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Pdv de Cassie

Apprendre à un fils d'Hécate comment se servir de ses pouvoirs alors que nos domaines de prédilection c'est les tremblements de terre, les morts et la vengeance, j'ai pas besoin de vous dire que ça s'est avéré compliqué.
Les semaines suivant l'arrivée d'Arthur au camps, on a failli mettre le feu à l'armurerie -trois fois-, mais on a enfin obtenu des résultats. Je dis "on" parceque tout seul, à part déplacer des objets à distance, il ne savait pas encore faire grand chose. En revanche, en s'y mettant à plusieurs, on obtenait d'assez bon résultats : il pouvait aider nos flèches (et mes rochers) à atteindre leurs cibles, intensifier la puissance de mes tremblements de terre et d'à peu près tout ce qu'on faisait. Il travaillait sur les envoûtements, et on les testaient à tour de rôles.
J'avais pris l'habitude de porter une écharpe pour ne plus surprendre les regards sur mon cou, car ce foutu bleu refusait de disparaître, j'avais même l'impression que sa couleur s'intensifiait, mais c'était sûrement parce-que mon teint était plus pâle qu'à notre arrivée (je dormais moins bien qu'avant depuis quelques semaines).
Bien sûr, je n'en parlait pas aux autres, c'était sans importance et on allait pas s'arrêter sur des détails.
Les recherches avançaient aussi du côté des éclaireurs. Chiron pensait que lorsque qu'ils "disparaissaient", les pensionnaires envoutés se déplaçaient en fait par le Labyrinthe, mais on n'avait plus aucune carte (tout était resté à la colonie) et de toute façon, après l'éboulement, elles étaient toutes  obsolètes. La seule solution dont on disposait était d'utiliser des traceurs, mais leur fabrication était longue.
Au bout de deux semaines, les traceurs ont enfin été prêts, et devinez qui a dû s'y coller.
Moi et Arthur.
Quand on l'a appris, Nico a aussitôt demandé:
- Comment ça, seulement vous deux? À quoi il joue?
Je venais de les rejoindre tous dans l'armurie pour leur transmettre la nouvelle. Je me suis assise sur un établi.
- À priori, ai-je répondu, Chiron pense qu'avec Nico, on se ferai repérer instantanément, deux demi-dieux majeurs, ça se sent. Et pour Loïc, c'est même pas la peine d'essayer, sa mère avertirai les Hécates au moment où on sortirai du camp. Donc c'est moi pour poser les traceurs, et Arthur pour me couvrir et m'aider à lancer.
- Tu va jeter les traceurs sur les pensionnaires ? a demandé Loïc
- Non, non, bien sûr. J'ai sorti un objet en forme de Y de ma poche arrière. Une fronde.
- Tu sais tirer avec ce truc-là?
J'ai regardé Arthur.
- On s'est entraînés, et je suis à peu près sûre qu'à nous deux on peut atteindre à ce qu'on veux. On partira à la nuit.

