NOTRE CHANCE

CHAPITRE 13

CHAPITRE 13

   Une semaine après Paris

   J'étais persuadée que, reprendre le travail et redonner vie à la maison qui a accueilli mon enfance, me permettrait de me sentir à nouveau moi. Je pensais aussi qu'en revoyant mes amis et en passant du temps avec eux, j'arrêterais de penser à tout ce que j'ai vécu à Paris, mais c'était sans compter sur Teddy. Comment ai-je pu croire que ce serait si facile de refouler tout ce que j'ai pu ressentir quand j'étais avec lui ? La distance n'y fait rien.

   Je n'ai pas répondu à son premier message, mais, le lendemain, un nouveau est arrivé. Il sait que je les ai vus, le téléphone ne ment pas. Il a donc continué et je n'ai pas pu résister à l'idée de découvrir ce qu'ils pouvaient contenir. À chaque fois, il y joint une photo de Chance et j'essaie de me convaincre que c'est l'unique raison pour laquelle je lis ses messages.

   Aujourd'hui, ça fait une semaine que je suis rentrée, nous devons être dimanche, je n'en suis pas certaine. Je ne m'autorise aucun jour de repos, les chevaux ne connaissent pas les jours fériés ni les week-ends. Je sais juste une chose, aujourd'hui, c'est le septième message que je reçois de Teddy, la septième photo de Chance que j'enregistre précieusement dans mon téléphone. Celle-ci est particulière, on peut voir sa patte, posée dans le creux d'une main : celle de Teddy. C'est la première fois qu'une part de lui apparaît sur mon écran. Pourquoi mon cœur se serre-t-il à ce point ?

   J'aimerais en voir plus de lui, mais je sais que si je commence à répondre à ses messages, je n'arriverai jamais à me défaire de ce sentiment et c'est tout ce que je souhaite éviter. Je les ouvre uniquement pour prendre des nouvelles de Chance, uniquement pour ça. Je suis assez bonne lorsqu'il s'agit de me convaincre de ce qui m'arrange.

   J'enregistre cette septième photo et ouvre le message qui l'accompagne, le cœur qui frappe contre ma poitrine.

« Aujourd'hui, j'ai appris à Chance à donner la patte, comme tu peux le voir sur la photo. Elle m'impressionne chaque jour un peu plus et je suis heureux qu'elle soit à mes côtés pour m'aider à trouver le courage de me mettre à écrire à nouveau. Elle est ma principale source d'inspiration. Elle et quelques autres petites choses... »

   Je range rapidement mon téléphone dans la poche arrière de ma salopette lorsque j'entends Ulysse arriver dans mon dos.

   — Tu ne t'es pas encore changée ?

   — J'y vais.

   Je n'ai pas parlé de Teddy à mes deux amis. À quoi cela servirait-il ? Elena a accepté de ne rien dire non plus. Je leur ai simplement expliqué le sauvetage de Chance et je leur ai dit qu'elle avait trouvé une nouvelle famille, pas besoin d'en dire plus.

   — Tu es prête ou pas ? me demande Jeane depuis le salon.

   Je m'empresse d'enfiler un jean et un petit pull.

   — Oui, j'arrive.

   Pour la première fois depuis mon retour, nous sommes tous les trois libres ce soir et nous en profitons pour aller manger au restaurant. Ça fait très longtemps que nous n'avons pas fait une telle sortie à trois, c'est un peu un événement.

   Nous mangeons beaucoup trop comparés à ce que nos estomacs peuvent supporter. Nous rions aussi, sans nous arrêter. Ça fait vraiment du bien de parler d'autre chose que du travail ou des malheurs de chacun. J'en profite pour leur raconter tout ce qu'Elena m'a fait subir, les séances shoppings interminables. Ils la connaissent bien et savent parfaitement ce que j'ai pu endurer. À plusieurs moments, je suis tentée de raconter certaines anecdotes, avant de me retenir. Ce sont des souvenirs que je ne peux évoquer sans parler de Teddy et il en est hors de question.

   La soirée se poursuit et plus nous nous rappelons les souvenirs du passé, plus je prends conscience de tout ce qu'ils représentent pour moi. Ils font partie intégrante de ma vie et je ne l'imagine pas sans eux. Pourquoi aurais-je besoin de quelqu'un d'autre ? Nous nous complétons parfaitement et ça me suffit. J'ai fait le choix il y a des années de consacrer ma vie aux chevaux, pour qu'ils ne soient plus maltraités. J'en ai sauvé des dizaines et j'en suis fière. Ulysse et Jeane ont été là chaque jour de cette incroyable aventure, ils me connaissent mieux que quiconque et c'est tout ce dont j'ai besoin pour continuer d'avancer.

   Il faut que je trouve un moyen d'arrêter de penser à Teddy. Je n'ai pas besoin de lui.

   Comment vais-je parvenir à l'oublier s'il continue de m'envoyer des messages chaque jour ? En même temps, je n'ai pas la force de lui dire d'arrêter et que tout ça se termine pour de bon. J'espère qu'il finira par comprendre de lui-même, quand il en aura marre que je ne réponde pas à ses messages.