Chapitre 14

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Héra fit semblant d'être souffrante le lendemain et le jour suivant. Elle aurait pu continuer sur sa lancée si Poséidon n'y avait pas mis un terme. Le dieu avait débarqué dans sa chambre en se plaignant ne pas pouvoir tenir Zeus plus longtemps à distance. Il était à court de symptômes à inventer. Elle n'était pas une mortelle mais une déesse. Rien ne pouvait la tenir alité aussi longtemps. La jeune femme n'avait pas eu le choix d'admettre que son absence commençait à être suspecte. Elle se laissa donc apprêter par les nymphes, laissant le soin à Aréthuse de la coiffer pour la remercier de ses... précieuses confidences. En à peine quelques heures, Héra avait collecté toutes les informations dont elle avait besoin, même si certaines semblaient moins crédibles que d'autres.

Chaos était toujours son arrière-grand-père. Gaïa et Ouranos étaient toujours ses grands-parents. Kronos et Rhéa étaient toujours ses parents. Sa mère avait bien réussi à dissimuler à son glouton de mari l'existence de Zeus. Il avala la pierre sans se rendre compte de la supercherie pendant que son épouse emportait l'enfant afin qu'il soit élevé dans le plus grand secret par Gaïa.

Les choses commençaient à différer des souvenirs d'Héra à partir de là. Zeus n'avait pas fait de Métis son alliée. Elle n'avait pas concocté pour lui la potion donnée à Kronos afin que celui-ci régurgite la pierre et sa progéniture. Il était directement allé voir ses « cousins » les cyclopes. Ces derniers avaient forgé pour lui son éclair. Celui qu'il aurait dû obtenir lors de son face à face avec Typhon, bien après la guerre contre les titans, bien après celle contre les géants. Il utilisa celui-ci pour asservir Typhon, vaincre les géants et les rallier à son armée. Il s'était ensuite lancé à l'assaut des titans. Il tua leur père, le tranchant sur toute la longueur et les libéra de ses entrailles. Elle s'était alors enfuie aussi loin que possible. Zeus avait divisé le monde entre ses frères et sœurs et lui, alors que ces derniers ne lui avaient pas le moins du monde été utiles. Sans rien leur demander en échange. Il avait fait construire son palais au sommet du mont Olympe. Métis n'était pas son épouse mais l'une de ses conseillères. Le roi des dieux n'avait pas encore eu d'épouse et on ne lui connaissait aucune maîtresse ou enfants cachés, que ce soit parmi les divinités ou les mortels.

- Héra, tu es prête ? lui demanda Poséidon en entrant dans sa chambre, la tirant de ses pensées.

Elle se leva et le vit écarquiller les yeux visiblement sous le charme. Les nymphes avaient fait du bon travail. Un peu trop. Ce n'était pas l'idéal pour passer inaperçu. Elle se tourna vers son miroir et tendit la main vers ses cheveux pour se décoiffer mais elle fut arrêtée dans son mouvement par Poséidon qui se saisit de celle-ci.

- Qu'est-ce que tu fais ? Tu es parfaite !

- Justement, répliqua-t-elle agacée.

- Comme si te décoiffer allait te rendre moins désirable, pouffa-t-il. Même couverte de boue, tu es une déesse Héra.

Elle soupira. Elle ne pouvait pas nier que ses paroles avaient du sens. Elle se laissa donc entrainer, laissant sa main dans la sienne. Elle était étonnée de le voir jouer la comédie avec elle sans poser de questions. Il se sentait surement coupable de l'avoir mise dans cette situation. Ou peut-être qu'il se fichait de tout. Cette dernière option lui ressemblait davantage. Il n'était pas dans les habitudes de son frère de se sentir coupable. Un trait de personnalité qu'il partageait avec le personnage principal de la soirée : Zeus.

