Chapitre 1 - d

267 23 4
                                    

Bande annonce d'un des films préférés d'Alexandre

**************************************

A l’école, j’avais également appris la discrétion, les différences sont généralement mal perçues dans le milieu scolaire. Ainsi, je taisais certaines passions. Notamment mes goûts cinématographiques pour les vieux films en noir et blanc comme “Les quatre cents coups” de Truffaut.  Pire encore, je taisais mes goûts musicaux encore plus vieux que mes films. Franchement, connaissez-vous un adolescent qui écoute Lucienne Delyle ou qui chante du Piaf sous sa douche ?

Bref, je rêvais encore et toujours devant mon miroir et j’allais vraiment finir par être en retard au ciné.  Par dépit et après plusieurs essais, j'optais pour un style flashy, basket orange, pantalon noir et t-shirt orange. 

Évidemment, devinez quoi ? Quand je suis arrivé devant le cinéma tout le monde m'attendait ! La honte était totale car Léa avait déjà acheté mon ticket et la séance avait commencé. Le film, trop récent pour moi, ne devait pas être terrible car il ne m'a laissé aucun souvenir. De toute façon, j'avais dû en voir à peine la moitié. Le reste du temps, Léa l’avait passé à me galocher. 

Lors de cette soirée, une chose me rassurait. Je savais que ce n'était pas "le grand soir" pour Léa et moi. Le film avait duré longtemps et nous allions probablement manger tous ensemble. Par conséquent, il serait trop tard et nous n’aurions pas le temps de passer chez moi si Léa voulait rentrer à l’heure imposée par son paternel. Ce fut, pour moi, un immense soulagement et je profitais de la soirée avec légèreté. 

Ce soulagement me fit prendre conscience que je n’étais pas prêt à faire l'amour avec elle. Je connaissais Léa depuis tellement longtemps que j'avais l'impression d'un rapport incestueux. 

J’étais soulagé quand Maxime nous a proposé d’aller manger un morceau. Immédiatement, j'ai vu la réaction de Léa qui allait décliner l'invitation. J'avais juste réussi à la devancer d’une microseconde en déclarant “Ça tombe bien! Je meurs de faim!”.  Léa m’avait fusillé du regard mais nous avons fini la soirée autour d’une pizza. 

Pendant que nous mangions, je voyais Maxime qui regardait son portable à plusieurs reprises. Visiblement, il recevait des messages qui l’embêtaient. Pendant que les deux filles discutaient chiffons, je lui demandais discrètement.

- Tu vas bien ? Tu as l'air inquiet.

- Non, ce n'est rien, c'est Tim qui me harcèle pour venir manger avec nous. Il m'a déjà harcelé pour venir au ciné. J'en ai marre qu'il traîne toujours dans mes pattes.

- Tu es salaud, tu aurais pu lui dire de nous rejoindre. 

- Même pas en rêve, il n’a qu'à lire son dictionnaire ! Quel crétin ! L'autre jour, il s'est pointé dans ma chambre quand j'étais avec Mélanie et il a commencé à lui expliquer les différents moyens de contraception qu’elle devrait utiliser ! Tu y crois toi ?

- T’es dur, il voulait bien faire.

- Arrête de toujours prendre sa défense ! C’est un petit merdeux. Prends-le chez toi si tu l’aimes tant ! 


Tim était le petit frère de Maxime, il avait 14 ans et il était très intelligent. Trop intelligent ! Bien plus que Maxime et moi réunis. Comme il était trop en avance sur son programme scolaire, ce n'était pas facile pour lui de se retrouver avec des plus grands que lui. 

Les petits ne l'intéressaient pas et les plus grands n'en voulaient pas. Trop intelligent, trop différent et difficilement capable de tenir une vie sociale, Tim ne trouvait pas sa place. J'avais beaucoup de complicité avec lui, sa différence ne me faisait pas peur.

Avec le temps, il était devenu le petit frère que j'aurais voulu avoir. Il avait besoin d'attention et de protection. Il passait souvent à la maison pour me demander des conseils ou tout simplement, passer du temps avec moi. Il voulait apprendre “le mystère de la socialisation”, me disait-il. 

Ce jour-là, il avait ajouté avec un sourire narquois “seul un simple d'esprit comme toi peut y parvenir”. Il avait été fier de sa boutade car depuis quelque temps, il s’essayait à l’humour. J'avais réussi à lui faire comprendre que l'humour était une des clés de la socialisation. Mais son côté sarcastique le rendait très maladroit. Il était plein de bonnes volontés mais incapable de prendre en considération la susceptibilité des gens. 

Les petites choses banales de la vie qui était facile pour nous, étaient difficiles pour lui. Et inversement, les choses banales pour lui, étaient difficiles pour nous. Voire impossible pour un petit cerveau comme le mien.

Ce soir-là, avant de nous quitter, Léa m'avait fait un baiser furtif pour me dire bonne nuit. Puis elle m'a glissé à l'oreille “ Tu ne perds rien pour attendre toi, soit prêt la prochaine fois !”. Et elle s'était envolée comme à son habitude.

Il était presque minuit quand j'ai pu enfin regagner mon château de solitude. Fatigué, je m’étais laissé tomber en arrière sur mon lit. Mes yeux fixaient le plafond. Et pour confidence, aux ombres qui y serpentaient, je lâchais tout haut “ Je l’ai échappé belle cette fois”. 

Comme la maison me semblait vide et trop silencieuse, j'avais allumé la télé de ma chambre pour faire un peu de bruit de fond. Dix minutes plus tard, je m'endormais, bercé par le son de la télé.

Vers trois heures du matin, j'ai été soudainement tiré de mon sommeil par du bruit. L'angoisse et l'adrénaline me firent me redresser brusquement. Quel con, c'était juste la télé ! Je me suis fait peur tout seul ! Rassuré, je m'étais recouché une fois le poste éteint.

Mais quelques secondes plus tard, j'entendais à nouveau du bruit. Cette fois c'était sûr, ce n’était pas la télé! Il y avait bien quelqu'un dans la maison. Quel débile, j’avais oublié d’enclencher le système d'alarme. Mon taux d’adrénaline était à son paroxysme quand j’entendis à nouveau du bruit de l'autre côté du mur.  Le bruit venait de la cuisine, qui elle-même était ouverte sur la salle à manger.  Attentif, je demeurais assis sur mon lit, plongé dans l'obscurité de la pièce et à l’écoute du moindre indice. Soudain, je reconnus le grincement d’un placard de la cuisine. 

“Et merde! Non, s’il te plait, pas aujourd’hui!” pensais-je. J’étais seul et je ne pouvais compter que sur moi-même. Je ne sais pas si c'était du courage, de l’inconscience ou de la stupidité, mais je suis sorti de mon lit. Sans bruit, j'avais allumé la lampe de poche de mon portable et j'avais pris un couteau dans le tiroir de la cuisine du studio. Ainsi je me trouvais là, en caleçon, derrière la porte donnant sur la cuisine, armé d’un téléphone et d'un couteau. Derrière la porte, les bruits étaient devenus plus audibles. J'entendais des bruits de vaisselle qui s’entrechoquait. Quelqu'un fouillait dans les placards. 

J'écoutais attentivement et j'étais surpris du manque de discrétion de mon visiteur. C'est alors qu'un éclair de lucidité m'était parvenu. Mes parents avaient dû avoir un problème avec l'appartement et ils étaient revenus. Il était probablement trop tard pour qu'ils me préviennent. De la lumière filtrait sous la porte.  Donc si quelqu'un a allumé la lumière, c'est forcément ma mère qui range le placard ou fait du café. J'avais posé la lampe de poche qui ne me servait plus à rien mais j'avais gardé le couteau en main. Fort de mes convictions, je décidais d'ouvrir la porte !

Le Garçons Perdus (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant