40 | Toucher le fond

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Annabeth en média

— Tu veux que je te dépose au lycée ?

Je décroche à ma mère un sourire radieux. Bénis soient les jours où elle commence tard le travail car à choisir entre faire le trajet en voiture ou en bus, la question ne se pose même pas. Sans compter que ma mère fait beaucoup d'efforts en ce moment. Je crois qu'elle pense que ma rencontre catastrophique avec mon géniteur m'a bouleversé mais en réalité, c'est tout le contraire. J'ai l'impression de me sentir mieux ; je connais enfin la vérité. Et, comme l'a dit Betty, le reste dépendra de moi.

Je me sens tellement guillerette que je prends un petit-déjeuner, ce qui n'arrive pas souvent. Enfin, une demi-heure plus tard, je détache mes ondulations naturelles et admire la petite robe blanche pour laquelle j'ai opté. C'est bizarre que je sois si gaie après toutes les horreurs de la veille.

— À ce soir !

Je plante un baiser sur la joue de maman et claque la portière de la voiture derrière moi. Lorsque j'arrive dans la cour, aucune trace de mes amies. Je m'installe sur un banc, mon portable dans les mains. Dans les minutes qui suivent, deux garçons m'abordent. Je converse brièvement avec eux mais finis par les renvoyer d'où ils viennent. Je devine, à leurs sourires complices et à leurs manières de lourdauds qu'ils se sont lancés dans un défi idiot pour voir lequel réussirait à m'avoir. Ce constat me rend un peu triste : tous les mâles qui croisent ma route ne s'intéressant donc jamais à moi ? Seulement à mon jolis minois et à mes longues jambes ?

Heureusement, Betty ne tarde pas à arriver. Et si son sourire a l'air sincère, une ombre pèse entre nous. Alors que je me demande si je dois lui présenter mes excuses pour avoir évoqué Katrina hier, Nadine arrive en brandissant un exemplaire de la revue quotidienne du lycée. Son visage est déformée par l'incrédulité. 

— Non mais regardez ça !

Betty attrape le journal et le parcoure quelques instants des yeux. On jurerait que ses billes vertes s'apprêtent à sortir de ses orbites.

— Je rêve. 

Prise d'un éreintant sentiment d'appréhension, j'en m'empare du journal qu'elle me tend.

Si on ne connaissait pas Kendall Must, nouvelle venue à Turnwood et élève de terminale C, on sait à présent tout sur elle ! Ayant accédé à une certaine popularité depuis qu'on sait que le beau Noah s'intéresse à elle, elle semble avoir pris quelques libertés. Nombreuses sont les personnes qui savent qu'elle s'est montrée extrêmement grossière avec son professeur de maths car elle n'a pas accepté ses réprimandes et encore plus nombreuses sont les personnes qui ont assisté à son injuste attaque à l'encontre de Carter Heigh. Est-elle sujette à la bipolarité, ses menstruations arrivent-elles ou se sent-elle au bord de craquer face à Noah Kol ? À bientôt pour un nouvel article !

Engourdie, je repose le journal. 

— On avait dit non à ce crétin de Leopold pour qu'il t'affiche dans son journal ! s'emporte Betty. Personne ne sait ce qu'est le respect dans ce putain de lycée ?

Un gros soupir s'échappe de ma bouche.

— Qu'est ce que tu veux qu'on y fasse ?

Toute ma bonne humeur matinale s'est envolée. Je ne suis pas en colère, simplement lasse. Il n'arrive pas une semaine sans que je ne subisse une humiliation, une haine malsaine ou du chagrin. C'est bizarre, je me sens prête à tuer la première personne qui croise ma route comme je voudrais m'allonger sur le banc et fermer les yeux.

Clairement, je touche le fond.

En revanche, Betty ne décolère pas. Elle quitte le banc comme un bolide, partant sans doute à la recherche de Leopold. Même lui, je n'ai pas la force de lui en vouloir.

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