60 | Une raison

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—  Je ne veux pas d'une confrontation avec toi. 

Ma voix est mal assurée. Manifestement, mon quota de dédain a été épuisé lors de notre dernière conversation. Je dois avouer être particulièrement fière de la façon dont je lui ai tenu tête quand il m'a rendu visite il y a quelques semaines. Sans compter que ce n'était pas particulièrement facile d'être insolente avec des cheveux en bataille et en étant allongée sur son lit. 

—   Qui a parlé d'une confrontation ? Tu es magnifique, commente-t-il en passant du coq à l'âne. 

—   Chacune de nos conversation est une dispute, rétorqué-je. 

Son compliment ne me fait pas autant plaisir qu'il le devrait. Magnifique. Je sais bien que je suis belle. Il passe son temps à me le dire avec ses regards indécents et son sourire charmeur. 

Jolie. C'est tout ce que je suis à ses yeux. Le plus beau pion du plateau. C'est fou. Pendant un temps, on a tous déjà pensé que la beauté était quelque chose de capital. On a tous pensé que c'était notre visage ou notre corps qui attiraient une personne. Noah m'aura au moins prouvé le contraire puisque ce n'est pas forcément ses cheveux foncés ou la courbe parfaite de sa bouche qui m'ont fait tombé pour lui, mais bel et bien sa personnalité étrange. 

Bon Dieu. Je suis certainement masochiste. 

—  On peut inverser la tendance, cette fois-ci. 

Ses paroles sonnent comme dans un mauvais film. Je ne veux pas d'une mauvais film. Je veux rentrer chez moi, et éviter le regard perçant de Noah qui me domine instantanément lorsque ses yeux croisent les miens. Je veux éviter de ressentir ce pincement si douloureux, mais si bon qui caractérise mon affection pour lui. Je veux à tout prix stopper mon envie de passer les doigts entre ses mèches noires.  

—   Et comment tu comptes faites ? demandé-je en haussant un sourcil. 

Il est un peu éméché. Ses réflexes sont sans doute un peu moins vifs, je peux donc facilement le pousser et sortir de cette salle de bain. Mais une petite — non, en fait, une très grosse — part de moi n'en a pas envie. Une gigantesque part de ma petite personne crève d'envie d'écouter sa voix grave et de contempler pour la énième fois sa carrure. 

—  Ça. 

Sa tête se penche.

Pendant un court instant, l'idée qu'il m'embrasse me traverse l'esprit. J'ai à peine le temps de me demander si j'aurais la force nécessaire pour le repousser que ma théorie est vite réduite à néant. En fait, c'est son corps tout entier qui se baisse. Ses deux genoux se déposent au sol et ses mains...

Ses mains attrapent les miennes. 

Oh.

Ses pupilles azur me fixent. Elles traversent presque mon âme. 

Mes mains dans ses paumes, ses paumes emprisonnant mes mains. Je bats des paupières. Une violente bourrasque traverse l'intégralité de ma personne. 

Il faut que je stoppe... les battements de mon cœur, qui pompe pour lui..

—   Et là ? Tu peux être sûre que je ne serai pas en position de force, agenouillé face à toi, argue-t-il.

C'est utopique. Mais ça sonne faux. Il aura beau même poser son front contre le sol, ce ne sera pas suffisant. 

—   Ce n'est pas ta position, qui oui ou non définit si tu es en position de force, lancé-je acidement.

Car même comme ça, il reste maître de mes peines, gardien des clefs de mon cœur et Tentateur. 

Et je trouve enfin la force nécessaire pour retirer ses mains des miennes. Toute la chaleur, toute cette électricité, se dissipe. Il ne reste plus que du vide. Ses bras retombent le long de son corps. Sa peau n'est plus en contact avec la mienne. 

A DANGEROUS GAMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant