Chapitre 6 - Tempête

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- Attends mais t'es un fada toi, t'as cru qu-

- Toi tu fermes ta gueule, lui rétorqua t-il sèchement. Il reprit d'une voix plus douce. Vas-y Lou, prépares tes affaires, je t'emmène ailleurs.

La gamine ne comprit pas. « Lou », ce n'était pas la première fois qu'il avait un terme affectueux pour elle. Comme pendant leur repas en ville il y a quelques semaines, avec sa bande. Ils rirent et ne semblèrent pas différencier la jeune fille, fraîchement arrivée. Encore une fois, il avait cette forme de tendresse qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Elle resta quelques secondes, ébahie, à le fixer, après ce qu'il venait de dire. Il était toujours aussi proche d'elle, toujours en partie cachée derrière la porte de sa chambre, comme si un murmure suffisait pour qu'ils se comprennent. Il ne parlait pas à sa mère, seulement à elle. Se ressaisissant après quelques instants, elle ne sembla pas comprendre la situation, regarda tout autour d'elle. Elle était perdue, dans sa propre chambre. Sans rétorquer, et sans comprendre, elle se retourna doucement et commença le rassemblement de quelques affaires. Elle prit 2 vieux sacs à dos et les remplit de quelques vêtements, quelques sous-vêtements, elle bourra les sacs. Elle enfouie son téléphone dedans, ainsi que ses écouteurs et son vieil mp3. Ses gestes étaient lents, incertains. Elle n'était pas perplexe, elle semblait faire confiance à Deen, sans vraiment savoir pourquoi. L'alchimie qui se dégageait de ce bonhomme, pourtant pas si vieux. 16 ans et il avait débarqué, sans qu'elle sache comment, un soir où ça n'allait pas. Il n'avait que 3 ans de plus qu'elle, mais il ne semblait pas craindre cette situation tendue et continuait à agir calmement, avec elle. Si seulement elle savait l'état dans lequel il se trouvait, lui, en ce moment même.

Pendant que Deen regardait la jeune fille rassembler quelques affaires, toujours fixe derrière la porte, la mère s'agitait à nouveau. S'approchant de lui, elle tenta de le pousser, pour rentrer dans la chambre de la petite. Elle insista, le bouscula, l'insulta, lui agrippa le bras, essaya de le faire bouger de devant la porte. Mais il ne bougea pas, vacillant de droite à gauche par moment, la mâchoire crispée. Il fallait qu'il reste calme, il le savait. Une main collée sur l'encadrement de l porte l'empêchait de rentrer dans la petite pièce. Elle essayait de voir mais ne savait pas réellement ce qui se tramait.

Lunah finit au bout de quelques minutes. Il n'en fallait pas beaucoup, elle n'avait pas vraiment réfléchit aux choses à prendre. Elle revint derrière sa porte et, fixe, lança un regard empli d'inquiétude au jeune homme, acquiesçant la fin de sa mission. Prit dans un élan, il poussa sa mère d'un revers de bras, la plaquant fermement contre le mur. De l'autre bras, il poussa la porte et attrapa la main de Lunah pour l'attirer vers lui, contre lui.

- On repassera plus tard pour le reste de ses affaires, pour le moment, elle reste pas avec toi, salle folle va, lança t-il à sa mère, en tirant la gamine en direction de la porte d'entrée.

Toujours sans rétorquer, et sans comprendre, Lunah se dirigea vers la porte et entreprit de récupérer les 3 paires de tennis qui lui appartenaient, en enfouie 2 dans un de ses sacs remplis et commença à enfiler la 3ème paire aux pieds. Elle releva la tête et lança à nouveau ce regard à Deen ; ce genre de regard, un mélange d'inquiétude, de questionnements et de perdition, qui confirmait au jeune homme qu'il faisait le bon choix. Une fraction de seconde lui suffit pour libérer l'emprise de son bras et se diriger vers l'entrée.

-Non mais t'as cru que t'allais partir comme ça ?

