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En fait, nous n'avions même pas eu besoin d'attendre l'arrivée de l'ennemi après avoir repris le château. À croire que bien que Rogue ait fuit la Grande Salle, les rats s'étaient déjà trop bien installés dans le navire. Faisant preuve d'une patience incommensurable face à l'obstination de Jean à vouloir rester sur place, Kingsley l'autorisa à participer à l'évacuation avant de lui-même quitter les lieux. J'étais intervenue en réclamant qu'un sorcier majeur devait s'assurer qu'il soit effectivement renvoyé chez lui une fois sa tâche achevée. Serrant les dents, Neville s'en porta garant. J'eus le sentiment, à voir la lueur d'inquiétude briller dans ses yeux à la mention des plus jeunes, qu'il s'en sentait responsable. Après des mois à gérer ce refuge improvisé, j'en compris sa réaction. S'il ne m'avait pas fallu rester aux côtés de ma famille sur le champ de bataille, je me serrais assurée par moi-même de l'arriver à bon port de Jean dans un endroit où il ne risquait pas de perdre un membre, sa santé mentale, ou même la vie.

— Hé, ce gosse est solide. Et c'est aussi le plus obéissant que je connaisse, et crois-moi, j'en connais un rayon niveau obéissance.

Fred serre ma main dans la sienne, comme s'il espérait que ses doigts se fondrait dans les miens. Jean venait de redescendre près de la statue de la Sorcière Borgne, où Lee Jordan s'était assuré de décondamner le passage secret menant à Pré-Au-Lard. Ainsi, deux sorties avaient été établies. Fred, lui, descendait de la tour d'astronomie, son frère s'éloignant en direction opposée. Celui-ci me lance un regard suppliant que, d'une manière ou d'une autre, j'interprétais bien trop dramatiquement à mon goût. Le froid ne me quitte pas.

— C'est beau quand même, non ? Ajoute-t-il en désignant le dôme magique protégeant le domaine du château.

— Ca aurait pu l'être, répondis-je en lui lançant un regard doux.

Je suis tiraillée entre l'envie d'évacuer l'entièreté du château et de fuir, et le besoin de me battre. Peut-être regretterai-je plus tard ma décision de ne pas avoir opté pour la première option. Fred me rend mon regard, et je me surprend à ne pas pouvoir détacher mon regard des étoiles qui parsèment ses joues. Ses taches de rousseur reflètent le visage enfantin qu'il eut gardé autrefois, contrastant avec sa machoîre carrée et les picots de sa barbe rasée. Au milieu de la cour du château, il m'attire contre lui et j'hume à nouveau son parfum, ce mélange de savon et de sueur que je recherche tant lorsqu'il n'est pas là, impossible à recréer.

— Quoi qu'il arrive ce soir, ça sera forcément la dernière bataille de quelqu'un.

— Ca sera la dernière bataille de tout le monde, je pense.

Balayant ma dramatique allusion à la mort, lui la corrige avec optimisme.

— J'espère que ce n'est pas la dernière fois que je te sens contre moi, murmure-je avec effroi.

Fred rompt notre étreinte pour prendre mon visage dans ses mains en coupe.

— Hé, souris un peu, ça ne sera pas le cas, on va gagner et casser du Mangemort !

A contrecoeur, un sourire s'étire malgré moi sur mon visage. S'il pouvait avoir raison, ce serait... Parfait. Cependant, il me semble ne pas assez avoir perdu dans cette histoire. Rien ne peut durer éternellement : jusqu'à maintenant, trop peu de gens sont morts de notre côté pour que le Seigneur des Ténèbres ne s'en contente. Comme s'il ressentait cette angoisse glacée qui me ronge, Fred m'embrasse. Ce genre de baiser qu'on aimerait faire durer, qu'on a l'impression de ne jamais en être rassasié. Au dessus de nos têtes gronde ce qu'on aurait pu prendre pour un orage. La protection magique qui planait au dessus de nos têtes tombent en des morceaux de lumière se dématérialisant avant de toucher la pierre des tours, rendant les cris d'assauts des Mangemorts et des géants en première ligne un peu moins lointain. Mon visage se crispe et mes doigts se referment sur ma baguette que j'extirpe de ma poche.

𝐏𝐑𝐈𝐃𝐄 ⚊ ❪f. weasley❫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant