Chapitre 17

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Nora

Dans le métro qui me mène chez mon nouvel éditeur, j'observe d'un oeil distrait les voyageurs qui peuple le wagon. De ma vie, je pense que je ne me suis jamais sentie aussi seule. Cela fait deux jours que Jake m'a abandonné chez ses parents et j'ai encore du mal à y croire. Je me suis tant trompé à son sujet... Il n'aimait ni Steven ni les autres, mais il ne vaut pas mieux qu'eux ! Un habit religieux ne saurait faire oublier qui l'on est réellement et de ce qu'il m'a laissé entrevoir, je ne peux que constater que c'est un hypocrite ! J'ai l'impression de m'être tant donné dans une relation qui n'avait en réalité jamais vraiment commencé. Je me sens humiliée. Comment ai-je pu être aussi aveugle ? Tu l'aimais, pensais-je avec amertume. Oui c'est vrai, je l'aimais, mais j'ai bien compris que cet amour n'était qu'à sens unique et que peut-être il n'en valait pas la peine...

Il a appelé. Une fois. C'est Andrew, le majordome qui me l'a dit car je n'étais pas là et depuis plus rien. C'est décidé : je ne veux plus jamais le revoir ! Ce jeu du chaud et froid m'épuise et en ce moment je dois me concentrer sur autre chose que sur un homme qui ne sais pas ce qu'il veut. Je sursaute en constatant que je suis déjà arrivée à la station et sort maladroitement avant que les portes ne se referment. Décidément, je ne suis vraiment pas dans mon état normal. Je marche quelques minutes avant d'arriver devant les locaux de Grant Publishing. Je prends l'ascenseur et arrive au dernier étage. Je me suis à peine annoncé que la secrétaire me fait entrer dans le bureau de Brian.

Il est au téléphone quand il me fait signe de m'asseoir sur la chaise devant lui. C'est la deuxième fois que nous nous rencontrons mais dès le début, une certaine connivence s'est installé entre nous. Il est si avenant et passionné, qu'il m'a été facile d'exprimer mes envies en ce qui concerne le recueil de poésie que je voulais publier. Il est brun, a la petite cinquantaine, avec des yeux d'un bleu profond cachés derrière de petite lunettes aux bordures noires, qui rehaussent son charme indéniable.

Il raccroche rapidement avec son interlocuteur, avant de me sourire généreusement.

— Sais-tu avec qui j'étais au téléphone ? Dit-il amusé.

— Non, mais tu vas me le dire.

— J'étais en ligne avec Carl Spader, le directeur artistique d'Arista Records. Je lui ai envoyé tes poésies quand tu as signé il y a quelques jours et tu sais quoi ? Il pense que tes poèmes feraient de superbes chansons ! Il m'a demandé si tu n'avais jamais pensé à devenir auteur.

— De musique ? Dis-je interloquée.

— Disons, parolière plutôt. Quelques fois, les artistes ont la musique mais ne savent pas bien retranscrire ce qu'ils ressentent. Tu pourrais les aider ?

— Tu as dépassé tes devoirs d'éditeur en envoyant mes poésies sans mon consentement. Dis-je faussement outrée.

— Tu m'en veux ?

— Pas du tout ! En plus j'adore la musique. Ce serait presque irréel d'entendre mes mots chantés par d'autres.

— Surtout que cela serait bénéfique pour ta carrière d'auteur, ça nous ferait une pub inespérée pour ton recueil de poésie. Tu sais que c'est un genre qui se vend très peu en librairie, surtout si on est pas connu.

— Alors pourquoi as-tu voulu me publier ?

— Parce-que j'ai absolument adoré tout ce que j'ai lu et aussi parce-que j'aime les défis ! Dit-il avec détermination. Bien évidemment, les contrats de maisons de disques sont très différents des contrats littéraires. Tu es payé en royalties. Ce qui veut dire que plus une chanson passe en radio, plus tu es rémunérée. Et ce n'est pas parce-que tu proposes une chansons à un artiste qu'il va forcément la choisir comme single. C'est un milieu qui est dur et très directe, pour ne pas dire féroce. Ajoute-t-il pour me mettre en garde.

The Women of the family - Tome 3 : NoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant