Chapitre 11 - a

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Nous nous étions levés tard car nous avions des heures de sommeil à rattraper. Je préparais un petit-déjeuner à la cuisine quand Paul arriva avec une tête d'endormi.

Sur la table, se trouvaient encore la boite à biscuit et les photos éparpillées tout autour. Paul se figea quand il aperçut la boîte.

- Je vois que tu l'as trouvée, elle était toujours là.

- Oui, exactement où tu l'as indiquée.

Paul n'avait toujours pas bougé. Je devinais que le contenu de la boite était chargé de lourdes émotions, mais je tentais quand même:

- Tu veux que l'on regarde ensemble ?

- Si tu es d'accord, je préfère que tu la ranges, sinon tu vas devoir me consoler tout le reste de la journée. J'ai encore un peu de peine à parler de maman.

- Excuse-moi, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise.

- Tu sais, c'était déjà comme ça avant.

- Pas de problème, je te propose qu'on la cache avec les autres boîtes à biscuits, comme ça elle reste à ta disposition.

C'était dimanche et j'avais prévu de retourner au travail dès le lendemain. Je voulais profiter un maximum du reste de la journée. Nous avions décidé de prendre le petit-déjeuner sur la terrasse. La journée était somptueuse et le soleil était déjà haut dans le ciel de ma Provence chérie. Ce ciel azur, je le contemplais, je le vénérais depuis toujours. C'est lui qui m'avait offert, en héritage, la couleur de mes yeux. Souvent, ce ciel était parsemé de quelques cirrus qui dessinaient de magnifiques cheveux d'ange. Je pense que par équité, Paul avait dû les recevoir en héritage car nous étions tous les deux, fils de Provence.

Je le regardais manger avec appétit et je n'arrivais toujours pas à me faire à l'idée qu'il arrivait des années soixante. Pour moi, ces années-là, je les voyais en noir et blanc. Mais le Paul que j'avais en face de moi, croquait la vie en couleur. Le contraste était surréaliste.

Pourtant certains détails me paraissaient aujourd'hui évidents. Il avait choisi le Monopoly pour jouer. Il avait réagi avec surprise quand je l'avais pris en photo avec mon téléphone. Son manque de connaissances dans certains domaines trouvait enfin une explication. Je me souvenais également de mes notes sur les bizarreries de Paul, son comportement anti-technologique, le refus du monde extérieur, son passé tabou et son langage. Tout prenait sens. J'aurais préféré voir mes autres théories se réaliser, franchement une fugue c'est bien plus facile à gérer ! Je me demandais bien comment nous allions faire et où tout cela allait bien pouvoir nous mener.

Il mangeait sa tartine quand je lui demandais en souriant:

- En fait, tu as quel âge ?

- J'ai calculé l'autre jour et j'ai 61 ans. Me répondit-il la bouche pleine.

Nous rigolions tous les deux de cette situation ubuesque mais un instant plus tard je redevenais sérieux pour lui demander:

- Tu te sens capable d'avoir une discussion avec moi sur cette situation.

- Oui, je me sens soulagé depuis que tu es au courant.

- D'accord, tout d'abord, je voudrais savoir comment tu vis ces événements ?

- Comme tu t'en doutes, j'étais très choqué le soir de notre rencontre. Je pensais que j'étais mort dans le ravin et que c'était mon âme qui errait jusqu'à la maison. Quand tu m'as surpris dans la cuisine, mon esprit a "tilté", comme l'aurait fait un flipper que tu aurais trop bousculé. Ça existe toujours les flippers ? Bref, je suis resté complètement bloqué. Quand tu m'as crié dessus avec ton couteau, j'ai bien cru que tu allais me tuer. Alors, mon esprit a totalement décroché. Je voulais fuir, mais je n'en avais plus la force. Puis, d'un coup, tu as changé et j'ai vu avec quelle gentillesse tu t'occupais de moi. Pour la première fois, j'ai ressenti cette chaleur humaine que je n'avais plus connue depuis longtemps. Ta voix était douce et posée. Tu m'as soigné avec une telle douceur alors je me suis abandonné à toi. Sans toi, j'aurais perdu la raison. Tu m'as fait comprendre que je n'étais pas mort...Me sachant en vie, une nouvelle obsession est venue frapper à ma porte, j'avais peur de disparaître. Mon monde avait bien disparu ! Donc pourquoi pas moi ! Je me suis accroché à toi, je pensais être dans un monde parallèle. Tu étais chez moi mais c'était chez toi. Les choses étaient différentes et semblables à la fois. C'est assez effrayant de perdre ses repères. Connais-tu une série télé qui s'appelle "La quatrième dimension"?

Le Garçons Perdus (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant