CHAPITRE 8.3

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CHAPITRE 8
Partie 3

   La salle finit de se remplir peu à peu et la foule se resserre inexorablement autour de moi. Certaines personnes se retournent vers moi et je finis par comprendre pourquoi. Il y a beaucoup d'hommes, certes, mais il y a aussi quelques filles et elles n'ont rien à voir avec moi. Beaucoup sont très peu vêtues, short ou minijupe avec des hauts qui ne couvrent pas grand-chose de leur ventre ou de leurs seins. Je ne peux me fondre dans cette masse, ma robe est bien trop voyante, trop chic pour ce genre d'événement. Certaines filles chuchotent entre elles après s'être tournées vers moi, puis se mettent à rire. Je me sens nulle et en décalage complet. Toutes ces personnes doivent avoir une vingtaine d'années à peine. Ils doivent se demander ce qu'une vieille ringarde comme moi peut bien faire ici. Je ne peux leur en vouloir, je me pose la même question.

   Les regards se font de plus en plus insistants et je ressens le besoin irrépressible de jouer avec mes cheveux, me cacher derrière ou encore mieux, les rattacher et redevenir moi-même. Malheureusement, je n'ai pas mon élastique autour de mon poignet. Je triture mes mains, incapable d'avoir des pensées cohérentes et encore moins de prendre une décision. Est-il raisonnable que je reste là encore une seconde de plus ? Après tout, Teddy ne saura probablement pas si je suis dans la foule ou non quand le concert aura commencé.

   Si je veux partir, il faut que je le fasse maintenant. Alors que je m'apprête à quitter cet endroit, toute la salle est plongée dans la pénombre et la foule devient hystérique. Il m'est désormais impossible de rejoindre la sortie.

   Une personne apparaît derrière le set et la musique se lance. Tout le monde saute, les hurlements des jeunes filles me percent les tympans. J'avais oublié à quel point tout ça était bruyant. À partir de quel moment ai-je commencé à craindre ce genre de choses ? Je connais la réponse, mais je n'ai pas envie d'y faire face maintenant. Les basses viennent frapper ma poitrine et une sensation de nausée ne tarde pas à apparaître. Cette basse ne me fait pas vibrer comme celle de Thimoty Schmit, au concert des Eagles à Manchester quand j'avais seize ans. Tout est bien différent aujourd'hui.

   Je me force à respirer profondément, tout ira mieux quand Teddy commencera à chanter.

   Il fait son apparition sur scène. Enfin, c'est plutôt Dyvin. L'homme qui se trouve sur scène n'a rien à voir avec l'homme que j'ai côtoyé les jours passés. Les sweats et shorts ont disparu. Son jean noir et ses chaussures rouges ne me choquent pas plus que ça. Sa chemise rouge vif me surprend un peu plus. On dirait de la soie, ouverte sur quasiment l'entièreté de son torse, ce qui laisse apparaître une petite chaîne en or. Son premier morceau est déjà entamé depuis un moment, mais je n'y ai toujours pas prêté attention, trop occupée à l'observer en détail. Il fait des allez-retour sur scène et il n'est plus tout seul maintenant.

   Un autre chanteur l'a rejoint, mais il ne chante pas vraiment, il se contente de répéter ce que dit Dyvin et de sauter dans tous les sens, tout comme la foule devant eux. Je me plaque le plus possible contre le mur pour éviter d'être bousculée, mais c'est difficile. La panique ne m'a pas encore gagnée, je suis trop concentrée sur l'homme qui se tient à présent au milieu de la scène. La première chanson touche à sa fin, il s'adresse au public et la foule répond par des hurlements. Je n'ai pas compris ce qu'il a dit, mes oreilles me font souffrir. Ses cheveux tombent tout autour de son visage, plus longs que d'habitude. Ils sont mouillés, voilà pourquoi. Plus d'ondulations, juste des dizaines de mèches fines et humides qui s'agitent autour de lui au rythme de la musique qui est déjà repartie.

   Ce qui me marque le plus, ce sont ses yeux. Je retrouve ce regard que je n'avais pas revu depuis le jour où je l'ai rencontré. Je suis bien plus proche de la scène que je ne le pensais, si bien que lorsqu'il se déplace vers l'extrémité la plus proche de moi, je peux parfaitement voir ses yeux. Ils sont foncés, très foncés. Sombres et effrayant. Ce n'est définitivement pas Teddy qui se trouve devant moi. C'est une autre personne qui vocifère dans un micro des paroles que je ne parviens pas à comprendre. Par moment, la foule hurle les couplets à sa place, ce qui rend cela encore plus incompréhensible. Dyvin semble énervé en vouloir à la terre entière. La voix qui sort des enceintes est glaçante et sans émotion. Rien à voir avec ce que j'ai pu entendre hier.

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