Le Garçons Perdus (BxB)

Chapitre 9 - b

Arrivé à la maison, ma frustration n'était toujours pas redescendue. Je décidais de partir immédiatement au boulot même si j'avais plus d'une heure d'avance. Je croisais Paul sur le pas de la porte, mais sans rien dire et sans le regarder, je poursuivis ma route avec une totale indifférence face à ses sentiments.

Comme j'étais trop en avance, je m'étais enfilé dans le premier café aux abords de l'hôpital. J'avais commandé un énorme Banana Split. Pendant que je l'engloutissais, je me ressassais les révélations incompréhensibles de Paul. J'avais beau tourner cette histoire dans tous les sens, je n'en trouvais aucun. Une fois l'estomac plein, le sucre fit son effet et je bouclais Hyde au fond de mon donjon. Je commençais enfin à m'apaiser.

Mon service à l'hôpital fut passablement difficile, je n'arrivais pas à me concentrer sur les tâches qui m'étaient attribuées par Marlène. Après deux rappels à l'ordre, elle avait attendu la fin du service pour me prendre à part. Mes deux jours d'absence et ma journée catastrophique avaient largement suffi à attirer son attention. J'aimais bien Marlène et je n'avais pas de souci à me confier à elle. Cependant, je ne pus me résoudre à lui dire la vérité. Je prenais la tangente en lui expliquant ma séparation avec Léa et dans quel état de dépression je l'avais mise. Mon sentiment de culpabilité et mon manque de courage pour ne pas avoir mieux géré la situation. Bien sûr, je ne lui dis rien au sujet de Paul.

Marlène était très généreuse, elle avait le don pour te faire relativiser les situations les plus difficiles. Elle avait une belle philosophie de vie, très carpe diem. Mon problème de conscience lui prouvait que j'avais le "cœur pur"; m'avait-elle dit. Il était temps pour moi de lâcher prise. Elle m'expliquait que le contrôle des événements n'était qu'une illusion. J'avais transposé ses conseils sur les tensions que j'avais avec Paul. Elle arrivait à diffuser sa compassion tout en riant avec légèreté. Son rire me redonnait le sourire et m'entraînait gentiment à faire de même.

Soudain, son attitude changea, elle prit un air très sérieux et faussement fâché en agitant son index. Elle ne voulait plus me voir dans cet état au travail. Interdiction de revenir avant d'avoir géré mes problèmes. Puis, elle se remit à rire avant de me prendre dans ses bras.

Elle s'inquiétait de me savoir seul à la maison et voulais prévenir mes parents. J'avais réussi à la convaincre que ce n'était pas nécessaire et elle fut rassurée quand elle apprit que j'étais avec un ami.

Sur le chemin du retour pour la maison, je repensais au conseil de Marlène, son "lâcher prise" sur les événements concernant le passé de Paul. Je n'étais pas responsable de sa situation et me fâcher avec lui ne solutionnerait rien. Je devais gérer ma frustration de ne pas comprendre certaines choses afin de ne plus m'énerver contre lui.

Alors que j'approchais de la maison, j'eus soudainement un pincement au cœur et une angoisse se fit oppressante. Et si Paul était parti ?

En entrant dans la maison, la lumière était éteinte. Je me dirigeais immédiatement dans ma chambre. Il n'était pas là, la chambre était rangée et le lit était fait. Je m'empressais d'ouvrir la commode et je constatais le pire, son tiroir était vide. Il avait pris ses habits et dans la salle de bain, sa brosse à dents n'était plus à côté de la mienne. L'abattement que je ressentais me fit m'asseoir au sol. Je refusais la réalité. Il était parti et je l'avais perdu. Je me sentais mal, vraiment très mal. Je culpabilisais de mon emportement du matin même. Jamais, j'aurais pensé qu'il pourrait partir, qu'il pourrait me laisser. Et pourquoi je me sentais si mal pour quelqu'un que je ne connaissais même pas quelques semaines plus tôt ?

Après avoir passé dix minutes à me morfondre, je décidais de me lever pour faire le tour de la maison. Dans la cuisine, je fus surpris de trouver la table mise pour une personne. Il m'avait préparé à manger, une belle assiette de rosbif froid avec de la salade.