Chapitre 1

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Hera n'avait jamais été stupide.

Ça aurait été néanmoins mentir que de dire qu'elle n'était pas perdue. La déesse avait fini par accepter - avec soulagement - qu'elle n'avait effectivement pas été envoyé dans le royaume d'Hadès. Le dieu des Enfers manquait d'imagination et ses punitions étaient souvent répétitives, limitées, dénuée de variations. Le scénario dans lequel elle évoluait en cet instant était trop développé pour être la création de son frère. Néanmoins, après avoir écarté la théorie d'un châtiment éternel au cœur du Tartare, elle ne se voyait pas plus avancée que ça sur sa situation.

Hypnos et ses deux fils Morphée et Epiales s'étaient-ils alliés pour la tourmenter même dans ses songes ? Avait-elle rêvé de sa fuite ? De sa mise à mort ? Ses geôliers avaient-ils décidé de la torturer au sein même de son seul havre de paix ? Elle avait appris à trouver dans le sommeil, un refuge pour lutter contre la faim, ou les émotions déchirantes qui la tourmentaient. Or, en cet instant, elle sentait son ventre se tordre de douleur. Les émotions, les sensations qui l'animaient... c'était comme si elle venait réellement de passer des centaines d'années prisonnière de son père Kronos... Ou dans une cellule, prisonnière de Zeus. Ce qu'elle savait être réel et ce qu'elle pensait n'être qu'un délire de son esprit se confondaient en un amas d'images, illustration imparfaite d'une histoire décousue.

Le doute ne lui fut néanmoins pas permis longtemps. Elle pouvait encore sentir la douleur provoquée par la flèche d'or d'Artémis, lorsque celle-ci s'était fichée dans son cœur. Elle posa inconsciemment sa main à l'emplacement exacte où aurait dû se trouver la blessure. Elle hoqueta de stupeur en sentant sous ses doigts la boursouflure brulante, tiédir. Elle abaissa les yeux et écarta avec empressement le fin tissu de sa toge, révélant pour ses yeux seuls, son sein sur lequel était dessinée une cicatrice d'un rose de plus en plus pâle. Celle-ci ne mit qu'une seconde à disparaitre. Elle avait failli manquer cette preuve qu'elle avait bel et bien été frappée en plein cœur par la Chasseresse.

Si ce n'était pas un rêve alors quoi ? Un fragment de mémoire ? Celui-ci n'était pas très fidèle... Le roi des Titans aurait dû la régurgiter pourtant il gisait là, sans vie, tranché en deux sur toute la longueur, de la gorge au bas ventre. Elle n'aurait su dire si le reste coïncidait ou non avec ses souvenirs puisqu'elle n'avait pas vraiment eu le temps d'observer les paysages alentours la première fois. Kronos, une fois remis de ces nausées, avait immédiatement essayé de dévorer ses enfants. S'en était suivi dix ans de guerre...

Elle fut tirée de ses pensées par la désagréable sensation d'être observée, scrutée, épiée. Elle croisa un regard d'un bleu électrique qu'elle ne reconnut que trop bien et tressaillit de dégout. Le regard des autres n'avait jamais été un problème avant sa captivité. Être reine ne s'alliait que peu avec le concept de vie privée ou encore de solitude. Elle avait toujours été entourée d'une ribambelle de nymphes pour la servir, de courtisans, d'adorateurs, de gardes... Un frisson la parcourut à la pensée de ces hommes en charge de sa sécurité au cours de son règne. À ses mêmes hommes à qui on avait, plus tard, confié la tâche de la garder prisonnière. Dans la sombre et froide cellule, l'attention que ces derniers avaient porté sur elle s'était muée en quelque chose de répugnant. Ils avaient excédé leur tâche. Leurs iris avides et mornes dissimulaient bien mal leurs sombres desseins. Elle ne se souvenait que trop bien de la première fois qu'ils avaient compris qu'il se fichait de ce qu'il adviendrait d'elle. Qu'il n'interviendrait pas s'ils posaient la main sur elle. Qu'elle était trop faible pour les réduire en cendre s'ils la touchaient.

- Héra ?

Elle leva de nouveau les yeux vers lui. Il recula d'un pas, le visage du dieu se tordant un instant en une expression qu'elle n'eut pas le temps de lire puisqu'elle avait été rapidement remplacée par un air aimable, affable. Sa voix était un savant mélange de douceur et de compassion. Il se voulait rassurant. Prévenant.

Oh My Goddess!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant