Julien s'engage dans une petite route de campagne. Il avait évité les grandes routes, surtout l'autoroute où, selon Jen, un barrage avait été dressé, et il avait zigzagué au hasard, ne sachant pas trop où aller. Ils n'avaient pas eu le temps de bien étudier la carte, et Julien ne se rappelait plus vraiment de l'itinéraire choisi.
Il gare la moto sur le bas-côté de la route. Jen descend d'un bond agile, époussette la poussière sur le pantalon d'un geste de la main. Elle a toujours le sac à dos qu'ils ont acheté en « empruntant » un téléphone à un parfait inconnu. Ils avaient ensuite rempli le sac de vivres, assez pour tenir au moins une semaine à deux. Ils avaient également acheté une nouvelle tenue, espérant ainsi brouiller les descriptions de Julien. Ce dernier regarde la jeune femme qui s'étire. Elle n'avait pas hésité une seconde à l'aider. Elle s'était embarquée dans cette fuite en avant et avait pris les directives, que Julien lui avait laissées avec soulagement. Julien ne comprenait toujours pas l'intérêt que Jen lui trouvait, ni pourquoi elle sacrifiait autant pour lui.
— À quoi tu penses, là ? demande-t-elle en se retournant vivement vers lui.
Julien secoue la tête et cligne des yeux pour chasser les rêveries qui l'animent. Il rencontre le regard de Jen et lui sourit :
Qu'on l'a échappé belle.
Jen hausse les épaules, mais ne répond pas. Elle se retourne vers le champ qui lui fait face. Elle le fixe un moment avant de prendre la carte qu'elle avait glissé dans le sac. Elle la déplie et la pose autant que faire se peut à plat sur le siège de la moto. Elle parcourt des doigts la carte, puis souffle.
— J'ai aucune idée d'où on est.
Julien se tait. Il ne savait pas non plus. Jen replie la carte, fait un tour sur elle-même. Ils sont au milieu de nulle part : aucune maison isolée, aucune trace de vie ne se fait voir. En continuant sur la route, sans doute retrouveraient-ils un peu de vie, ou du moins, une route plus large, avec des panneaux qui pourraient leur indiquer quelque chose. Mais avant, il fallait désactiver le signal GPS de la moto, afin qu'ils ne puissent pas être tracés. Jen avait toujours une capsule : elle pouvait être tracée, cependant, songe Julien, il fallait déjà qu'ils arrivent à retrouver qui l'accompagne pour pouvoir entrer les identifiants dans la machine. Du moins, c'est ce qu'il espérait.
Julien, sans un mot, se penche sur le mécanisme du véhicule et commence à démonter les pièces. Jen, quant à elle, s'assoit sur un tronc d'arbre couché à terre, le visage tendu vers le soleil, les yeux fermés. La lumière lui donnait un teint plus clair et faisait légèrement rougir les pommettes rondes.
— Voilà, c'est fait.
Julien se tourne vers la jeune femme, qui était restée immobile durant toute l'opération. Elle ouvre un œil pour voir sans être aveuglée par l'astre haut dans le ciel. Il devait être plus de midi. Toujours avec entrain, elle se lève.
— C'est reparti ! S'exclame-t-elle.
Ils errent encore une heure, avant de retrouver une route bordée de maison. Les panneaux de signalisation sont rares : aujourd'hui, tout le monde possède un GPS. Ils passent dans un petit village. Jen lui tape l'épaule et Julien se gare sur le côté.
— Reste bien loin, je vais demander le chemin dans une de ces maisons.
Aussitôt, elle descend et se dirige d'un pas déterminé vers la première habitation. Julien avance encore un peu et tente de se dissimuler derrière le pignon d'une autre maison. Il est trop loin pour entendre Jen et il n'ose pas se retourner pour voir ce qu'il se passe. L'attente lui semble interminable, mais au bout d'une dizaine de minutes, il sent une main le toucher. Il sursaute.
— Désolée, je ne voulais pas te faire peur, fait la voix de Jen derrière lui.
Il la sent qui monte de nouveau sur la selle de la moto et s'agripper à lui.
— C'est bon, je sais où l'on est. On est parti beaucoup trop à l'ouest, on s'éloigne de l'Italie. Il faut revenir sur nos pas, ou bien contourner par Saint-Etienne.
Julien hoche la tête. Il était réticent à faire demi-tour, il choisit donc plutôt de suivre la route vers Saint-Etienne. Cela rallongerait le trajet d'une heure ou deux, mais tant pis.
Rouler en moto était bien moins confortable qu'en voiture. Ils s'arrêtent en fin d'après-midi, le dos fourbu, incapables de continuer plus longtemps. Après Saint-Etienne, Julien s'est de nouveau écarté des routes principales pour chercher un coin tranquille où passer la soirée et la nuit. Au bout d'un moment, Jen tend un bras en direction d'un vieux bâtiment qui semble abandonné, au bord de la route.
Il ne s'agit que d'une petite cabane de chasseur, à moitié effondrée, mais cela les cacherait de la route. Julien hisse la moto dans le champ, légèrement surélevé par rapport au chemin. Il transpire à grosse goutte dans la chaleur étouffante du sud. Dans quelques heures, les températures redeviendront supportables. En attendant, la nouvelle chemise qu'il portait lui collait à la peau. Il s'essuie le front du revers de la main, souffle, et se laisse tomber sur une pierre lisse.
— Je meurs de faim, s'exclame-t-il.
Jen sort de la petit cabane, grand sourire, deux sandwiches à la main. Elle s'assoit à côté de Julien, dans l'herbe et tend la baguette de pain à Julien. Avec la chaleur, la mayonnaise a un peu coulé sur les côtés, et il s'en met plein les doigts. Il mord avec appétit dedans.
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Capsule
Science FictionAprès le Grand Soulèvement, des lois ont été créée pour satisfaire la population qui réclamait plus de sécurité, qu'elle soit financière ou politique. Ceux qui ont pris le pouvoir ont réussi à instaurer l'ordre et à rendre le monde parfait : il n'y...