Ni une ni deux, la mère s'élança, outrepassa le Papy et saisit la jeune fille au col avant de la projeter en arrière. Ses sacs tombés au sol, elle ne maîtrisait rien de la situation depuis le début, laissant son corps partir et abattre son dos contre un mur. Toujours décuplée par ses vives émotions, une gifle s'abattit sur la jeune pommette déjà violette. Une fois de plus, Lunah fut projetée et, las, sembla ne pas réagir, le visage frappé au sol, acceptant la sentence. L'éloquence de la vieille folle était forte ; Deen saisit son bras tendu vers la jeune Lunah et lui plaqua dans le dos. Pris de colère, il donna un coup de pied derrière le genou de la femme, renforçant sa clef de bras, qui la fit se tordre de douleurs. Poussant des cris et des insultes, la scène resta figée quelques secondes. Il avait de la difficulté à canaliser sa colère. Il continua à tenir fermement le bras, le renforçant par moment, comme pour renforcer la douleur de son étreinte. Il ne regardait plus Lunah, il ne sentait plus son regard sur lui. Il était pris de colère, il l'extériorisait.

- Mik...

Il ne l'entendait plus.

- Mik, s'il-te-plaît...

Elle lui toucha le bras, comme un électrochoc. La colère lui avait ôté la vue, elle l'avait rétablie. Il la regarda, de ses jeunes yeux bruns et brillants, qui le suppliaient maintenant de se calmer, d'arrêter. Elle était passée à côté de lui, toujours agrippée sur le bras qui tenait fermement sa mère à genoux au sol. Elle le supplia d'arrêter.

- S'il-te-plaît... Insista t-elle, son regard plongé dans le sien.

Quelques secondes avaient été nécessaires pour que son corps intègre l'information et qu'il lâche mécaniquement son emprise. Toujours à genoux devant lui, la mère ne se retourna pas ; elle ne voulait pas le regarder d'en bas, elle refusait d'être inférieure.

- Tu vas-

- Ta gueule toi, la coupa t-il. Viens Lou, dit-il plus doucement, en reprenant la main de la jeune fille.

De sa main libre, il saisit la anse des 2 sacs à dos traînant au sol et franchit les deux pas qui le séparaient de la porte d'entrée. Il ouvrit la portée, fit passer la jeune fille devant et l'entraîna sur le palier, jeta un dernier coup d'œil à sa mère toujours à genoux qui lançait un regard d'horreur et de colère en fixant le sol, et referma violemment la porte de l'habitacle. Laissés sur le palier, le silence emplit le résonnement du claquement de porte. Pendant quelques secondes, les deux jeunes ne bougèrent pas, le résonnement toujours pesant, comme un acouphène dans leurs tympans.

Deen se retourna vers la jeune fille. Il ne doutait pas de son geste, mais il n'avait pas envisagé la suite. Soudainement, il sentit la jeune Lou sur lui : prise dans un élan curieux qu'il ne lui connaissait pas encore, elle venait de se jeter à son cou, pour l'étreindre. Toujours ses 2 sacs dans la main, il serra sa fine taille de ses bras et ferma les yeux quelques instants. Le silence.

Ils avaient dû rester là quelques minutes, dans les bras l'un de l'autre. Lunah s'était libérée d'un poids, elle réfugia sa tête emplie de larmes dans le creux de sa nuque. Ses lèvres tremblantes et humides touchèrent sa peau.

- Merci...

Il sentit au souffle saccadé contre sa peau qu'elle pleurait. Il resserra son étreinte. Il pouvait joindre ses 2 mains tellement la taille de la jeune fille était fine. Et en plus de ça, elle n'était pas très haute. Deen avait eu envie de la protéger avant ce jour, mais il en ressentait maintenant le besoin. Il fallait qu'elle soit protégée de tout ça.

Passés quelques minutes, toujours sur le palier, il libéra la taille de la gamine et se libéra de l'emprise qu'elle avait avec ses petits bras frêles. Il prit sa main et l'emmena vers l'escalier, descendant les étages. Il s'arrêta 2 étages plus bas, à l'appartement de sa grand-mère, sortit son trousseau de clefs et ouvrit dans le plus grand des efforts le plus calmement la porte de l'habitacle. Il ne sentait pas comme chez la petite, il s'en dégageait de bonnes vibrations, plus douces, plus sucrées, qui emplissaient déjà le cœur de Lunah. Un dernier pas la fit entrer dans l'appartement. Deen referma toujours dans le plus grand des calmes la porte à clefs, agrippa à nouveau la jeune main et la conduisit dans sa chambre. Là, il prépara un lit de couvertures qu'il mit à terre, chuchota à la jeune fille de se coucher dans le sien et il s'accommoda du lit de fortune par terre. Les deux jeunes gens s'endormirent, à leur plus grande surprise, très vite, laissant place au calme dans leur esprit, pour la première fois de la soirée.

Tout commence à l'Iris 𑁋 Deen BurbigoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant