Chapitre 7

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Hera se réveillait toujours aux aurores. Ce n'était plus pour aider Eleni, mais pour partir en quête de sa voie. Elle n'accompagnait plus Méline au marché préférant déambuler seule dans les rues et la nature environnante. Ce qui s'était mis en place naturellement par le passé semblait une tâche impossible. Zeus l'avait choisi pour reine, pour épouse, et plus tard elle était devenue mère. Ses titres avaient été acquis, endossés à mesure qu'elle avançait. Dans cette vie, elle s'était tant et si bien évertuée à éviter qui elle avait été qu'elle n'était plus rien.

Elle s'était efforcée de se tourner vers le monde sans trouver de réponse. Elle n'avait jamais eu d'affinités particulières avec la nature ou les éléments. Le soleil, les arbres, le vent, rien ne semblait la concerner personnellement. Elle avait été capable de contrôler l'éclair du roi des dieux mais ce n'était dû qu'à leur lien qui aujourd'hui n'était plus. Elle avait ensuite porter son attention sur les mortels. Encore une fois rien de transcendant ne se produisit. Elle ne s'était jamais sentie proche d'eux et contrairement aux autres dieux, elle ne les avait jamais véritablement aimés. Elle ne les méprisait certes plus mais on était bien loin d'une affection réelle. Il ne restait plus que leurs différentes activités, la philosophie, les arts, la médecine... Mais encore une fois il s'agissait d'une impasse. Être meilleure que les mortels dans un domaine n'était pas bien compliqué mais il fallait également être la plus talentueuse parmi les dieux. Ce n'était pas son cas.

À mesure que les jours passaient, elle se sentait gagner par l'impatience. Elle ne faisait pas cela uniquement par obligation, elle voulait savoir qui elle était, pourquoi elle existait, quelle était sa fonction. Son existence n'avait plus aucun sens. À l'image des mortels, elle était comme condamnée à n'avoir pour objectif que la satisfaction de ses besoins afin de survivre. Pire, elle n'avait aucune passion, rien qui ne lui donne goût à la vie.

- Est-ce que tu aimes être un pêcheur ? demanda-t-elle à Janus qui l'avait rejoint sur le toit où elle s'était installée pour observer le ciel étoilé.

- Pas vraiment, mais c'est ce qui me permet de manger, répondit-il en haussant les épaules.

- Alors tu aimes manger.

- Je ne suis pas aussi gourmand que toi mais oui, j'aime manger. Comme tout le monde je suppose.

- Qu'est-ce que tu fais différemment de tous les autres alors ? Qu'est-ce qui te rends spécial ?

- Je... je ne sais pas, répondit-il déstabilisé. C'est difficile de répondre pour soi à cette question.

Elle réfléchit à ces paroles. Était-ce les autres qui nous définissait ? Elle n'aimait pas cette idée. Elle aimait avoir le contrôle. Le choix. Ça ne répondait pas à sa question mais c'était une piste comme une autre...

- Qu'est-ce qui me rends spécial à tes yeux ? lui demanda-t-il, chuchotant presque, évitant son regard, ses oreilles se teintant de rouge.

- Tu n'abandonnes pas les gens. Tu les aides. On peut compter sur toi. Si tu étais un dieu tu serais celui de la ténacité et du soutien.

- De quoi est-ce que tu voudrais être la déesse ?

Encore une fois elle fut surprise par les paroles du jeune homme puisqu'il la poussait à aborder le problème sous un autre angle. Quelle était sa volonté ? Qu'est-ce qu'elle aimait. Immédiatement les animaux de la forêt s'insinuèrent dans son esprit. Ce n'était pas encore la réponse qu'elle attendait mais c'était une progression immense après avoir piétiner pendant aussi longtemps.

- Merci ! s'exclama-t-elle, applaudissant presque de joie, ne se rendant pas compte qu'elle n'avait pas répondu à la question du jeune homme.

- De rien je suppose, répondit-il en riant.

Elle s'était mise à passer du temps avec la faune locale. Cela ne n'était pas révélé franchement concluant. Elle sentait un lien mais elle avait l'impression que sa présence était écrasante pour les pauvres créatures. Comme si elle trichait. Comme si c'était trop simple. Encore une fois, ce n'était pas pour autant qu'elle n'était pas sur la bonne piste. Elle avait l'impression de n'être qu'à quelque pas de la réponse tant attendue qu'un voile l'empêchait d'y accéder. C'était excitant, exaltant mais aussi incroyablement frustrant.

Janus était toujours aussi perceptif et remarqua que quelque chose la tracassait. Il ne la poussa pas à en parler, toujours aussi respectueux de ce qu'elle souhaitait ou non exprimer. Il n'était pas pour autant passif puisqu'il lui proposa de changer un peu d'air et de l'accompagner en mer. Elle hésita mais n'avait pas vraiment de raison de refuser. Le seul progrès qu'elle avait fait était qu'elle s'était rendue compte que plus l'animal était imposant plus elle se rapprochait du « but ». Ce n'était pas vraiment le bon mot mais c'était le seul qui se rapprochait de ce qu'elle voulait dire. Une approximation de langage pour une approximation de solution. Peut-être qu'elle pourrait essayer sur une baleine si elle avait la chance d'en croiser une. Est-ce qu'elle était la déesse des « gros animaux » ? C'était moins claquant que déesse de la famille et du mariage mais c'était toujours ça. Il lui restait peu de temps avant de devoir rejoindre Poseidon. À peine quelques jours. Mais elle avait besoin de se détendre. Elle accepta donc.

Le bateau était laid. Elle ne s'en plaignit néanmoins pas puisqu'il s'agissait d'une embarcation de pêche et pas d'un navire de guerre ou de plaisance. Le but n'était pas d'impressionner. La priorité n'était pas le confort. Il flottait sur l'eau et possédait une cale assez vaste pour accueillir le poisson. L'odeur n'était pas si désagréable une fois en haute mer et pendant que les hommes s'activaient sur le pont, elle se pencha pour avoir un meilleur aperçu des dauphins qui bondissaient en poussant des cris de bonheur.

Tout comme le cerf ou l'ours qu'elle avait rencontré la veille, elle était capable d'entendre leurs pensées, de comprendre leur émotion, leur but, leur crainte. Elle était capable si elle le voulait de les faire sauter plus haut, de les faire aller plus vite et ceux, sans même lever le petit doigt. Alors qu'elle se sentait replisser vers une humeur plus sombre à la pensée de ne rien trouver de plus ici que sur la terre ferme, le bateau fut ébranlé par une puissante secousse. C'était comme s'il avait touché des récifs. Elle s'agrippa à la rambarde en lançant un regard vers les vagues. Elle écarquilla les yeux en voyant sortir de celle-ci un gigantesque tentacule.

- Un Kraken ! hurla un marin provoquant la panique sur le pont.

***

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À bientôt pour un nouveau chapitre !

Oh My Goddess!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant