NOTRE CHANCE

CHAPITRE 3.3

CHAPITRE 3
Partie 3

— Madame, lance une voix sur ma droite lorsque je quitte le bâtiment C.

Je me retourne et aperçois Ahmed, le chauffeur qui nous a déposés un peu plus tôt.

— Je vais vous déposer chez votre amie, me dit-il.

— Comment savez-vous ?

Je ne sais pas pourquoi je demande, car je sais déjà. Teddy.

— J'ai juste le nom de la rue.

— C'est très bien, je connais Paris comme ma poche, répond-il en me faisant signe de le suivre jusqu'à la voiture.

— Vous êtes le chauffeur de Teddy depuis longtemps ?

— Je ne suis pas son chauffeur, je rends juste service de temps en temps, quand monsieur Dy préfère se déplacer à pied plutôt que de prendre sa voiture.

— Et ça lui arrive souvent ?

— Pas mal ces temps-ci, oui.

— Et vous savez pourquoi il fait ça ?

— Pas vraiment, il a beaucoup de problèmes vous savez, mais ça ne me regarde pas. Je fais ça juste pour rendre service moi, je lui dois beaucoup.

— Comment ça ?

— C'est une vieille histoire, je ne sais pas si je dois en parler. C'est lui qui m'a trouvé ce travail, j'aurais pu finir mal. Ah ça oui, très mal même. J'ai eu de la chance, ce n'est pas le cas de la plupart des jeunes du quartier.

— Vous le connaissez depuis longtemps ?

— Depuis toujours, je crois.

— Alors pourquoi le vouvoyez-vous toujours ?

— Parce que je le respecte.

Je ne parle pas pendant le reste du trajet. Pourquoi ai-je ressenti le besoin de poser toutes ces questions à propos de cet homme ?

— Nous voilà arrivés, madame.

— Déjà ?

— Votre ami n'habite pas très loin de chez monsieur Dy.

— Merci de m'avoir déposée, je vous dois combien ?

— Rien du tout madame, bonne soirée, me dit-il, déjà prêt à repartir.

— Euh... vous aussi.

La voiture s'éloigne rapidement et je me retrouve au bord d'un trottoir, dans une rue que je ne connais pas. J'appelle Elena pour lui dire où je me trouve et elle me guide froidement jusqu'aux marches de son immeuble. Il semble assez ancien, mais dans un quartier plutôt huppé. Son nouveau travail doit bien payer. Je suis contente, elle qui a toujours rêvé de vivre la vie parisienne dans un grand appartement. Je suis presque sûre qu'elle a une vue sur la Tour Eiffel, elle ne l'aurait pas pris sinon.

Je monte les huit étages qui me séparent de l'appartement de mon amie. J'aurais pu prendre l'ascenseur, mais je ne veux pas paraître en trop bonne forme en arrivant en haut pour qu'Elena réalise que ma journée n'a vraiment pas été simple. Je sais, c'est un peu mesquin de ma part, mais je suis prête à tout pour éviter de m'engueuler avec elle et aller me coucher rapidement. Il n'est pas très tard, mais j'ai l'impression d'être debout depuis des jours.

Je sonne et la porte s'ouvre aussitôt. Mon amie apparaît dans l'embrasure. Elle me regarde d'un air sérieux et je lui souris, sincèrement désolée. Son visage s'adoucit immédiatement et elle me prend dans ses bras. Nous restons ainsi quelques instants. Je réalise à quel point elle m'a manqué, elle et sa chevelure sublime qui sent bon la vanille.