***

Le soir tombé, quand Arthur m'a rejoint en haut de la butte qui entourait notre camp, je n'ai pas pu m'empêcher de rire. Il avait récupéré un des seuls sac à dos qu'on avait à disposition, et il était absolument GIGANTESQUE. Le genre avec le petit clip en plastique sur le devant de la poitrine, histoire que ça ressemble un peu plus à un parachute.
- Quoi?,  a-t-il fait, Y'avais rien d'autre !
Toujours en riant, j'ai fermé le petit clip sur sa poitrine en prenant ma meilleure voix de Sergent.
- La sécurité avant tout, Soldat.
Arthur a soufflé.
- Roooh c'est bon. Tu fais un mètre trente, tu ne me donne pas d'ordres, non mais!
Sur ce, il s'est dégagé et à entreprit de descendre la butte. Sauf qu'il a trébuché et s'est vautré lamentablement en bas. S'en était trop pour moi, je me suis remise à rire :
- Pourquoi t'as pas ouvert ton parachute?
Sans même se relever, il m'a lancé :
- Mais tais-toiiiiiiii.
J'ai descendu la butte (de façon nettement plus artistique).
- Bon, grouille-toi, on doit sauver la colonie, tout ça, et j'ai déjà faim.
Arthur s'est relevé et on a commencé à avancer.
- Comment t'as fais ?
- Quoi? Pour pas tomber ?
- Non, pour enregistrer tout de suite quand on t'as appris toute l'histoire avec les demi-dieux, tout ça.
- Ah, ça. Ben, d'abord j'ai écouté ce qu'on m'a dit et attendu que ça se passe, et ensuite, avec Tyson, j'ai plus ou moins été forcée de me sociabiliser.
J'ai ri à ce souvenir
- Il était tellement content d'avoir une petite soeur, ai-je poursuivi, il m'a présentée à tout le monde et m'a montré toute la colonie. Après j'ai été kidnappée, ils sont venus me chercher, j'ai rencontré Nico et voilà, j'avais une maison, une famille et des amis, c'était plié. Mais je dois t'avouer, ça m'a aidé de rencontrer mon père.
Arthur a acquiescé en silence. Quand on a aperçu les lumières de la colonie, on s'est arrêtés rapidement, le temps que je prépare la fronde et qu'Arthur se concentre assez pour effacer un peu notre aura.
Une fois qu'on a été suffisamment proches, on s'est cachés derrière un rocher. Une ligne d'une demi-douzaine de sang-mêlés envoutés nous tournait le dos. Je me suis tournée vers Arthur.
- Je vais tenter un truc.
Sans sortir de ma cachette, j'ai crié
- Hého!
Aucune réaction. Je me suis retournée vers Arthur
- Ils réagissent pas au bruit, si on fait pas de mouvements brusques, ça sera du gâteau.
- Tu sais sur qui tu va lancer en premier ?
J'ai repéré une coupe afro dans le rang.
- Le deuxième à droite. Si on met le tracteur à l'arrière de la tête, il sera quasiment invisible, même si ça saigne un peu.
- OK.
J'ai tiré sans encombres. On a réussi à faire le tour de la colonie en toute discrétion, les Hécates étant rassemblés plus à l'intérieur du terrain et on a rapidement posé les trois premiers traceurs. J'allais tirer le quatrième et dernier sur une Aphrodite, mais au moment de lâcher l'élastique, j'ai ressenti quelque chose d'étrange et raté mon tir. Arthur n'a pas réussi à le rectifier et le traceur à finit sur un  tas de sacs en toile entassés derrière ma cible. Je le suis immédiatement baissée et Arthur m'a demandé :
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Un cyclope, ai-je répondu. Il se rapproche d'ici.
Au même moment, on a senti la terre trembler sous un pas lourd qui venait de derrière nous.
- Merde !, a fait Arthur. Derrière la tente, vite.
On s'est cachés, et on a plus mieux observer la scène.
C'était un cyclope, effectivement. Mais enchaîné et, surtout...
- C'est un soldat de mon père, ai-je murmuré. On doit aller voir.
Arthur a semblé hésité, mais on a fini par les suivre presque au centre de la colonie.
Une des Hécates s'est approché et s'en est suivi un interrogatoire auquel on ne comprenais pas un mot, mais les réponses du cyclope semblaient trop impertinentes aux yeux de ses geôlier.
- Qu'est-ce qu'ils disent ? a demandé Arthur.
- J'en sait rien. C'est l'ancienne langue des cyclopes ils doivent...
Je me suis interrompue et figée. L'interrogatrice semblait maintenant se défouler sur le cyclope incapable du moindre  mouvement. Il était juste apte à gronder et se tordre de douleur. Plus je les entendait, plus je tremblais et sentais les larmes me monter aux yeux.
Au moment où elle portait le coup fatal, j'aurais surgit de notre cachette si Arthur n'avais pas eu plus de bon sens et de sang-froid. Il a réagit de la seule manière adaptée à la situation. Au moment où je me levais, il m'a retenue et maintenue assise en me plaquant une main sur la bouche.
On est restés quelques secondes comme ça, en silence, jusqu'à ce que je retrouve mon calme et enlève sa main pour dire d'une voix encore tremblante :
- On doit rentrer maintenant.

***

Le retour à la colonie s'est fait dans le silence. Quand on est rentrés dans la grande maison et que j'ai vu Tyson qui nous attendait avec Clarisse et Chiron, je me suit sentie mal et j'ai dû sortir pendant qu'Arthur se chargeait du rapport. Comment j'aurais expliqué à mon grand frère que j'avais vu l'un de ses soldats se faire tuer il y a a peine une demi-heure ?
Je me suis juste assise à côté de la porte et attendu qu'Arthur ressorte.
- Tu es toujours là ? Tu devrais aller dormir plut...
Il s'est interrompu quand je l'ai pris dans mes bras.
Ne me demandez pas, encore aujourd'hui ça m'échappe.
- Merci, ai-je fait en me dégageant. J'aurai tout fait rater sinon.
Je pouvais voir qu'il était surpris.
- T'as pas à me remercier, hein.
Je me suis essuyé la figure avec ma manche.
-Je vais rentrer maintenant. À demain.
- Je devrait être là, a-t-il dit avec un sourire.
J'ai eu un petit rire.
- Parfait, alors.
Et je suis retournée à ma tente.

La sœur du HérosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant