Chapitre 3

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Nora

J'essaie de me concentrer sur l'inventaire des machines à laver, mais je dois très vite reconnaitre l'évidence : je n'y arrive pas ! Le déjeuner de dimanche me trotte encore dans la tête et la visite de Jake n'a rien arrangée à l'affaire. Nous sommes déjà jeudi et plusieurs interrogations sont venu se greffer à celle que j'avais déjà concernant ce nouveau vicaire.

Le carillon de la porte du magasin sonne et je sors à contre coeur de mes pensées, afin d'accueillir ce client qui arrive au mauvais moment. Je me ravise aussitôt quand je reconnais l'intrus venu m'interrompre : c'est Julie ! Ma meilleure amie.

— Julie ! Dis-je en lui sautant presque dessus. Mais qu'est-ce-que tu fais là ? Tu n'es pas à Londres ?

— Laisse-moi respirer si tu veux que je réponde. Dit-elle essayant de reprendre sa respiration.

Je m'éloigne pour lui laisser un peu d'air mais la tire par la main près du comptoir.

— Alors ? Que fais-tu à Bedford ?

— Disons, que j'avais envie de rendre visite à ma mère. Dit-elle d'un ton détachée.

Je la regarde avec un air dubitatif car tout le monde sait que Julie et sa mère ne se sont jamais vraiment bien entendue.

— Tu plaisantes pas vrai ?

— Oui. En réalité, je penses à revenir vivre ici. Ce que j'étais allé chercher à Londres, je ne l'ai pas trouvé et bien que ma mère me tape sur le système, je me suis toujours plus ici. Cette ville, aussi chiante soit elle, c'est chez moi.

— Juste quand je suis sur le point de réussir à rassembler assez d'argent pour te rejoindre. Décidément le timing ce n'est pas mon fort. Dis-je découragée.

— Justement, je me disais... comme je vais quitter la collocation que j'avais, tu pourrais prendre ma place ? En réalité, c'est pour ça que je suis là. Je dois trouver quelqu'un avant de définitivement partir, histoire de ne pas mettre les autres dans une position délicate.

Je réfléchis à toute allure, pesant le pour et le contre à la vitesse de l'éclair, mais je comprends très vite que cette proposition ne se représentera pas deux fois.

— Oui ! Dis-je extatique.

— Oui ? Aussi rapidement ?

— Il faut que j'en parle à mes parents mais dès que tu seras prête, je prendrais ta place à la coloc'. En réalité, tu me sors une épine du pied. Je ne savais pas par où commencer pour m'installer à Londres. Alors avoir un logement, c'est déjà un bon début !

Julie reste un long moment avec moi au magasin faisant passer le temps plus vite que je ne l'aurai imaginé. Nous discutons de tout et de rien, comme nous en avions l'habitude lorsque nous étions au lycée. Lorsqu'elle s'en va, ma journée est presque terminée et je la remercie intérieurement d'avoir fait seule ce qu'une amie aurait pu faire : me distraire de mon impatience!

Debout devant la porte du presbytère, j'attends depuis trente secondes, hésitant à frapper. Il est exactement 16h59 à ma montre, et je ne veux pas paraitre trop empressée.

Depuis que Jake m'a donné ce rendez-vous impromptu, j'ai la conviction qu'il n'est définitivement pas celui que j'imaginais. Je sens qu'il est bien plus que ce qu'il peut paraitre. Je ne me suis jamais vraiment intéressée à la vie religieuse de la ville mais je me suis toujours définie comme quelqu'un de spirituelle. Je pense véritablement qu'il y a quelque chose de plus grand qui nous dépasse dans notre univers et que l'on peut trouver la paix en soi en ce connectant à cette inspiration. Seulement, je n'ai jamais pu en parler avec qui que ce soit. Mes parents ? Ils me trouvent déjà assez bizarre comme ça pour que je ne leur donnent pas une raison de m'emmener chez un psy ! Quant aux amis que j'ai pu avoir, à part la musique, je n'ai jamais pu aborder ce genre de sujet avec eux. Je me dis que cela peut être enrichissant de confronter nos points de vues, le révérend Wallace et moi. Et puis, il connait Les portes de la perception, c'est déjà un bon début.

The Women of the family - Tome 3 : NoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant