Oh My Goddess!

Chapitre 24

Héra ne fit pas le moindre pas, elle le laisserait venir à elle. Elle ne s'inclina pas non plus lorsqu'il la rejoignit, allant jusqu'à lui tourner le dos, caressant le museau du dragon de Thèbes. Elle l'entendit s'éclaircir la gorge, un frisson de dégout la parcourant de le sentir aussi proche. La déesse continua de faire courir ses doigts sur les pics du dragon, ses mains rapidement couvertes de sang.

- Tu devrais être prudente... ils sont imprévisibles.

- Je ne pense pas qu'ils soient le plus grand danger pour moi ici, fit-elle remarquer en lui faisant enfin face, un sourire aux lèvres malgré la discourtoisie de ses paroles.

- Personne n'oserait s'attaquer à toi ici, tu es ma... sœur.

- Nous verrons cela, répondit-elle avec nonchalance.

- Je suis content que tu te sois décidée à venir...

- La dernière invitation était... difficile à ignorer.

Elle s'en voulut de ne pas réussir à parler de Lygia sans perdre son impassibilité. Elle se tourna vers les dragons afin de dissimuler au mieux le tumulte qui l'agitait à son interlocuteur. Elle les congédia d'un simple signe de main et trouva un peu de réconfort dans leur magnificence.

- J'étais seulement inquiet.

- Inquiet, pouffa-t-elle.

- Tu avais été kidnappé. Je ne pouvais pas ne rien faire.

Il avait donc décidé d'adopter le rôle du frère aimant. Fort bien, elle serait la sœur ingrate. Combien de temps avant qu'il ne se lasse de son caractère orageux ? Il ne lui avait fallu que bien peu de temps la première fois.

- Je me suis libérée toute seule, dit-elle en nouant une mèche de ses cheveux autour de son doigt. Où est la récompense promise ? J'ai entendu dire que la somme était scandaleusement élevée.

- Je...

Il semblait déstabilisé mais parvint à se reprendre rapidement. Pas assez pour que les rapaces de la cour d'Olympe ne le remarquent pas. Ici, le moindre signe de faiblesse était exploité et elle comptait bien le rendre aussi vulnérable que possible avant de lui porter le coup fatal.

- Elle te sera versée dans son intégralité bien sûr. À supposer que tu te sois libérée toute seule s'entend. J'ai hâte que tu me contes ce récit.

Héra grimaça légèrement puisque techniquement, Hadès était celui qui l'avait soutiré à l'emprise d'Hécate. Il avait l'air au courant de ce détail. Ou peut-être qu'il bluffait. Hadès n'avait pas pu la trahir. Pas sans admettre qu'il l'avait lui-même laissé partir. Zeus avait-il des espions aux Enfers. Il ne pourrait pas les mentionner sans créer un incident diplomatique... Elle décida de ne pas reculer.

- Je ne peux pas en parler. Je veux oublier ces moments difficiles.

Elle poussa le vice jusqu'à faire trembler sa voix d'émotion, cachant son visage entre ses mains. Une clameur attendrie s'éleva de la foule.

- Je suis désolé, dit-il sans l'être. C'était insensible de ma part de t'en demander autant. Tu dois être épuisée, laisse-moi te conduire à tes appartements.

Il lui tendit la main et elle l'ignora consciencieusement. Il ne sembla pas s'en offusquer, ouvrant la marche. Aux prémices de leur relation, elle avait adoré marcher derrière lui. Elle avait aimé la manière dont ses boucles noires tombaient sur sa nuque. Il lui était arrivé de tendre la main pour effleurer les muscles saillants de son dos. Une fois hors de vue, elle avait bien souvent sauté sur celui-ci, enroulé ses bras autour de son cou, ses jambes autour de sa taille et parsemé sa joue de baisers. Mais avec le temps et à mesure que leur relation s'était détériorée, elle n'avait plus trouvé quoi que ce soit d'agréable à cette position de « seconde ». Elle avait voulu ouvrir son crâne à coups de hache pour comprendre comment il réfléchissait ou si même il lui arrivait de penser tout court. Combien de fois avait-elle voulu lui planter un couteau en plein cœur par derrière, le voir tomber en avant face contre terre et lui marcher dessus pour ne plus avoir à suivre ses pas. Il ne la regardait jamais...

- Héra.

Elle croisa son regard azur, surprise de se voir contredire. C'était bien la première fois qu'il se tournait pour l'attendre. Pire il rebroussa chemin pour revenir à sa hauteur et marcher à côté d'elle.

- Je suis désolé, j'ai tendance à marcher un peu trop vite.

Et voilà qu'il s'excusait. Est-ce qu'il avait trouvé le moyen de lire dans les pensées ? Est-ce qu'il savait en cet instant qu'elle voulait le tuer. Si c'était le cas, il n'en laissait rien transparaitre. Qu'est-ce qu'il lui voulait ? Elle ne répondit rien reprenant sa marche, ne pouvant s'empêcher de baiser les yeux vers leurs pieds qui se levaient et se posaient en même temps.

- Je ne savais pas que tu viendrais aujourd'hui...

- Je peux repartir.

- Non ! s'exclama-t-il en lui barrant la route avant de sourire de nouveau. Non... bien sûr que non, je ne suis pas entrain de dire que ta présence n'est pas désirée.

- Tu as l'air de dire que je tombe au mauvais moment, répliqua-t-elle impitoyable.

- Ce n'est pas ça, j'aurais juste aimé organiser quelque chose pour célébrer ton arrivée...

- Je n'ai pas besoin de ça.

- De quoi as-tu besoin alors ? demanda-t-il en ouvrant la porte menant à la suite qu'on lui avait attribuée.

- De solitude, asséna-t-elle en passant devant lui, le poussant du bout du doigt, l'obligeant à reculer avant de claquer la porte.

Elle ouvrit la porte de nouveau et il était toujours planté là, les bras bringuebalants. Son visage s'illumina d'espoir, peut être celui de la voir changer d'avis.

- N'oublie pas ma récompense, dit-elle avant de reclaquer la porte.

***

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