A DANGEROUS GAME

43 | Perdre le contrôle

— Merci pour ce soir, dis-je finalement à Noah une fois installés dans sa voiture. 

Le dîner s'est déroulé dans une ambiance étonnamment agréable, et la nourriture était excellente. Quoi de mieux qu'un ventre bien rempli ? 

— Pas de problème, répond-il nonchalamment. 

Il semble perdu dans ses pensées et je dois dire que moi aussi, mon cerveau carbure à cent à l'heure. Cette soirée sans anicroche me perturbe un peu. J'ai l'impression que c'était trop parfait, trop normal. Pourquoi Noah et moi nous sommes si bien entendus ? Espérait-il me séduire pour que je flanche face à lui ? Incapable de ruminer plus longtemps, je lance : 

— Cette soirée, c'était plus pour le jeu ou pour notre pseudo-amitié ? 

Je redoute tant sa réponse que mes ongles s'enfoncent dans ma paume. Je ne perçois que son profil qui se découpe dans la pénombre de la voiture, mais je suis prête à parier que ses yeux azur sont plissés de manière réfléchie.  

— Pourquoi tu poses cette question ? répond-il finalement. 

— Parce que je déteste les non-dits, rétorqué-je du tac au tac. 

Je donne l'impression d'être sûre de moi mais en réalité, j'ai peur qu'il me dise la vérité. J'ai peur qu'il me dise que tous les cadeaux qu'il m'a offert, que ce somptueux restaurant et que son comportement agréable étaient factices, que tout était destiné à marquer des points pour le Temptation's Game. J'ai peur d'être déçu, une fois de plus. 

Mais pourquoi as-tu peur d'être déçu ? Pourquoi prends-tu tout ça autant à coeur ? 

— Tu te prends trop la tête, soupire le brun. Mais bon, si tu veux tout savoir, c'est que cette idée d'êtres copains me plait, sincèrement. Mais je ne peux pas te promettre que toutes mes actions ne sont pas guidées par le jeu. 

Et voilà. 

Il y a une pointe de regret dans sa voix, mais ça ne réussit pas à effacer ma déception. Une fois de plus, j'ai l'impression que Noah m'a asséné un coup de poignard. J'aurais aimé que ça m'achève, afin que je cesse de ressentir mais ce n'est pas le cas. La douleur et la peine sont bien présentes. 

— Je pense qu'il est préférable que je rentre seule, parviens-je à affirmer. 

Sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, j'ouvre la portière et m'éloigne à grands pas de sa voiture. Évidemment, le bruit de sa portière à lui claque et il me rattrape aussitôt. 

— Eh ! Bon sang, reviens !

Sa main s'empare de mon épaule et me tire vers lui. J'ai un mouvement de recul, surprise par ce brusque contact physique. 

— Dois-je te rappeler comment ça s'est terminé, la dernière fois que tu as quitté ma voiture ? s'agace-t-il. 

Un frisson me parcoure l'échine au souvenir de l'agression des deux garçons il y a plusieurs semaines. J'ai l'impression que ça s'est déroulé il y a des siècles et pourtant, j'en ai écopé de sévères migraines. 

— Excuse-moi, se radoucit Noah lorsqu'il aperçoit mon expression. Je ne comprends pas pourquoi tu te braques, c'est tout. Qu'est ce que j'ai dit ?

— C'est bien ça le problème, explosé-je. Tu n'es jamais conscient de ce que tu balances ! Tu ne peux pas être normal deux secondes et te soucier de ton entourage ?

— On avait bien dit que je n'étais pas normal, me rappelle le Tentateur avec un sourire dans la voix. Et toi non plus. 

Je lève les yeux sur le ciel noir, furieuse. Il ne fait qu'illustrer mes propos !