Le Garçons Perdus (BxB)

Chapitre 17

C'était la deuxième fois que je montais le sentier si vite pour rejoindre Paul. Derrière moi, Tim montait péniblement en râlant après les araignées et les insectes qu'il croisait. J'avais ralenti ma cadence pour qu'il me rejoigne. Tim avait horreur de la nature, il aimait vivre dans son univers aseptisé. Un univers dont il pouvait avoir le contrôle. C'était sa complicité avec Paul, qui l'avait poussé à me suivre cet après-midi-là.

À notre arrivée, Paul se trouvait sur le côté de la cabane à ranger du bois. Dès qu'il m'avait vu, il m'avait sauté au cou pour m'embrasser langoureusement. J'étais très surpris de cette démonstration d'affection devant Tim. Même si j'étais gêné, cette spontanéité me plaisait beaucoup chez Paul. En nous voyant, Tim ne put s'empêcher de nous faire la remarque:

- C'est comme ça qu'on dit bonjour en 1960, vous êtes dégueux les mecs ! Franchement tous ces échanges de virus et bactéries. C'est franchement dégueulasse ! On croirait mon frère avec sa poufiasse.

Malgré les réticences de Tim, Paul l'avait pris dans ses bras en le serrant très fort et il lui dit:

- Moi aussi, ça me fait plaisir de te voir. Je ne pensais pas que tu viendrais. Je suis content que tu aies affronté les collines pour moi.

- Mouais, c'est Alexandre qui m'a obligé ! Dit-il d'un air non convaincu. Il m'a dit qu'hier c'était ton anniversaire, j'ai peut-être un cadeau pour toi.

Nous nous étions installés tous les trois autour de la table. Paul profitait des provisions que j'avais montées. Nous lui exposions notre nouveau plan. La fuite dans un pays étranger ! Il nous écoutait mais je le sentais perturbé et dubitatif. Il finit par nous dire:

- Vous êtes complètement maboule ! Dans un pays étranger, moi qui n'ai presque jamais voyagé ! Tu veux abandonner tes parents pour partir avec moi ? Et tes études ?

- Paul, ce n'est pas un exil à vie. C'est juste le temps que notre avocat fasse les démarches pour que tu puisses t'installer définitivement et légalement chez nous.

- Et tes parents ? Ils sont d'accord avec ça ?

- Pour que tu t'installes chez nous, c'est leur idée. Ils ont déjà regardé avec l'avocat.

- Tu as vraiment des parents en or. Mais toi, tu serais d'accord de les laisser pour partir avec moi ?

- Je te l'ai déjà dit. Je ferais tout pour toi !

- Ça me touche beaucoup, mais c'est trop de sacrifice. Il y a également le plan financier. Comment veux-tu que l'on trouve une telle somme ?

- Je m'en occupe, demain je vais voir mes comptes.

- Maintenant voilà ton cadeau. Dit Tim. Tiens, prends-la ! C'est pour toi, dès aujourd'hui tu prends mon identité ! Tu vas en avoir besoin pour voyager à l'étranger.

Tim lui donna sa carte d'identité. Paul était ému et tellement gêné par ce geste qu'il fallut insister pour qu'il l'accepte. Il sentait cette mobilisation autour de lui. Mes parents, Tim et moi allions tout faire pour qu'il trouve sa place parmi nous.

Plus nous avancions dans la conversation, plus Paul se sentait entouré. Gentiment, il lâchait prise. Il était obligé d'admettre qu'il n'y avait pas d'autre solution. Il fallait fuir quelque temps.

Il était évident que nous allions regretter mes parents, nos amis et les collines. Mais d'un autre côté, la sensation d'un nouveau départ, l'espoir de la liberté et un goût d'aventure commençaient à naître dans nos esprits.

Nous avions passé le reste de l'après-midi à peaufiner notre évasion du pays. Le plus difficile était le choix d'une destination. J'avais pris tous mes livres de voyage et un atlas pour nous aider. Encore une fois, nous avions pu constater que Tim était à lui seul une véritable encyclopédie. Il connaissait tous les pays de l'espace Schengen et leurs particularités. Nous avions procédé par élimination, les pays du Nord, la Suisse et l'Autriche pour le coût de la vie. Les pays de l'Est avaient été éliminés pour leur climat et leur insécurité. L'Espagne et l'Italie étaient trop proches. Il nous restait donc la Grèce et le Portugal.