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Au début, il a été difficile d'y croire. Quelques uns des nôtres postés au sommet des tours indemnes étaient descendus en trombe, et leurs voix avaient résonnées dans toute la Grande Salle. Les troupes ennemis avaient été aperçues non loin d'ici, se dirigeant droit vers nous. A leur tête avait été vu, bien distinctement, le visage de serpent de leur meneur. Cependant, on n'était pas sûr, disait-on, de l'identité du corps inerte que transportait dans ses bras leur immense prisonnier barbu.

Alors, Jean m'avait aidée à me lever alors que je serrais les dents, suivant difficilement la foule qui s'amassait dehors. Ralentie par ma jambe blessée, je dis à Jean :

— Avance sans moi, mais sois prudent. Jamais en première ligne.

— Ne dit pas de bêtises. Je ne te laisserais pas seule.

J'eus l'impression qu'il insinuait que j'étais bien trop affaiblie pour me déplacer seule. Pourtant, j'acquisce positivement. Je levais les yeux vers son visage si pâle et creusé par ces derniers jours d'épuisement et de faim. Moi non plus, je ne devais pas avoir bonne mine. Mais l'idée d'avoir l'air de quelque chose, de toujours posséder une enveloppe corporelle m'est difficile à imaginer. À mes yeux, je ne suis plus là non plus.

Quand son rire à glacer le sang retentit dans le silence de mort qui règnais sur la cours du château, je fus prise d'une violente envie de prendre les jambes à mon cou. J'avais envie de saisir le bras de Jean et de transplaner le plus loin possible d'ici. À bonne distance de sa personne, sa voix lointaine me paraissait bien plus proche, sifflante aux oreilles. Les souvenirs que j'en gardais n'aidaient pas, il fallait l'admettre. Mon corps entier me démangeait, se remémorant les sortilèges de torture que celui qui a autrement été mon maître avait pu me faire subir. La peur me paralysait à nouveau, comme si rien n'avait changé. Comme si rien n'avait changé.
Alors que quelques cris de désespoirs fusent à l'avant du cortège résistant, à travers les corps me barant le chemin, je ne peux que deviner qui se tient, inerte, dans les bras de notre garde-chasse prisonnier. Je lève les yeux vers le ciel. Parmi les nuages de fumée doi s'élever celui dont la source s'avère être la cabane d'Hagrid. Le rire strident de Bellatrix Lestrange fait taire immédiatement tout sanglots bruyants, inspirant cette peur de la folie qu'elle personnifie. Comme si rien n'avait changé.
Le Seigneur des Ténèbres nous somme de nous rendre, sinon d'en mourir. Drago émerge de nos rangs et, d'un pas hésitant, rejoins les troupes ennemies. Je me surprend à remarquer le pincement au coeur qui me tiraille la poitrine alors qu'il se tourne brièvement, balayant la foule du regard. Intérieurement, j'espère que c'est moi que son regard cherche. J'espérais qu'il ne lui restait ne serait-ce qu'une once de considération à mon égard, après tant d'années de vie commune. Puis je me rappelle de la peur que Drago a ressenti toute sa vie, et ressentira à jamais si personne ne le tire de là. Si personne ne nous tire de là. En vérité, nous avons peur tout les deux. Comme toujours, comme si rien n'avait changé.

Quelqu'un d'autre s'avance, j'entend ses pieds traîner contre les gravats qui jonchent le sol. Dans la foule opposée, je distingue brièvement ma mère, droite et inquisitrice, balayer du regard les individus qu'elle considère si futiles, si inférieurs, que leurs vies n'a d'importance. A ses yeux, sa propre vie ne vaut rien en comparaison de la cause qu'elle sert. Un frisson de dégoût me secoue lorsque je me rend compte que, cette loyauté sans fin que je voue à ma propre cause, ne m'a pas été inculquée par ma propre morale, mais par la sienne. Ironique, n'est-ce pas ? L'enfant qu'elle a façonnée comme une soldate pour servir les intérêts sombres des siens, est finalement devenue, grâce à son éducation, l'inverse de ce à quoi elle aspirait pour sa fille.

— Neville ! s'écrie Ginny.

Je vois sa main se lever par dessus les têtes de mes amis, faisant signe à Ginny de ne pas s'inquiéter. Son bras d'abaisse, et il traîne ses pieds sur un ou deux mètres avant de s'arrêter. La horde de mangemorts hurlent de rire, hilares, alors que le Seigneur des Ténèbres rappelle le statut de Neville. Je tend le cou, me retenant de me grandir de quelques centimètres afin de passer inaperçue. Le Gryffondor soutient le regard perçant de ce qui s'apparente, de nos jours, à la mort elle-même. Un frisson me parcourt. Bien que, dos à moi, je ne puisse voir ses yeux, je ressens cette lueur de défi qui l'anime.

𝐏𝐑𝐈𝐃𝐄 ⚊ ❪f. weasley❫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant