes tripes. Tout le monde parle de l'instinct maternel, de cette force inexpliquée qui pousse les mères à vouloir protéger leur enfant à tout prix mais je suis la preuve vivante que ce n'est qu'un beau baratin. L'instinct qui fait bouillir mes veines dépasse désormais tout entendement. Mila est ma fille, la chair de ma chair. Je partage bien plus avec elle que le même sang. Elle a fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui. Je suis un père. Je suis son père. Et je suis prêt à tout pour la protéger. A tout.

-Je... je n'ose même pas imaginer ce que tu ressens Louis.

Alors même que la colère calcinait tout sur son passage, ces mots me font l'effet d'un sceau d'eau glacé.

-Je... m'imobilisé-je, le regard perdu, j'ai peur. J'ai tellement peur Holly !

Ma voix tremble, mon regard se voile. Les bras chauds d'Holly m'engloutissent dans une étreinte réconfortante mais mon esprit s'envole déjà bien trop loin, vers des contrées peuplés de scénarios catastrophes.

-Ça va aller, ça va aller. On va trouver une solution, calme-toi.

Elle m'oblige à inspirer profondément et à expirer lentement, ses pupilles plantées dans les miennes. Je laisse tomber un peu de tous ces sentiments qui me rendent fou. Holly me conduit au salon où nous nous installons sur le canapé, l'un en face de l'autre, nos genoux se frôlant d'une manière si réconfortante.

-Il faut que tu rationalises la situation.

-Qu'est ce que tu entends par là ?

-Tu dois connaitre ses intentions pour pouvoir soit te tranquilliser, soit te défendre en toute connaissance de cause.