Chapitre 9

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À peine quelques heures après le naufrage, le mythe s'était répandu comme une trainée de poudre. Les sirènes avaient passé le mot aux naïades, les marins aux marchands, les prêtres des temples aux femmes et aux enfants, du paysan au roi. Nul n'ignorait ce qui s'était passé. Le phénomène était étrange, inexplicable. C'était comme si l'histoire avait de tout temps été contée, alors même qu'elle avait eu lieu la veille. La légende racontait que des marins s'étaient aventurés en mer malgré des auspices défavorables. Poseidon, roi des océans, pour les punir de leur témérité leur avait envoyé un terrible monstre aux mille yeux et tentacules, au corps aussi vaste qu'une île et même un continent. Le Kraken - Léviathan ou Mégalodon, nul ne parvenait à se mettre d'accord - avait détruit le navire et dévoré la plupart des pêcheurs. Une des sœurs de Poseidon était alors apparue. Certain disaient qu'il s'agissait d'Hestia, d'autres affirmaient qu'il s'agissait d'Hera. Elle était parvenue à apaiser la colère du dieu et du monstre. On disait que sa beauté et sa voix irrésistibles avaient conquis sans effort la bête et le monarque.

Hera était furieuse. Premièrement les auspices étaient favorables et Poseidon n'avait rien envoyé du tout. Mille yeux ? Mille tentacules ? La pauvre créature avait une paire d'yeux et à peine huit bras. Elle avait attaqué le navire parce qu'elle avait senti le poisson dans la cale de celui-ci. Comment pouvaient-ils la confondre avec Hestia ? Beauté et voix irrésistible ? Dans quelques jours, ils affirmeraient que c'était Aphrodite qui était intervenue ! Conquis sans efforts ? Elle avait manqué d'être noyée plus d'une dizaine de fois avant de parvenir à contrôler le Kraken. Pour ce qui était de Poseidon, il n'avait pas lever le petit doigt pour l'aider. Elle inspira. Elle devait voir le bon côté des choses. Si l'histoire avait été précise, en accord avec la réalité, alors un certain roi des dieux aurait mis la main sur elle avec une facilité enfantine. L'incertitude, les variations, les erreurs la protégeaient. Janus, semblait dissocier complètement ce qui lui était arrivé et l'histoire qui circulait dans tout le pays. C'était à n'y rien comprendre. Mais encore une fois, elle ne pouvait s'en plaindre puisque nul ne pourrait remonter jusqu'à elle, pas même les quelques témoins qui avaient survécu.

D'autres changements avaient bouleversé son quotidien de manière plutôt positive. Le premier était qu'elle s'était mise à entendre les prières des mortels. Cela restait une occurrence plutôt qu'un événement récurrent mais il s'agissait tout de même d'un changement important dans son quotidien. Les mortels l'invoquaient lorsqu'il se retrouvait face à un dieu ou une déesse en colère ou encore lorsqu'ils faisaient face à un « monstre ». Elle ignorait consciencieusement les appels à l'aide qui concernaient une divinité mais elle répondait à l'appel pour ce qui était des créatures mythologiques. Que ce soit un griffon, une gorgone ou un cyclope, tous l'écoutaient. Elle les assistait lorsque leurs attaques étaient motivées par une raison légitime mais la plupart du temps elle les détournait de leurs victimes.

Le second changement, non moins notable, était qu'à son nom s'était ajouté un titre. Elle n'était plus simplement Hera, elle était Hera la mère des monstres. La déesse des monstres. Elle aimait cela... se sentir puissante. C'était avec assurance qu'elle avait abandonné le sable blanc de la plage, pour plonger dans les eaux claires de l'océan et rejoindre Poseidon. Elle ne pouvait pas respirer sous l'eau mais elle pouvait ne pas respirer sans en mourir. Ça restait un exercice compliqué pour elle, mais c'était suffisant pour qu'elle rejoigne Atlantis. Il s'agissait de la capitale sous-marine du royaume de Poseidon. Une partie était immergée et l'autre bénéficiait d'une sorte de dôme d'air où elle put retrouver l'usage de ses poumons et de ses voies respiratoires.

