Enzo pose l'index sur l'ouverture de la porte, qui détecte l'empreinte. Il a le cœur qui bat la chamade. Il n'avait pas revu Jen depuis la discussion qu'ils avaient eu dans la cafétéria, le jour où il avait enfin attrapé Julien. Il n'aurait pas dû la revoir avant trois jours, mais la situation avait changé.
La porte reconnaît l'empreinte d'Enzo et s'ouvre. Il s'engouffre à l'intérieur de l'appartement, plongé dans la pénombre. La porte se referme derrière lui, mais il ne bouge pas. Il reste un instant debout, à regarder le couloir menant vers le salon, à détailler le porte-manteau, le vide-poche posé sur le meuble à chaussure... Tous ces objets qui, un mois plus tôt lui semblaient familiers et qui, aujourd'hui, lui rappelaient qu'il n'était pas censé être là, qu'il était un étranger dans cet appartement.Il ferme les yeux, se demande comment Jen va réagir en le voyant. Se mettra-t-elle en colère, parce qu'il n'a pas respecté la promesse qu'il avait faite ? Un instant, il est tenté de faire demi-tour, de ne pas se signaler, et de faire comme s'il n'était jamais venu ici. Un instant, il pense à la fuite. Il avait peur de tout gâcher.
Pourtant, sans trop y réfléchir, il s'avance et franchit le couloir pour entrer dans le salon. Lui aussi, est plongé dans le noir, mais Enzo aperçoit de la lumière filtrer derrière la porte de la chambre. Jen est là, derrière cette simple porte, et à cette pensée, les mains du jeune homme deviennent moites. Il ne peut pas entrer comme ça, dans cette chambre, sans y avoir été invité. Il ne peut même pas frapper à la porte pour se signaler : il est plus de vingt-deux heures et il n'est pas censé être là.
Alors, de nouveau, il regarde le rai de lumière qui filtre sous la porte, la masse sombre du fauteuil qu'il devine dans le coin gauche, la table à laquelle il manque de se cogner en avançant à tâtons. Il bouscule une chaise, s'arrête, le cœur battant. Il tend l'oreille pour voir si Jen a entendu et si elle ne risque pas de débarquer d'un instant à l'autre dans le salon pour vérifier ce qu'il se passe. Mais rien ne bouge. La jeune femme doit être plongée dans le livre qu'elle est en train de lire et n'a pas entendu le bruit.
Les épaules d'Enzo s'affaissent. Elles sont douloureuses, et le jeune homme se rend compte qu'il se tenait aussi droit qu'un piquet, dans l'attente, depuis tout à l'heure. Il fait tourner les articulations, dans le but de se détendre un peu et faire passer la douleur. Enzo se met à réfléchir. Il fait la liste de ce dont il est sûr : il n'est pas censé être là, même s'il a une bonne raison pour y être ; il ne peut pas rentrer dans la chambre, même en frappant, car cela risquerait d'effrayer Jen et de la mettre encore plus en colère. Deux certitudes, donc. Puis, il fait défiler toutes les propositions dont il doute : doit-il vraiment le faire ; ne peut-il pas faire demi-tour avant qu'il ne soit trop tard ; comment Jen va-t-elle réagir. Voici ce qu'il allait devoir trancher.
Faire demi-tour serait la solution de facilité. Il pourrait le faire maintenant, et Jen n'en serait jamais rien. Mais ils avaient décidé d'être honnêtes l'un envers l'autre, cela faisait partie des nouvelles clauses de ce nouveau départ dans la relation. Jen finirait par l'apprendre, d'une façon ou d'une autre, de toute façon. Et mieux valait que ce soit par lui que par la télé ou sur Rézo.Il devait donc aller jusqu'au bout de cette décision, quoiqu'elle lui en coûte. Il maudissait tous ces événements de se mettre en travers de lui et de Jen. Il prend une grande inspiration et sort le téléphone de la poche dans laquelle il l'avait glissé. Il compose le numéro de la jeune femme.
Il entend le téléphone sonner, dans la pièce d'à-côté. Jen pourtant ne décroche qu'au bout de la quatrième sonnerie. Il entend la voix, légèrement déformée par le combiné.— Enzo ?
C'est l'étonnement qui peut s'entendre dans cette voix. Visiblement, elle ne s'attendait pas à ce qu'il appelle. Évidemment.
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Capsule
Science FictionAprès le Grand Soulèvement, des lois ont été créée pour satisfaire la population qui réclamait plus de sécurité, qu'elle soit financière ou politique. Ceux qui ont pris le pouvoir ont réussi à instaurer l'ordre et à rendre le monde parfait : il n'y...