Neela [Terminée]

73

Je me lève si rapidement que je fais tomber un coussin par terre.

- Non ... dis-je en secouant la tête. Non. Impossible, ça n'a pas de sens. Je ... Je suis une rouge, d'accord ? J'ai les yeux rouges, regarde ! Je ne suis pas une bleue !

- Houlà du calme ! s'exclame Keo en se levant à son tour. C'est pas ce que je voulais dire, OK ? Calme toi !

Il pose ses mains sur mes épaules et les presse doucement à l'aide de ses paumes, mais je continue tout de même de trembler. Voilà que je recommence à dérailler face à lui.

- Laisse-moi m'expliquer, dit-il d'une voix plus douce. Ce que je voulais dire, c'est que peut-être que ta mère a voulue te faire comprendre que t'es comme nous. Comme moi.

- Ça ne m'aide pas ...

- J'ai pas fini. Il y a cette phrase que ta mère t'avait dit à propos de moi, et je crois que je l'oublierai jamais. « Qu'importe s'il est bleu, rouge ou jaune ... Ce garçon n'en reste pas moins un humain. » Neela, ce qu'elle voulait que tu comprenne, c'est que la couleur a aucune importance. Bleu, rouge ou jaune. Au final, on est tous pareils. C'est cette société à deux balles qui veut nous faire croire qu'on est différents.

Je fais un pas en arrière, et les mains de Keo retombent le long de son corps.

- Quel genre de bleu est-ce que tu es pour tenir des propos pareils ? je réponds en arquant un sourcil. Tu as conscience que tout ce que tu dis es dangereux ? Si quelqu'un t'entendait, tu serais mort sans préavis Keo.

- Et toi alors ? Les autres rougeauds t'auraient battu à mort s'ils avaient su que tu planque un bleu dans ta maison. Je suis pas le seul à enfreindre les règles Neela.

- Oui mais moi, c'est différent. Je t'épargne seulement parce que tu n'as pas tenté de me tuer.

Il rit.

- Aucune excuse est valable pour laisser un ennemi en vie. On vous apprend pas ça au lycée ?

Mes joues s'échauffent suite à sa remarque sarcastique.

- On est pas aussi différents que ça, Neela. Plus tôt tu le réaliserais, mieux ce sera. Ta mère t'a demandé de me faire confiance, moi, un bleu qu'elle connaissait même pas. Et, bon sang ... Ton prénom veut dire bleu !

Il s'approche tellement de mon visage que je peux ressentir son souffle chaud contre ma joue. Mon cœur s'emballe.

- Neela. Rentre toi ça dans le crâne une bonne fois pour toutes : toi et moi, on est pas des ennemis.

Je devrais dire quelque chose. Lui faire comprendre qu'il a tort de penser ainsi, qu'il raconte n'importe quoi. Mais mes lèvres sont scellées. Impossible de sortir le moindre son. Je me baisse pour récupérer le livre sur la table basse et je retourne dans ma chambre au pas de course.

Une fois que j'ai refermé la porte, j'arrache la page sur les couleurs et je le déchire en mille morceaux, avant de jeter les confettis à la poubelle. Ensuite, je m'assieds sur mon lit et je me prends la tête entre les mains. J'aimerai tellement chasser le brouillard de mon esprit, et pouvoir comprendre clairement ce qu'il se passe. Je hais cette sensation.