Chapitre 1 - c

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En fait, je n'étais pas si sage que ça ! Comme tout le monde, j'avais mes propres démons. Ils se sont réveillés dès ma préadolescence. Ils étaient toujours présents au fond de moi, prêt à resurgir, malgré tous mes efforts pour les dissimuler. Avec le temps, j'avais appris à les gérer et les cacher aux yeux du monde pour éviter la honte.

Ils se manifestaient sous forme de crise colérique totalement irrationnelle. Un beau pétage de plombs qui contrastait avec ma personnalité normalement calme. Je devenais méchant et vulgaire avec ceux qui me sont le plus proches. J'utilisais volontairement des mots acerbes pour les blesser. Je piquais là où ça faisait mal dans l'unique but de me sentir mieux. Je n'étais jamais violent, mais particulièrement méchant. Une méchanceté rare, mais souvent gratuite car ma victime ne la méritait pas. Et comme, je n'avais pas le courage d'affronter des gens de caractère, je m'en prenais souvent aux personnalités faciles.

Vous vous doutez bien qu'aucune de mes crises n'était dirigée contre mon père. Par contre, ma pauvre mère avait été la principale martyre à en faire les frais.

Chaque crise était suivie d'un douloureux retour à la réalité. La honte et la culpabilité s'abattaient sur moi. J'assistais, impuissant, aux dégâts causés par la tempête. Heureusement ces ouragans étaient de moins en moins fréquents et j'essayais d'enfuir ce trait de personnalité au plus profond de moi. Il parait que ça passe avec le temps.

Ces crises se manifestaient toujours suite à mon incapacité à gérer certaines émotions comme la solitude, la trahison, le rejet et la peur de ne plus être aimé. Elles étaient l'élément déclencheur de mes colères. J'avais toujours un lien émotionnel important avec ma victime.

Je sentais cette colère au bas de mon ventre, douloureuse et lancinante. Lentement, elle maturait et remontait le long de mon corps. Je la sentais arriver et je savais exactement où elle me conduirait. Là où je ne voulais pas aller. Incapable de la gérer, elle mettait parfois plusieurs jours avant d'exploser. Dès ce moment, il était trop tard. La raison n'avait plus d'importance et je crachais mon venin.

Je prendrais en exemple le départ en vacances de mes parents. Me laisser seul n'aurait pas été possible l'année précédente. Il avait fallu faire un énorme travail sur "l'abandon" pour faire passer la pilule. Ma mère avait dû prendre le temps de préparer le terrain avec beaucoup de psychologie. Sans ça, j'aurais probablement détonné en la traitant de "mère indigne" ! Une égoïste préférant les vacances à son fils. Elle était prête à abandonner la chair de sa chair ! Je lui aurai dit qu'elle ne m'avait jamais aimé et qu'elle voulait se débarrasser de moi. Bien sûr, tout cela en étant nettement moins courtois.

Pour pallier à cette souffrance bien réelle, je lui aurais fait du chantage pour qu'elle avorte son projet de vacances. Je sais, c'est moche ! Pour la blesser, j'aurais même abattu ma dernière carte en lui disant qu'elle n'avait même pas été capable de me donner un petit frère ! Je piquais là où ça faisait mal. Oui, c'est encore plus moche.

De l'extérieur, lors de mes crises, on aurait pu dire de moi que j'étais un sale gamin capricieux. Mais, ce n'était pas tout à fait vrai. Très vite, mes parents m'avaient appris à accepter le "Non" et je le respectais. Ce n'était pas un caprice, mais une réelle peur qui sommeillait en moi.

Ma mère avait appris à déceler et à faire face à mes crises. Par le dialogue, elle les anticipait afin de dénouer ce qui me rongeait. Quand ce n'était pas possible, nous avions convenu d'un code:

Hyde, il est temps que tu ailles faire un tour !


Cette allusion au docteur Jekyll et Mr. Hyde, m'exaspérait passablement mais elle n'en était pas moins vraie. Certes, je n'étais pas un psychopathe avec des troubles de la personnalité multiple mais ce n'était pas pour autant que ma mère devait être le réceptacle de mes frustrations. Alors, je partais quelques heures dans mes collines afin de leur exprimer mes désaccords. A mon retour, le rituel voulait que je passe faire un bisou à ma mère pour lui dire que j'allais mieux et me faire pardonner. Chose qu'elle faisait toujours car c'était une véritable sainte.

