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Incrédule, j'ouvre la bouche sans le vouloir.

- Mais ... Ce n'est pas légal ! Vous ne pouvez pas demander une exécution simplement parce que je suis sortie après vingt-trois heures !

La femme adresse un sourire amusé à un de ses collègues situé à quelques mètres de nous. Il le lui rend aussitôt. Cette équipe de patrouilleur commence vraiment à me taper sur les nerfs.

- Au moins maintenant, tu réfléchiras à deux fois avant de faire le mur. Braver le couvre-feu, c'est se rebeller, d'accord ? C'est être une menace pour la société. Un rouge se doit d'être parfait et d'obéir à toutes les règles. Si ce n'est pas le cas, alors ce n'est pas un rouge, mais un traitre. Et les traitres ne sont bons qu'à être exécutés.

- ... Vous insinuez que je suis une traître ?

- Non, j'insinue que tu te comportes comme tel. Habituellement, je ne fais pas la différence entre les traîtres et les jeunes comme toi, qui se rebellent pour se donner un style. Mais je te laisse une deuxième chance pour te rattraper.

Pendant une seconde, je m'autorise à fermer les yeux. Elle ne me connaît pas. Elle ne sait pas ce que je traverse. Elle ne sait pas que si je suis sortie cette nuit, ce n'est pas pour me « donner un style. C'est pour m'échapper du souvenir macabre qui me hante la nuit, pour gommer de mon esprit le bleu que j'ai tué, à l'aide de pinceaux et de crayons ... Mais comment le saurait-elle ? Comment est-ce qu'elle saurait que dessiner est le seul moyen pour moi de respirer ? Dans ce désert suffocant qu'est la région Rouge, j'ai du mal à trouver mon souffle autrement qu'en jouant avec les couleurs, qu'en mélangeant le rouge, le bleu et le jaune.

Je me fais la réflexion que si elle avait accès à mes pensées, elle me tuerait sur le champ. Alors je secoue la tête, et revient à la réalité.

- D'accord, dis-je après un petit moment. J'ai compris. Vous ne me verrez plus.

- Je compte sur toi pour changer, jeune fille. Tu ne le réalises peut-être pas, mais nous sommes sur le même bateau. Les bleus doivent être notre priorité, d'accord ? Si tu veux un jour espérer rejoindre les forces spéciales, reste focalisé sur l'ennemi, et comporte toi décemment.

- Oui commandante.

Contre toutes attentes, elle daigne m'offrir un sourire.

- Bien. Ta carte d'identité, s'il te plaît.

Mon sang ne fait qu'un tour. Il est hors de question pour moi de sortir ma carte d'identité. Il ne faut pas qu'elle sache qui je suis, qu'elle note mon numéro d'identification, qu'elle me file une amende. Tandis que je fais mine de fouiller mes poches, je réfléchis à toute vitesse. Du coin de l'œil, j'aperçois les autres patrouilleurs éclairer les environs de leurs lampes torches. Ils ne font qu'obéir à leur commandante. Les soldats sont moins nombreux qu'avant, je suppose que certains sont partis fouiller le vieux musé. Le rouge le plus proche de nous se trouve à environ dix mètres, mais son attention est focalisée autre part. C'est ma chance ...

- Alors ? s'impatiente mon interlocutrice. Ne me fais pas perdre plus de temps que ça, jeune fille.

- Euh oui, excusez-moi.

J'inspire un bon coup, et j'attrape ma carte d'identité avec ma main gauche. Mais au moment où je tends le bras pour faire mine de le lui donner, je replie les doigts sur la paume de ma main libre, j'élance ma hanche et j'envoie mon poing en plein dans le nez de la commandante. Le coup se répercute dans ma main. Sans attendre de voir si la femme est tombée ou non, je fais volte-face et prend mes jambes à mon cou.

- Non mais ... Sale môme ! pestifère-t-elle. Attrapez là ! Tuez-la ! Ne la laissez pas partir !

Mon cœur bat à cent à l'heure, mais je continue de courir. Malheureusement pour elle, heureusement pour moi, ses patrouilleurs ne sont pas aussi alertes qu'elle. Leur confusion me sauve la vie. J'entends quelques coups de feu mais c'est trop tard, je suis déjà loin et ils ne doivent sûrement rien voir dans cette pénombre. Une bonne chose qu'il fasse nuit.

Neela [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant