55 | Avoir mal

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Les grilles du lycée me paraissent irréelles, comme si cela faisait des décennies que je n'avais pas mis les pieds ici. J'ai tellement été prisonnière de mes pensées ce week-end que j'en avais presque oublié mes obligations en tant qu'écolière. 

La colère a laissé place au chagrin. Le chagrin a laissé place à la tristesse et la tristesse a laissé place à la mélancolie et à une douleur permanente. Je la ressens partout : dans ma gorge, mes bras, mes jambes, mon ventre, ma tête, mon coeur... j'ai mal. 

Me dire que Katrina a franchit les mêmes grilles il y a à peine six mois est une torture. J'aimerais tellement être là pour cette fille. J'aurais tellement voulu trouver les mots justes pour la consoler, cette petite âme brisée par la vie. Mais j'ai échoué. 

Alors comment pourrai-je réussir à aller mieux ?

La première sonnerie retentit lorsque je traverse la cour, la tête basse. C'est celle qui signifie que tous ceux qui ont sport en première heure doivent être aux vestiaires. 

J'espère ne croiser personne, j'ai bien trop de personnes à éviter dans ce lycée mais les deux pires restent Sana et Noah. 

Faut de mieux, je tombe sur Nadine en compagnie de la chevelure rousse de James. Il sourit de toutes ses dents tandis qu'elle roule des yeux et lui donne une tape sur l'épaule. L'angoisse m'englobe alors : et si mon amie tombait pour James comme Katrina ? 

J'hésite à m'approcher. Et si Noah avait révélé à James les détails de l'autre soir au restaurant ? Et si James se moquait de moi ? Le cas échéant, j'oscillerai entre l'humiliation la plus profonde ou l'envie de commettre un meurtre. 

Heureusement pour moi, James fait un signe de main à la brune et s'éloigne. Je peux enfin rejoindre mon amie. 

—  Hey. 

—  Eh, salut Kendall. Tu viens tout juste de manquer James : il nous a invité à sa soirée du nouvel an.

Le nouvel an est pour dans quelques semaines, c'est si loin. Le roux mène la belle vie au point de se projeter si loin, sans se soucier du présent ? Pendant que d'autres sont à ramasser à la petite cuillère ?

—  Ne me dis pas que tu as accepté ? grimacé-je. 

—  Si, admet Nadine. Mais avec mes conditions ! J'ai stipulé qu'aucun Tentateur ne devait nous emmerder. Ils seront interdits de s'approcher de nous. James était contrarié mais il a promis de transmettre ces infos à Noah et Carter. 

En voyant ma mine de marbre, la brune insiste : 

—  C'est quoi le problème ? Ça va être cool de pouvoir fêter le nouvel an ensemble, non ? 

—  Tu as raison.

Je lui renvoie un sourire peu convaincu et m'assois sur le banc à ses côtés. Presque aussitôt, une masse de cheveux châtains fait son apparition : Sana, qui s'approche de nous à grands pas.  

—  Kendall et Nadine, ça fait plaisir de vous voir. 

Son sourire étincelant pourrait tromper n'importe qui mais pas moi. Certes, notre petit rendez-vous de ce week-end me paraît très loin étant donné le dimanche mirobolant que j'ai passé mais ma haine contre elle n'a pas baissé d'un iota.

Je la toise. 

—  Tu devrais aller voir Noah, lui conseillé-je avec une extrême suffisance. Histoire qu'il ne se perde pas avec d'autres filles, tu comprends ? 

Je suppose que Nadine est entrain de se demander à quoi je fais allusion mais peu importe. La peste, elle, comprend parfaitement mon sous-entendu. 

Son sourire se crispe. Elle ne s'attendait sans doute pas à ce que j'évoque notre petite conversation de ce week-end devant Nadine. 

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