Pour mes besoins quotidiens, mes parents m'avaient donné accès à leur compte bancaire commun grâce à une carte qu'il m'avait confiée. Cela me permettait de couvrir les dépenses pour le mois. Mon père n'avait pas eu besoin d'y mettre des restrictions car il savait que je prendrais juste ce dont j'avais besoin. Peut-être que quelques excès seraient les bienvenus !

J'entretenais des relations relativement tendues avec mon père. Il faisait partie de ces hommes que j'admirais et que je jalousais. Il me semblait tout-puissant. J'avais l'impression que tout lui était facile. Il savait exactement ce qu'il voulait faire et comment s'y prendre. Sûr de lui et très directif, il ne laissait jamais la place au doute. Donc, très chiant pour le rêveur que je suis ! C'est particulièrement difficile de vivre à côté de gens comme lui. On a toujours le sentiment de ne pas être à la hauteur, de les décevoir. En plus, j'étais incapable d'aller contre ses opinions ou son autorité. Pourtant, j'aurais tellement aimé qu'il soit fier de moi.

Mon père n'était pas le seul homme de mon entourage à dégager une telle "aura". Bien que plus démonstratif dans ses sentiments, mon oncle Finn avait une aura encore supérieure à celle de mon père. Mon meilleur ami, Maxime prenait clairement le même chemin que mes deux modèles. Depuis quelque temps, je n'arrivais plus à le regarder sur un pied d'égalité comme lorsque nous étions petits. Il dégageait une telle certitude que je n'osais plus le contrer.

Pour ma première journée de vacances seul, j'émergeai vers 2h de l'après-midi. J'avais pris une rapide douche et je m'étais mis à glander devant la télé avec un sandwich. J'avais reçu un texto de ma mère pour me dire qu'ils étaient bien arrivés. L'appartement se situait à Cassis qui était à environ 1h30 de route de notre maison. Le soir, mon père m'avait recommandé d'enclencher le système de sécurité de la maison avant d'aller me coucher. Très pragmatique, il m'avait également fait une liste de tous les numéros d'urgence à appeler en cas de problème. Probablement pour se rassurer lui-même, car je les connaissais depuis de nombreuses années. Pourtant, le sien n'y figurait pas.

Vers 18h00, je me préparais pour sortir avec Léa. Nous étions samedi soir et nous devions retrouver Maxime et Mélanie pour une séance de cinéma qui devait commencer à 19h. Bien que je n'avais rien eu à faire de tout l'après-midi, j'étais à la bourre comme d'habitude. Toujours en train de rêvasser dans mes pensées ! Il me fallait bien 30 minutes pour rejoindre le cinéma et je ne devais pas traîner pour me préparer.

Devant la glace de mon armoire, je choisissais les habits à mettre. Chose très importante pour moi. J'étais en caleçon et tel Narcisse, j'admirais le reflet de mon image, amoureux de moi-même. Réveille-toi Alexandre ! Tu vas finir par être en retard ! En parlant de retard, je me trouvais en "retard" pour mon âge, j'avais beaucoup changé depuis l'année précédente. J'avais définitivement perdu mon corps d'enfant, mes épaules étaient plus carrées et ma musculature plus prononcée. Ma pilosité était presque inexistante, sauf autour de mon sexe. Mes jambes étaient recouvertes d'un fin duvet dont la clarté le rendait presque invisible. J'avais mis cela sur le compte de mes cheveux blonds. Pour mes quinze ans, j'avais reçu un beau rasoir électrique de la part de mon père. Charmant, mais je m'étais dit qu'il n'avait pas dû me regarder depuis longtemps. Un rasoir, pour quoi faire ?!!! J'avais eu plusieurs années de liberté avant de le sortir de son emballage.

Ce manque de pilosité ne m'avait pas empêché d'avoir du succès. À l'école, j'avais toujours eu de nombreuses filles qui me couraient après. La responsabilité en revenait sans doute à mes yeux bleus clairs. L'année précédente, les filles de ma classe avaient fait un classement des plus beaux garçons de l'école. J'étais arrivé en deuxième position. En fait, j'avais eu la chance d'avoir été épargné par les pustules qui fleurissaient sur le visage de mes camarades.




Le Garçons Perdus (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant