NOTRE CHANCE

CHAPITRE 19.2

CHAPITRE 19
Partie 2

   Nora
   10 février, 12 h 13
   Je pars demain dans le centre de la France pour quatre jours. Voici une dernière photo de Chance avec son copain Utop. Jeane va dormir chez moi durant les prochains jours pour que Chance ne reste pas seule. J'espère que tu avances dans ta recherche de réponses. Sache que, parfois, ça aide de poser les questions à quelqu'un qui te veut du bien. Pour ma part, les réponses sont venues comme ça et l'une d'entre elles est la raison pour laquelle je m'absente ces prochains jours.

   Teddy
   13 février, 6 h 39
   Les Rolling Stones c'est un très bon choix effectivement, merci de me donner de nouvelles idées pour mes longues nuits de solitude.
   Je sais que Chance est entre de bonnes mains. Si tes amis arrivent à gérer un refuge et des dizaines de chevaux, je suis persuadé qu'ils ne devraient pas rencontrer trop de problèmes avec cette chienne parfaite.
   Ce que tu fais pour ces chevaux est honorable. J'aimerais un jour pouvoir me sentir aussi utile que toi.
   Je ne t'ai pas vraiment expliqué comment Naël est décédé...
   Je ne t'ai peut-être même jamais parlé de lui. Il a été un des premiers à me remarquer pendant les sessions de freestyle. Nous étions au lycée ensemble, mais on ne s'était jamais vraiment parlé avant ça. Il s'en foutait pas mal que je ne parle pas, il savait que tout ce que j'avais à dire se trouvait dans mes textes. Lui non plus ne parlait pas beaucoup, mais ça ne se passait pas très bien chez lui. Je l'ai compris quand il a commencé à m'aider à écrire et à m'entraîner pour rapper mieux, plus vite, être plus convaincant. C'est grâce à lui que j'ai pu monter sur scène et faire des concerts décents. Tu aurais dû voir ça quand il n'y avait que Bastien et moi, une horreur.
   Mon style s'est amélioré grâce à lui, mais il a aussi inspiré certains de mes couplets. Il suggérait des textes qui pourraient me correspondre, mais je savais que, dans le fond, c'était de lui qu'il parlait. Je n'ai jamais fait la remarque, on ne parlait pas de ce genre de choses tous les deux. Je le regrette aujourd'hui. Ses problèmes l'ont poussé à se renfermer sur lui, mais surtout, sur la drogue. Quand j'ai voulu essayer de l'aider, c'était trop tard...
   Je voulais qu'il s'en sorte, mais lui ne le voulais pas, ça ne servait à rien.
   Il a fait une overdose.
   Si je l'avais vraiment voulu, j'aurais pu l'aider, c'est ce qui me tue aujourd'hui. Je ne sais pas où trouver la force de passer au-dessus de ça. Est-ce seulement possible ?

   Nora
   15 février, 22 h 14
   Je suis vraiment désolée de ne pas avoir eu le temps de te répondre avant aujourd'hui. Je suis rentrée hier et il a fallu que l'on s'organise avec tous les nouveaux chevaux. Certains sont vraiment dans un état désastreux.
   La question n'est pas, est-ce possible, mais plutôt, est-ce que c'est ce qu'il aurait voulu ? Tu le connaissais sûrement mieux que personne et tu dois savoir ce qu'il te dirait s'il était toujours là. Comment se sentirait-il s'il te voyait te rendre malheureux pour quelque chose que, de toute évidence, tu ne pouvais pas contrôler ? Je sais que c'est facile à dire, mais si tu prends le temps de l'interroger un instant, peut-être en levant les yeux... tu aurais les réponses que tu cherches.
   Lorsque j'ai perdu mon père et que je passais des heures à me morfondre au fond de mon lit, il devait se sentir tellement impuissant de là où il était. J'ai fini par me dire qu'il n'avait pas choisi de partir et que je ne pouvais pas lui causer autant de peine. J'ai imaginé ce qu'il aimerait me voir faire depuis les étoiles et je me suis dit que, lui offrir des pâtures remplies de chevaux galopants la crinière au vent serait un beau cadeau. Tu imagines la vue de là-haut ?
   Prends le temps d'y réfléchir...
   Je vais aller me coucher, car je suis exténuée, mais je t'écrirai à nouveau demain soir pour te raconter ce que Chance a fait pendant mon absence.