CHAPITRE 17
Partie 1Comme je m'y attendais, je n'ai pu prendre que peu d'affaires avec moi dans le train. J'ai dû laisser le reste dans la voiture d'Ahmed. Après m'être excusée du dérangement, il m'a rassurée en me disant qu'il s'en occuperait. Je ne le remercierais jamais assez pour tout ce qu'il a fait pour moi. J'aimerais pouvoir lui dire que sa dette envers Teddy est largement remboursée à présent, mais ce n'est pas à moi de statuer sur ce genre de choses.
Nous voilà toutes les deux dans le train, tous les regards tournés vers nous. Il y a toujours aussi peu de monde, mais, visiblement, un chien dans le train, ce n'est pas si courant que ça. C'est peut-être parce que ce n'est pas n'importe quel chien. Presque aussi grande qu'un loup, la fourrure immaculée, elle est très impressionnante.
Ma tête ne doit pas aider à rassurer les passagers. Je n'ai pas dormi la nuit dernière, pour organiser ce voyage de dernière minute, et tous ces au revoir me retournent l'estomac. Je suis fatiguée, épuisée, triste... Triste pour Teddy. Le savoir dans cet état sans que je puisse y faire quoi que ce soit me rend malade. Il ne mérite pas ça. Comme son ami, je suppose...
Le voyage me laisse tout le temps de penser tandis que la tête de Chance repose tranquillement sur le siège à côté du mien.
Je prends conscience que, ce soir, je ne recevrai pas de message de la part de Teddy lorsque nous arriverons chez moi. Je ne serais plus au courant de ce qu'il s'est passé dans sa journée. Bien que je ne lisais plus ses messages depuis des semaines, maintenant que les choses ont été dites entre nous, je ressens ce besoin de savoir comment il va. Son état m'inquiète vraiment. J'espère qu'il parviendra à se retrouver en quittant Paris. J'espère qu'il aura toujours envie de me raconter ses journées, même si les prochaines à venir seront sans doute très sombres.
Ce voyage à Paris fut bien plus court que le premier, mais d'autant plus dévastateur. Je perçois quelque chose en Teddy qui me rappelle mes propres démons et je ressens un besoin irrépressible de lui venir en aide. Moi qui avais réussi à me remettre de tout ça, mon quotidien ayant repris le dessus, je me retrouve aujourd'hui au même point qu'à mon retour il y a plusieurs mois. C'est peut-être moi qui ai besoin d'aide...
Tout se répète, à une différence près : je ne suis pas seule cette fois.
*****
Il fait déjà nuit lorsque je ramène Chance à la maison et, étrangement, mon premier réflexe est de me diriger vers la maison et non l'escalier qui mène à mon appartement. Ne serait-ce pas plus simple de m'installer au rez-de-chaussée pendant quelque temps ? Chance pourra sortir quand elle veut comme ça. Fini les promenades en laisse, ici, elle va avoir tout l'espace dont elle a besoin.
Récupérer le salon et sa cheminée n'est pas une si mauvaise idée, maintenant que l'hiver est presque installé. J'ai des radiateurs dans l'appartement, mais ce n'est pas aussi chaleureux qu'un bon vieux feu de cheminée.
Je dépose le peu d'affaires que j'ai pu emporter avec moi dans l'entrée et demande à Chance de m'attendre en bas. Je cours ensuite à mon appartement pour récupérer quelques affaires et je suis de retour auprès de ma chienne. Nous nous installons dans le salon, je dépose son cousin près du canapé et elle s'y installe immédiatement.
— C'est un peu vieux, mais c'est chez nous maintenant, ça te plaît ?
Elle me regarde et finit par déposer sa tête entre ses pattes. On dirait bien que c'est un oui. Je fais partir un feu puis m'installe à mon tour dans le canapé pour pouvoir allonger mes jambes. Je vais sûrement dormir dessus ce soir. L'étage n'a pas été chauffé depuis un moment et je n'ai pas remis les pieds dans ma chambre depuis que j'ai réouvert la maison.
Après un moment à reposer là, toutes les deux, en silence, Chance se lève et se met à arpenter la pièce. Elle repasse plusieurs fois devant moi et hoche la tête. Elle est à la recherche de quelque chose et je comprends aussitôt.
— Moi aussi il va me manquer ma belle. Tout ira bien pour lui.
Elle pousse un soupir, comme si, encore une fois, elle comprenait parfaitement ce que je lui dis. La voir si inquiète me rend triste et j'essaie de penser à quelque chose qui pourrait la rassurer un peu. Je crois que j'ai une idée.
— Reste ici, je reviens tout de suite.
Elle m'observe quitter le salon, les oreilles pointées avec curiosité. Je me presse de rejoindre mon appartement pour récupérer quelque chose que j'avais enfoui dans mon placard depuis des mois. Le seul souvenir que j'avais rapporté de Paris : le sweat de Teddy.
Je finis par le retrouver derrière une pile de vêtements que je ne porte plus. C'est incroyable à quel point il sent son odeur. Ça devrait réconforter un peu Chance, une part de lui sera avec elle.
Je la rejoins dans le salon et dépose le sweat sur son coussin. Elle vient immédiatement le renifler et, après m'avoir jeté un petit coup d'œil, comme pour me remercier, elle se roule en boule sur son coussin et dépose sa tête sur le sweat.
Mission accomplie, je peux à mon tour regagner mon canapé et me laisser sombrer. Je suis tellement éreintée par cette journée forte en émotion que je laisse mes yeux se fermer doucement, bercée par les petits craquements du bois dans le foyer de la cheminée.
Je me sens bien dans cette pièce, malgré l'inconfort du canapé en cuir creusé par le temps. C'est peut-être grâce à cette cheminée qui, en plus de m'apporter de la chaleur, éclaire doucement la pièce de ses flammes pour que je ne sois pas complètement plongée dans le noir. Je me sens en sécurité, comme je l'ai toujours été dans cette maison qui a accueilli mes premiers jours.
Je sens que le sommeil m'emporte rapidement et mes dernières pensées sont pour Teddy. J'espère de tout mon cœur qu'il parviendra à surmonter ce malheur. Autrement, j'ai bien peur que le vrai Teddy, le seul que je connaisse, ne me revienne jamais.

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NOTRE CHANCE
RomanceNora vient d'arriver à Paris pour passer quelques jours chez une amie. La foule de la gare est à peine derrière elle que son voyage prend une tournure inattendue. Sa rencontre avec un grand chien blanc au regard azur va la plonger dans l'univers...