Elle l'aperçut entouré de quelques déesses et dieux de la Cour de Poséidon. Ses boucles noires tombaient sur ses yeux d'un bleu gris inimitable. Son sourire était à la fois aimable, chaleureux et charmeur. Son audience était conquise comme toujours. C'était la seule différence notable avec Kronos. Sa tyrannie était plus douce, plus sournoise. Il donnait l'impression que l'idée émanait de la personne alors qu'il était celui qui y gagnait le plus. Son bonheur était si sincère qu'il était difficile de ne pas remuer ciel et terre pour obtenir et lui fournir ce qu'il désirait. Ses colères étaient si impressionnantes et dévastatrices qu'elles pouvaient revêtir une apparence légitime. Contrairement à ses frères et sœurs, il n'avait pas été brisé par des siècles d'emprisonnement. Grandir à l'intérieur de Kronos privé de tout n'avait pas été une partie de plaisir et ce n'était pas une chose qu'il pouvait comprendre. Il avait été le petit prince de Rhéa, celui qu'elle avait sauvé. Il n'avait pas flotté sans espoir avec pour seule chaleur celle des cinq autres. Nul doute que si ça avait été le cas, il ne lui aurait pas fait subir cela lorsqu'il l'avait destitué. Elle n'osait imaginer l'enfer qu'avait du vivre Hestia qui avait été la première. Ça expliquait qu'elle soit... ce qu'elle était. Lorsque ça avait été son tour, Demeter avait été là pour l'accueillir. Elle l'avait serré dans ses bras et séché ses larmes.

- Il a toujours l'air si... immaculé, lâcha-t-elle avec amertume.

- C'est agaçant mais je suis heureux qu'il ne soit pas passé par la même chose.

- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il a de plus que nous ?

- Il est l'enfant de la prophétie. Celui destiné à nous sauver. Et il l'a fait.

- Tout comme Kronos pour Ouranos, lui rappela-t-elle.

- Kronos était un monstre. Zeus ne dévore pas sa famille.

- Pour l'instant.

- Pourquoi est-ce que tu le détestes autant. Tu ne le connais même pas.

- Pourquoi tu l'aimes autant. Tu ne le connais pas non plus.

Elle l'abandonna refusant de poursuivre cette conversation plus longtemps. Poséidon était irrécupérable. Il suivrait toujours Zeus aveuglément. Elle décida de sortir prendre « l'air » dans les jardins du palais. La mer semblait agitée au-dessus du dôme. Elle avait donc réussi à mettre en colère le pacifiste Poséidon. Un sourire satisfait s'étira sur ses lèvres, elle ne serait pas la seule à ne pas être d'humeur à faire la fête.

- La fête n'est pas à ton goût ?

Elle n'avait pas à se retourner pour reconnaitre sa voix. C'était la première qu'elle se retrouvait seule avec lui et elle ne savait pas comment réagir. Elle toucha l'un des buissons de corail, concentrant son attention sur les couleurs rouge orangé de celui-ci.

- Je voulais juste être seule.

Elle espérait qu'il comprendrait le message et la laisserait tranquille.

- Je pensais que tu aimerais... être entourée de ta famille.

- Je me méfie de ma famille. Ma mère a laissé mon père me dévorer.

- Je t'ai sauvé.

- Je ne t'ai rien demandé.

- Tu aurais préféré rester là-dedans ?

- Qu'est-ce qui me dit que je n'ai pas échangé une prison contre une autre ? demanda-t-elle en désignant le dôme encore électrifié.

- Je veux juste apprendre à te connaitre.

- Pourquoi faire ?

- J'ai donné la terre et la nature à Demeter, les océans, les mers, les rivières à Poséidon, les enfers et les richesses souterraines à Hadès... tu ne veux rien ?

- Non. Hestia n'a rien demandé que je sache. Considère que tout comme elle, je ne veux rien.

- Elle est plus brisée que toi. Que les autres. Elle ne peut pas régner sur quoi que ce soit.

- Je ne veux pas être reine.

Elle avait soudain extrêmement froid. Elle ne voulait pas être là. Elle ne voulait pas lui parler.

- Je t'ai réservé les cieux. Je me suis dit que ça te plairait. Si tu voyais Olympe, je suis sûr que...

- Je n'en veux pas, hurla-t-elle en se tournant vers lui.

Elle ne se rendit compte que trop tard qu'elle venait de hurler sur le roi des dieux.

***

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À bientôt pour un nouveau chapitre !

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