Il lui coutait de l'admettre mais la ville sous-marine était de toute beauté. Autrefois Hera s'était enorgueillie de sa belle Olympe mais aujourd'hui elle pouvait se montrer plus objective. Elle maintenait que la capitale des cieux était une merveille architecturale mais Atlantis l'égalait en tout point à l'exception peut-être de la vue. Le palais de Poseidon s'élevait si haut qu'on aurait pu croire qu'il frôlait la surface. Le marbre blanc était coloré de bleu, de rouge et de violet puisqu'il reflétait les coraux multicolores. Les rues étaient pleines de vie sans pour autant être bondées, y déambulait était donc agréable. Elle aurait presque pu oublier que sa présence en ces lieux était contrainte.

- Tu es venu, lâcha Poseidon sans tenter de dissimuler sa surprise.

- Tu dis ça comme si j'avais eu le choix.

- On a toujours le choix, répliqua-t-il en réduisant le distance entre eux.

- Je peux partir alors, dit-elle sur un ton sarcastique, feignant à merveille l'enthousiasme.

- Bien sûr ! répondit-il sur le même ton. J'espère que ton petit village a prévu des digues, le risque de cru s'est soudainement accru.

Elle leva les yeux au ciel sans prendre la peine de répondre, se contentant de glisser prendre le bras qu'il lui tendait galamment comme s'il ne venait pas de menacer d'éradiquer une population entière si elle se risquait à le contrarier. Elle n'avait passé que très peu de temps dans la cité sous-marine par le passé, elle ne connaissait que très peu des membres de la Cour de Poseidon et était quelque peu rassuré à l'idée de ne croiser personne de son ancien entourage. Elle avait crié victoire un peu trop tôt puisqu'au détour d'une rue apparue une certaine Néréide qu'Hera n'avait jamais porté dans son cœur.

- Amphitrite... marmonna-t-elle dans sa barbe.

Poseidon avait suivi aveuglément Zeus lorsqu'il s'était agi de la destituer dans sa vie antérieure mais son épouse, Amphitrite, avait participer activement à sa descente aux Enfers. Hera ne pouvait oublier la haine et le ressentiment que cultivait la reine des océans à son égard. La déesse n'était pas complètement innocente, leur animosité ayant toujours été mutuelle. La jolie rousse n'était pas certaine qu'elle n'aurait pas agi exactement de la même manière si leurs situations avaient été inversées.

- Hera, la salua la sournoise jeune femme.

Elle s'accrocha à son bras avec un sourire qui ne présageait rien de bon, tirant d'un coup sec pour la détacher du dieu.

- Poseidon ne parle que de toi, dit-elle sans essayer de cacher le reproche dans sa voix.

- Amusant. Il ne t'a pas mentionné une seule fois, répondit Hera en se dégageant de l'emprise de la déesse.

- Hera je te présente Amphitrite, une néréide. Amphitrite, ma sœur, Hera.

Hera se rendit compte que Poseidon n'était pas encore marié avec la petite peste. Elle aurait pu sauter de joie mais se contint tant bien que mal. Elle n'avait jamais pris le temps de s'intéresser à la vie amoureuse de Poseidon. Elle savait que tout comme Zeus, il était volage. Cela aurait pu rapprocher les deux jeunes femmes mais Amphitrite, contrairement à elle, n'éprouvait aucune affection pour son époux. Elle aimait être reine et elle se fichait pas mal des maitresses qu'il collectionnait. Hera ne put s'empêcher de serrer les poings en se souvenant du nombre de fois où Zeus lui avait demandé d'être un peu plus compréhensive. Comme Amphitrite.

- Amphitrite est capable de contrôler les monstres. Mais c'est limité aux monstres marins. Et elle n'a pas autant d'aisance.

La Néréide grimaça sous la critique et Hera afficha un sourire satisfait. Elle aimait le fait d'être supérieur à sa némésis que ce soit dans cette vie ou la précédente. Poseidon glissa une main dans la sienne et elle se laissa faire dans l'unique but d'agacer la jeune femme.

- Je suis certaine que Zeus va être ravi d'apprendre que tu as retrouvé votre précieuse sœur, susurra la petite blonde en posant ses yeux saphir sur elle.

- Zeus ne doit pas savoir qu'Hera est ici, répondit Poseidon.

- Intéressant...

Hera sentit la panique la gagner. Poseidon ne pouvait pas décemment croire qu'Amphitrite allait lui obéir. C'était évident qu'elle comptait informer le roi des dieux de sa présence. Elle lança un regard au roi des océans qui n'avait semble-t-il, rien remarqué. Imbécile.

***

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À bientôt pour un nouveau chapitre !

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