Chapitre 1 Clara

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Aujourd'hui, c'est une belle journée d'automne, pour les gens normaux, mais d'une banalité désespérante pour moi. Pour faire changement des classes étouffantes, j'avais décidé d'aller sous le grand chêne dans le parc près du bahut... pour le doux plaisir de prendre un bain de soleil, de sentir l'irrésistible odeur de sapin et d'herbe humide et d'entendre le mélodieux chant d'oiseau, à la place des mégères de l'établissement privé.

Bon, c'est en partie vrai, mais je dois aussi rencontrer quelqu'un. L'un de mes amis... le mec le plus canon de la planète... et il est plus vieux en plus. Complètement le gros lot! Certaines se prendraient au jeu de la séduction. Heureusement, pas moi... seulement pour ses beaux yeux.

J'observe les vieux couples qui marchent tranquillement, regardant les arbres comme si c'était la plus belle chose qu'ils voyaient de leur longue vie ennuyeuse et déprimante, alors que c'est juste des arbres bein normaux. Peut-être qu'ils pensent retrouver un brin de leur jeunesse dans les feuilles brunies par le temps. C'est vrai que nous pouvons facilement nous comparer aux feuilles. On naît, on grandit, on vieillit, puis on meurt, laissant notre place à un autre être aussi fragile que nous. Je n'ai qu'à regarder les mères fatiguées pousser le carrosse de leur môme comme si leur vie dépendait de cette petite balade d'après-midi, pour le comprendre.

Et c'est bien le cas. La jeunesse n'est pas éternelle. Un jour, ces mômes grandiront et se flétriront comme les vielles feuilles d'automne... quelque temps après que leur propre arbre se sera déraciné pour toujours.

Parfois trop tôt... comme ma famille.

D'ordinaire, cet endroit est tranquille, voire d'un ennui mortel... mais bon... c'est déjà bien mieux que de voir des nunuches immatures intimidées ou être intimidées, des arpettes grincheuses parce qu'elles sont dans leur semaine ou encore des pleurnicheuses parce qu'elles se chicanent avec leurs amies pendant seulement une microseconde. Aucune fille exaspérante ne vient éclater mon petit coin de paix... du moins, la majorité du temps.

Il y a tellement plus de choses intéressantes à faire que de pleurnicher pour une pacotille et se penser toujours au-dessus de la terre entière, parce que toi, t'es toujours à la mode... et que tu peux avoir des choses avant même qu'il soit en magasin grâce à ton père qui es le croûton suprême de la ville, autrement dit, le maire. Cette gonzesse, c'est Elizabeth... la plus grande des garces, mais aussi la plus populaire de notre établissement privé et... la meilleure amie d'Aya... ma sœur.

Rien qu'à penser à leur amitié ringarde de donzelles superficielles, j'ai envie de vomir mes tripes. Parfois, je me dis que c'est dommage que leur feuille ne se flétrissement pas plus vite, ça ne ferait qu'un bien à la vie.

Mais pour tous ceux qui partent trop vite, je fais une croix sur les idées morbides qui m'apparaissent à l'esprit à chaque fois que je pense à ses godiches.

- Chouettes! T'as encore réussi à choper les documents des dernières enquêtes à la police! Comme toujours, t'es balèze, ma chère.

Je lève les yeux pour voir dieu s'approcher de moi. Bon, d'accord, c'est pas mal exagéré. Comme si dieu se souciait de nos vies qui pourrie en un rien de temps. Cette illusion est éternelle... pas nous et pas plus le mec canon qui se dresse devant moi comme un petit prince de conte de fée. Keven est là, un sourire niais aux lèvres, ce sourire-là qui vous donne envie de le frapper ou de l'embrasser même si vous le détestez... ses cheveux roux virevoltant dans le vent. Sa veste en cuir noir le rend carrément dingue pour les yeux, faisant magnifiquement ressortir sa peau blanche, ses dents blanches et ses magnifiques yeux de la couleur fade de la lime.

Et son côté gamin aussi.

D'ailleurs, rien en lui (de son caractère, j'entends) ne pourrait nous faire croire qu'il a bien des secrets à cacher, comme moi, surtout avec son attitude ringarde qui lui fait ressembler à l'idiot de service... mais il y a belle lurette qu'il n'y en a presque plus entre nous... depuis qu'il m'avait donné un défi et que je l'avais réussi haut la main.

Tome 1 Nirci Les marquésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant