Neela [Terminée]

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- Tu te fais sûrement de fausses idées, Neela. Ils veulent juste nous aider parce qu'on est affichés dans toute la ville, et qu'ils nous admirent.

- Tu trouves ça normal toi ? je renchéris à voix basse. Que de parfaits inconnus nous emmènent à l'autre bout du pays ? Nous ne les connaissons pas ... Imagine qu'ils essayent de nous tuer !

- Arrêtes d'être aussi parano Neela. Pour ton information, moi aussi j'étais un inconnu il y a quelques jours hein. Et pourtant, t'as décidée de me faire confiance, pas vrai ?

- Euh c'était différent. Si ma mère ne m'avait pas demandé de rester avec toi, à l'heure actuelle, je me serais probablement enfuie pour t'échapper. Ou je t'aurais peut-être tuée.

Mes paroles l'estomaquent. Ses yeux s'écarquillent, sa bouche s'entrouvre. Je me rends compte de ce que je viens de dire, et mon cœur loupe un battement. J'aimerai ne jamais avoir prononcé cette dernière phrase ... Mais c'est trop tard. Je me force à ne pas dévier mon regard.

- ... Tu m'aurais tuée ? répète Keo en détachant lentement les syllabes.

- Je ne sais pas ! dis-je, sur la défensive. Je ne te connaissais pas, d'accord ? Je ne savais pas qui tu étais. Pour moi, tu n'étais qu'un bleu et ... Ca m'aurait suffi pour presser la détente.

- Et dire que j'étais prêt à donner ma vie pour sauver la tienne.

Il y a de la déception dans sa voix, mais surtout de la colère. Car oui, il est énervé. Très énervé contre moi. Soudainement, le bracelet qu'il m'a donné plus tôt dans la journée pèse une tonne sur mon bras. Je ne mérite pas ce bout de tissu qui représente tant de choses pour Keo. Je ne mérite pas non plus la bienveillance de ce dernier. Je ne mérite rien de lui. Je ne le mérite pas, tout simplement.

- En fin de compte, t'as pas changée hein ? Tu me détestes toujours parce que j'ai les yeux bleus. Parce que les gens de ma région ont tué ta famille.

- Non ! m'empressé-je de dire. Ce ... Ce n'est pas ça que je voulais te dire.

- Alors expliques moi, parce que je comprends pas.

Je ferme les yeux, et essaye de faire le point. Comment lui faire comprendre qu'il y a deux sentiments contradictoires qui m'animent ? Que je ressens à son égard de l'affection, mais également de la haine ? Qu'il me donne à la fois le sourire et la nausée ? Que je suis heureuse qu'il soit à mes côtés, mais que je culpabilise de rester avec un ennemi ? Lorsque je rouvre mes paupières, le visage de Keo s'est adouci. Les éclairs dans ses yeux se sont dissipés, remplacé par cette chaleur qui lui sied si bien.

- Il faut que tu comprennes, chuchoté-je d'une voix faible, que toute ma vie, j'ai appris à détester les bleus. Tout ça ... C'est nouveau pour moi. Mes craintes ne peuvent pas s'envoler du jour au lendemain. Je suis désolée si mes propos te choquent. Je ne suis pas encore habituée à traiter un bleu autrement que comme un ennemi.

Il hoche la tête et après m'avoir observé quelques secondes, ses lèvres s'étirent en un demi-sourire.

- T'inquiètes pas, va. Je comprends. C'est quand même mieux qu'au tout début, quand tu me menaçais avec ton flingue à chaque fois que tu me voyais ... Et puis, je suis là. Je pourrais t'aider à baisser ta garde.

Keo me regarde derechef, un peu plus longtemps cette-fois. J'espère que la pénombre cache les flammes qui ont gagnées mes joues.

- Qu'est-ce qu'il y a ? dis-je en fronçant les sourcils, plus par nervosité qu'autre chose.

- Rien, c'est juste que ... Qu'est-ce que t'as voulu dire quand t'as dit « tout ça c'est nouveau pour moi » ?