NOTRE CHANCE

CHAPITRE 6.2

CHAPITRE 6
Partie 2

   — Nora, tu vas rater ton déjeuner si tu ne sors pas immédiatement de cette chambre.

   — Je ne compte pas y aller.

   — Mais enfin, pourquoi ?

   — Tu sais très bien pourquoi.

   — Ouvre-moi, que nous discutions de tout ça.

   J'hésite un instant puis finis par céder.

   — Quel est le problème ma No ?

   — Je savais qu'il faisait de la musique, mais ça...

   — Qu'est-ce que ça change ?

   — Je n'ai pas l'impression que c'est la même personne.

   — Tant mieux. Il n'a pas eu besoin d'utiliser sa popularité pour continuer de te voir. C'est une bonne chose, tu ne penses pas ?

   — Sans doute. C'est juste que c'est le premier homme qui me fait cet effet et j'ai l'impression d'avoir été trahie.

   — Trahie de quoi ? Il t'a amené chez lui et il s'est montré lui-même, pas le rappeur qu'il est. Je ne savais même pas qu'il s'appelait Teddy.

   — De toute façon, ça ne change plus grand-chose maintenant, je pars dans trois jours.

   — Raison de plus pour profiter du temps qu'il te reste à passer avec lui. Quand une personne te fait ce genre d'effet, c'est vraiment dommage de s'en priver.

   — Je ne suis plus sûre d'en avoir envie. Ça risque de me faire plus de mal qu'autre chose.

   — C'est parce qu'il fait de la musique que tu veux te protéger comme ça ?

   Je hausse les épaules, pas vraiment sûre de connaître la réponse à sa question.

   — C'est un rappeur, rien à voir avec ce que tu avais l'habitude d'écouter, crois-moi. Il peut peut-être te redonner goût à ça, avec un autre style ?

   — Mais à quoi ça servirait ? Je vais partir El.

   — Et alors ? Tu ne vas pas finir vieille fille avec seulement trois pauvres amis ? Ton enterrement sera sacrément triste.

   Je ris nerveusement.

   — Je n'ai pas besoin d'avoir plus d'amis que ça. Vous me connaissez mieux que quiconque, les autres ne pourraient jamais rattraper tout ce que j'ai vécu avec vous.

   — Mais ils pourraient te créer de nouveaux souvenirs et te faire vivre des choses que tu n'auras jamais l'occasion de vivre avec nous. Tu vas bientôt avoir vingt-cinq ans ! Tu n'as jamais eu de copain, tu n'as jamais couché et je ne suis même pas sûre que tu as déjà embrassé un homme.

   Je m'indigne et la repousse gentiment.

   — Je n'ai pas besoin de tout ça pour être heureuse.

   — Crois-moi, tu regretteras de ne pas avoir saisi l'occasion de vivre ce genre de choses quand tu seras coincée dans une maison de retraite avec plein d'autres vieux qui te raconteront comment ils ont baisé la terre entière dans leur jeunesse.

   — Si j'arrive à cet âge, j'aurai oublié la plus grande partie de ma vie. Alzheimer est dans ma famille depuis des générations.

   — J'espère pour toi que ce sera le cas, parce que passer des journées entières à te rappeler à quel point ta vie a été ennuyeuse, non merci...