A DANGEROUS GAME

48 | Appel anonyme

Kendall en média 

— Vous êtes sûres que vous ne voulez pas rester un peu ? 

— Non, on va rentrer ! À lundi ! 

— C'était sympa de te rencontrer, Lenny, affirme Sophia en embrassant ma cousine. 

Il est treize heures. Lenny et moi sommes sur le point de rentrer à la maison ; Betty est déjà partie et c'est le grand frère de Nadine qui viendra la chercher. Quelle ironie. J'ai bien vu les joues de Sophia rosir lorsque Nadine l'a annoncé. 

— On reste en contact, n'est-ce-pas ? C'est quoi ton compte Instagram ? 

Nadine et Lenny se font des adieux dignes des plus grands mélodrames. J'ignore pourquoi mais elles sont devenues très amies. 

— Si tu passes par New York, fais-le moi savoir, ordonne ma cousine en enlaçant la brune. 

— Il faut qu'on se voit avant que tu repartes !

Enfin, nous quittons la maison de Sophia et marchons d'un bon pas jusqu'à l'arrêt du bus. Malheureusement, maman n'est pas disponible pour venir nous récupérer alors on va devoir subir un trajet de trente minutes dans les transports en commun. Nadine nous a bien dit que Spencer pourrait nous ramener mais je suis consciente que ça leur ferait faire un détour. Et puis, je me sentirais mal à l'aise avec son beau gosse de grand frère tout en sachant que Sophia et lui sortent ensemble.

Nous arrivons enfin à la maison après un trajet relativement gênant car un garçon s'est assis juste en face de Lenny et moi et ne cessait de me contempler, pour enfin finir par me demander mon numéro de téléphone.

— Même le matin, tu te fais draguer, constate ma cousine. 

Je soupire même si en réalité, ça m'a fait plaisir de me sentir désirée. Supérieure à un homme. Quand je suis avec Noah, j'ai l'impression de ne pas être assez belle, assez puissante. 

— On est au début de l'après-midi. 

— Certes, mais je vais quand même faire une sieste ! 

Elle bâille à s'en décrocher la mâchoire et prends la direction de ma chambre. Pour ma part, j'erre dans la cuisine et découvre un mot de ma mère sur la table : 

— Coucou vous deux ! J'enchaîne deux réunions plutôt importantes alors je ne serai de retour que ce soir ! Ça vous va si je ramène des pizzas ? Ou alors chinois ? Répondez-moi par texto ! 

Je souris, froisse le mot et envoie un message à ma mère pour lui dire de ramener chinois. Connaissant Lenny, elle préférait manger ça à des pizzas. Enfin, je m'enroule dans une couverture et allume la télévision. C'est un peu pathétique, non ? On est samedi et au lieu de sortir et m'amuser, je mate des séries. 

Un temps indéterminé plus tard, alors que je suis plongée dans un épisode particulièrement bouleversant de When They See Us, mon portable sonne. Je jette un coup d'œil à l'écran et découvre un numéro inconnu. 

Qui pourrait m'appeler ? Je n'ai donné mon numéro à personne, pas même au garçon qui me l'a réclamé tout à l'heure. Prenant la décision de ne pas y prêter attention, je remets en marche mon épisode. Sauf que mon téléphone sonne une nouvelle fois. 

Exaspérée, je craque : 

— Allô ? 

Une voix féminine retentit alors : 

— Rejoins-moi à Santa Monica. Je t'envoie l'adresse du café par message. 

— Qui est-ce ? 

Silence radio. 

— Super. Au revoir. 

Mi-irritée, mi-intriguée, je raccroche. Qui était-ce ? La voix m'est familière mais c'est drôle, je ne parviens pas à me rappeler à qui elle appartient. Soudain, mon portable affiche un message. 

> 000 783 378 : C'est en rapport avec le Temptation's Game, Kendall. 

Puis le numéro envoie une adresse, sans doute celle du café. 

Je fixe mon écran pendant trois bonnes minutes. Cette personne connaît mon prénom ainsi que l'existence du jeu. Se pourrait-il que ce soit Noah ? À cette perspective, mon coeur s'emballe. 

La personne qui m'a appelé était une fille. Mais après tout, ça ne m'étonnerait pas qu'il ai mis en place un stratagème pour que je le rejoigne. Il pense sans doute que si il m'avait appelé avec son numéro et sa voix, je ne serai pas allée le voir. Et il a raison. Je refuse tout nettement d'obéir à ses ordres. 

Mais même si j'y vais, il ne saura pas que je savais que c'est lui. Donc, il ne se réjouira pas parce que je lui aurais obéi. Je sais, c'est pitoyable mais je meurs d'envie de le voir. Et je veux me montrer forte. 

Pour ne pas qu'il croit que je fais des efforts pour lui, j'enfile un jogging et le top qui va avec. Mes longs cheveux sont attachés en une queue-de-cheval et mes pieds sont prisonniers de mes Air Jordan 4 blanches. 

Il est temps d'y aller. Je vérifie si Lenny dort. J'espère être de retour bien avant qu'elle ne se réveille. 

Une nouvelle fois, je me rends à la station de bus. Santa Monica est à un quart d'heure d'ici. La dernière fois que j'y ai mis les pieds, c'est quand j'ai rencontré mon père. J'étais avec Betty et à ce moment-là, elle avait prononcé un discours bien inspirant. 

Alors que je m'assois sur un siège, l'angoisse m'enveloppe. Pourquoi Noah — si c'est bien lui, du moins — veut-il me voir ? Que va-t-il me dire ? En tout cas, je suis déterminée à me montrer forte et condescendante si besoin. 

Au fond, je me demande : qu'est ce qui me prend d'aller à des rendez-vous louches comme ça ? Où est passée la Kendall rationnelle et je-m'en-foutiste qui sort avec ses amis tous les week-end au lieu de se rendre à des tête-à-tête avec un garçon qui lui fait du mal ?

Le temps d'arriver à Santa Monica, je ne suis plus si sûre de moi. C'est noir de monde, en plus. Lorsque je tape l'adresse du café, je dois marcher dix bonnes minutes pour le trouver. C'est un salon de thé plutôt old school avec des rideaux et des nappes violettes. Il y a quelques femmes du troisième âge qui boivent du thé et dégustent des pâtisseries en discutant. 

Qu'est ce qui a pris au Tentateur de me donner rendez-vous dans un endroit pareil ? Je balaie le café du regard et tombe sur une silhouette familière. 

Ce n'est pas Noah. 

C'est Sana.