Là où nous avons décidés de passer la nuit est une rue laissée à l'abandon, dont les routes sont gorgées de carcasses de voitures. Des pneus, des portes défoncées et des débris épars jonchent le sol insalubre. Çà et là, quelques cadavres criblés de balles baignent dans leurs flaques de sangs, avec autour d'eux une nuée de mouches qui voltigent dans tous les sens. Ils ont dû se faire tuer dans la journée, si leurs corps sont toujours présents dans la chaussée. Mon estomac remonte dans la gorge.
Encore une partie non rénovée de la ville. Il faut dire que notre région est tellement pauvre qu'il y a des endroits qui sont laissés tels quels depuis des années maintenant, comme si le but était d'exhiber aux rouges le passé funeste du pays. Les vestiges de la crise qu'a connue la France pendant des années, avant qu'Adélaide Roudaut accède au pouvoir : la surpopulation.
Le croissant de lune qui sertit le ciel illumine difficilement la rue. Mais heureusement, je peux compter sur les réverbères pour ne pas buter sur les corps. Keo marche lentement à mes côtés, et me lance plusieurs coups d'œil. Au bout d'un certain temps, je fini par lui demander :
- Qu'est-ce qu'il y a ?
Il hausse les épaules.
- Bah ... Rien. Mais j'ai l'impression que tous ces corps te mettent mal à l'aise. On peut choisir un autre endroit pour dormir, si tu préfères.
Je fais non de la tête, et tente de reprendre un peu d'assurance.
- Ce n'est pas la peine. De toute manière, rien nous dit que nous trouverons meilleure cachette en si peu de temps.
- T'es sûre que ça va aller ?
- Sûre et certaine. Nous n'avons qu'à nous choisir une voiture et y passer la nuit, le temps de nous revitaliser.
Pour ne prendre aucun risque, nous marchons un petit moment avant de nous arrêter, loin des cadavres que nous aperçus plus tôt. Keo ouvre la portière arrière d'une voiture noire aux vitres teintées de la même couleur, qui semble avoir mieux résisté que ses congénères à cet ennemi qui s'appelle le temps.
- Honneur aux dames, s'exclame l'adolescent en me lançant un grand sourire.
Je m'engouffre à l'intérieur en lâchant un petit gloussement. J'apprécie le fait qu'il essaye de me dérider un peu. Malgré tous mes efforts pour paraître calme et forte, je dois paraître aussi affolée que le chat que j'avais aperçu un jour lorsque j'étais petite, alors que j'observais la rue depuis ma fenêtre.
C'était la première fois et la dernière fois que je voyais un animal dans la vie réelle, en chair et en os, et non pas dans un livre à la bibliothèque. Je me souviens encore de son pelage blanc, moucheté de tâches brunâtres. Il miaulait et se terrait contre le chapeau de roue d'un véhicule, alors qu'il s'était caché des rouges qui le poursuivaient. Malheureusement pour lui, ses assaillants n'ont pas mis beaucoup de temps pour le retrouver, et le transpercer avec une lame. Ils ont ensuite pris le corps sans vie du félin, en laissant un sillage écarlate sur le bitume.
A l'époque, ce spectacle m'avait horrifié, à un tel point que j'en avait vomi. Je n'avais pas compris pourquoi ces rouges s'étaient montrés si cruels envers ce chat qui ne leur avait pourtant rien fait. Maintenant que j'ai grandi, je réalise que le chat a sûrement dût finir en lamelles dans une marmite. Il faut dire que la viande est devenue si rare ! Les gens deviennent complètement fous à la vue d'un animal.
Lorsque les pays surpeuplés ont commencés à manquer d'assez de nourriture pour tout le monde, il a fallu augmenter la production alimentaire. Les élevages sont devenus encore plus intensifs. C'est ainsi que les animaux abattus traditionnellement ont commencés à s'éteindre, tant la demande était forte, et l'offre ... Trop faible. Pour pallier à ce manque, les élevages ont commencés à exploiter tout et n'importe quoi : des souris, des écureuils, en passant par les pigeons et les corbeaux ... Les rares animaux restants ont commencés à fuir vers des régions moins peuplés par les hommes. Maintenant, il n'y en as pratiquement plus dans le monde.
VOUS LISEZ
Neela [Terminée]
Science FictionUn monde dévoré par la violence et la famine. Deux ennemis. Une union improbable. Elle s'appelle Neela. Elle fait partie des rouges. Elle n'a que seize ans, mais elle a déjà du sang dans les mains. Dans la région Rouge où elle vit, la région Bleue e...