Le Garçons Perdus (BxB)

Chapitre 14 - b

Les jours passaient et petit à petit, Paul laissait tomber ses barrières les unes après les autres. Mes parents n'y étaient pas étrangers, ils avaient su trouver les mots pour le convaincre. Il était temps que Paul sorte de sa bulle.

Le soir, quand venait le temps des confidences, Paul ne pouvait s'empêcher de me parler de mes parents. J'entendais des mots comme: extraordinaires, époustouflants, irréels. J'avais l'impression qu'il était envouté, leurs paroles n'étaient que sagesse. Alors même que je travaillais Paul depuis plusieurs jours pour faire une sortie en ville, il avait suffi d'une réflexion de mes parents pour qu'il accepte. J'étais partagé entre la frustration de mon échec et l'admiration pour mes parents devenus si puissants.

Dès le lendemain, nous avions monté l'opération "visite guidée". J'avais conscience de l'importance de cette première sortie. Pas question de le jeter dans la foule au milieu des grands magasins. Je redoutais le choc que pourrait ressentir Paul à la vue de tous ces changements. En presque 50 ans, la ville avait connu un essor important. Le plan était simple: juste une visite guidée de la ville en voiture.

Si Paul avait accepté, au moment de partir, il était tout blanc. Même la voiture l'intriguait. Je m'étais mis à l'arrière avec lui dans le Range-Rover. Et dès que la voiture passa le portail, Paul me prit discrètement la main. Nous avions commencé par le centre-ville, la partie la plus ancienne, pour que Paul puisse y trouver ses repères.

Pendant tout le trajet, Paul observait à la fenêtre sans décrocher un mot. A travers sa main, je sentais son cœur battre fort. Nous commentions la visite, les bâtiments et les diverses avancées technologiques. Mais très vite, je constatais son absence et son malaise. Je lui demandais s'il désirait rentrer. Il me répondit que non, il était décidé à affronter le monde. Un mal nécessaire s'il voulait tourner la page.

Je n'aurais pas pensé que cette étape serait si difficile. Paul s'était retourné vers moi pour me faire un sourire forcé. Devant son désarroi et ses yeux humides, je demandais à mon père de rentrer. Paul avait détourné son regard. Cette première sortie l'avait bouleversé et je culpabilisais de lui avoir imposé cela. Je savais que c'était nécessaire mais je ne pouvais me résoudre à le faire souffrir.

De retour à la maison, Paul fit comme si rien ne s'était passé. Il avait retrouvé sa bonne humeur grâce à notre bulle. Il ne fit aucun commentaire sur cette sortie qui l'avait visiblement touché. Je devais reconnaître qu'il s'agissait d'un véritable échec.

Pour lui changer les idées, je l'avais conduit dans nos collines qui se trouvaient hors du temps. Nous avions fait une pause sur le deuxième plateau pour admirer la vue sur la vallée. Toute notre ascension s'était passée en silence, les mots étaient inutiles. Je m'étais assis, le dos appuyé contre un rocher et Paul était venu chercher du réconfort en s'asseyant entre mes jambes. Il avait posé sa tête contre mon torse. J'avais passé mes bras autour de lui et je lui caressais ses cheveux. Déjà à cette époque, j'avais conscience que ses moments étaient plus précieux que nos désirs les plus secrets. Au bout de quelques minutes, il finit par me prendre la main pour y déposer un bisou de ses lèvres. Il avait accompagné son geste d'un "merci". Ce moment de tendresse et de méditation nous avait fait du bien.

L'arrivée de Tim dans la soirée nous avait fait reprendre le cours normal de nos vies et Paul avait retrouvé son côté jovial. Après le repas, nous avions chacun fait une sélection de nos vinyles préférés pour les diffuser. J'avais choisi "Tu" en faisant un clin d'œil à Paul.

Il avait fallu une nuit de repos et de réflexion pour que Paul vienne me parler de la sortie en ville.

- Alexandre, je voulais encore te dire merci, de ton soutien pour la journée d'hier. J'ai une chance incroyable d'être tombé sur vous et encore plus sur toi. En fait, je ne trouve pas les mots pour te remercier de tout ce que vous faites pour moi. J'aimerais pouvoir vous l'exprimer. J'ai l'impression de ne pas mériter votre attention.