Chapitre 5

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Le retour à la civilisation avait été plus rude que prévu. Hera s'était surprise à apprécier plus qu'elle ne le pensait la solitude. Cette dernière loin d'être négative, était un apaisement pour les sens et l'esprit. Dans la nature, il n'y avait pas de véritable silence. Les feuilles des arbres frémissaient dans un murmure aux accents réconfortants. Les habitants à quatre pattes étaient des voisins discrets. Leur timidité leur conférait des qualités telle qu'une politesse farouche et une discrétion à toute épreuves. L'espace de chacun était préservé. Jalousement gardés, les secrets le demeuraient. De la cache de cet écureuil, au terrier des lièvres, jusqu'à la tanière de l'ours. Le danger rodait mais il n'était pas vil. Nulle malice dans le cycle de la vie.

Les mortels étaient différents. Moins purs. Moins justes. À l'image de leurs dieux, pensa Hera en observant de sa fenêtre, la foule de badauds qui se pressait dans la ruelle sinueuse. Les enfants jouaient à s'attraper, indifférent au vieil homme qui mendiait à quelques pas de là. Le bonheur et le malheur se côtoyaient, s'ignoraient comme deux amants qui n'en étaient plus. Elle ne regrettait pas d'avoir suivi Janus puisque le soir même, la rumeur d'une forêt réduite à néant par un orage s'était dispersée comme de la poudre. Le mortel lui avait lancé un regard appuyé comme s'il avait su que cela n'était pas sans lien avec elle. Il n'avait néanmoins posé aucune question, craignant de l'effaroucher et la voir disparaitre. La mère et la sœur n'avaient pas semblé étonnée de la voir arriver. Chaleureuses était l'adjectif qui décrivait le mieux les deux femmes. Après quelques semaines, Hera s'était surprise à apprécier les journées en leur compagnie.

Eleni se levait à l'aube pour préparer le pain que sa fille vendrait plus tard dans la matinée au marché. La déesse qui peinait encore à trouver le sommeil l'aidait dans sa tâche, pétrissant la pâte pour soulager la vieille femme qui n'avait plus autant de force qu'autrefois. Elle accompagnait ensuite Méline jusqu'à la grande place de Lygia où les commerçants installaient leur échoppe colorée. La déesse aimait cette effervescence contenue qui n'éclatait qu'à l'arrivée des premiers clients. Les voix s'élevaient alors de toutes parts, plongeant les passants dans le doute et le désarroi. L'espace de quelques secondes ils ne savaient plus où donner de la tête jusqu'à ce qu'ils trouvent ce qu'ils cherchaient... ou plutôt ce qu'ils ne cherchaient pas.

Le soleil de midi signifiait le retour au port des pécheurs. Janus recevait une bien maigre somme en échange de son labeur. À la différence de ses homologues, il semblait ne pas être avide de richesses, se contentant toujours de peu. Hera se prenait à le lui reprocher lorsqu'ils remontaient ensemble vers la petite maison. Meline n'intervenait que peu, acquiesçant aux paroles de la jolie rousse. À la nuit tombée, ils se retrouvaient autour d'un petit festin, peu copieux mais toujours succulent. Les talents de cuisinière d'Eleni n'étaient plus à prouver et Hera savait son palais conquit.

Elle partageait la chambre de Méline qui se faisait un devoir de tresser sa longue chevelure, s'extasiant sur la couleur aussi rare que vibrante des mèches de feu de son invitée. Tout comme son frère, elle n'avait posé aucune question sur ses origines ou son passé. Elle n'était pas réticente à s'ouvrir sur sa propre personne lorsqu'elles inversaient les rôles, Hera brossant avec douceur la chevelure de son hôte.

- Mon père est parti en mer il y a de cela dix ans. Il n'est jamais revenu. Ma mère aimerait que Janus ne s'y aventure pas mais à Lygia, si on n'est pas pécheur, on est mendiant. Elle a réussi à lui faire promettre de ne prendre la mer que lorsque le soleil brille.

- C'est plus sage.

- Avant qu'il ne te rencontre, il lui désobéissait souvent. Grâce à toi, il espère la tempête.

Hera ne comprenait que trop bien le sens des paroles de la jeune femme. Janus n'était pas très discret quant à ses sentiments pour elle. Ses yeux étaient emplis d'un amour qu'elle avait elle-même éprouvé un jour et qu'elle craignait désormais. Son cœur était fermé à jamais. Le rideau qui servait de porte à leur chambre se souleva pour laisser apparaitre Eleni qui tremblait comme une feuille.

- Mère, s'écria Méline en se précipitant vers la vieille femme suivie par Hera qui s'arrêta dans son élan en voyant apparaitre derrière celle-ci, un homme à la haute stature.

- Je savais qu'on se reverrait ma très chère sœur.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais qu'on avait un accord.

- Je te ramenais simplement ce que tu avais perdu, répondit le jeune dieu en lui tendant le peigne.

- Qu'est-ce que tu lui as fait ? gronda-t-elle en s'interposant entre les mortelles et lui, attrapant le peigne et le serrant contre son cœur qui tambourinait de peur dans sa poitrine.

- Je n'aime pas le mensonge. Elle affirmait que tu n'étais pas ici.

- Ça ne répond pas à la question.

- Je lui ai rappelé que tout comme j'avais pris son époux, je pouvais prendre son fils.

La déesse remarqua soudain l'absence de Janus, la panique la gagnant sans qu'elle ne l'exprime pour autant. Son visage conservait une impassibilité de mise.

- Qu'est-ce que tu me veux ?

- Rien si ce n'est apprendre à te connaitre.

- Et si je n'en ai pas envie, rétorqua-t-elle en relevant légèrement le menton, plissant le nez en une expression de parfait mépris.

- Je serais blessé. Ou peut-être que c'est Janus qui serait blessé. Un malencontreux accident bien sûr. Ces mortels sont si fragiles.

- Où est-il ?

- D'abord, allons-nous promener.

Méline sembla vouloir intervenir mais Eleni la retint. Hera ne pouvait pas le lui reprocher. Elle connaissait la force de l'instinct maternel. Rien ne comptait plus que ses enfants... encore moins une inconnue ramassée dans les bois et qui avait apporté dans son sillon le malheur et la destruction.

- Comment refuser une si charmante menace, lâcha-t-elle sans desserrer les dents, attrapant le bras de son frère qui l'entraina à l'extérieur.

La déesse ne comprenait pas ce qui avait poussé Poseidon à quitter son domaine. Le dieu avait certes toujours été aventurier, joueur et curieux mais elle ne pensait pas susciter chez lui un tel intérêt. Ce qui l'inquiétait néanmoins était le comment plutôt que le pourquoi. Si le dieu l'avait retrouvé alors d'autres le pouvait également. Un autre plus précisément.

***

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À bientôt pour un nouveau chapitre !

Oh My Goddess!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant