Chapitre 31

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Héra ne laissa éclater sa colère qu'une fois seule dans ses appartements. Elle avait dû afficher un sourire sincère tout au long des festivités. Jour et nuit, elle s'était efforcée de festoyer aux côtés de ses sujets fraichement acquis sans laisser paraitre la moindre émotion négative. Elle était la nouvelle souveraine des cieux, courtisée par Zeus qui ne l'avait presque pas quitté, comme s'il avait craint qu'elle ne disparaisse, emportant avec elle la puissance qui lui avait été confié et qu'il convoitait. Combien de fois avait-elle du danser avec lui, virevoltant dans ses bras, pressée contre lui, leurs iris se défiant silencieusement tandis que leurs lèvres laissaient échapper des mots aussi plaisants que mensongers ?

La déesse avait bien tenté de s'échapper mais les dieux et déesses de l'Olympe l'entrainaient, encore et encore, inlassablement dans leur célébration. Lui rappelant qu'elle était l'objet de leur amour, la raison de leur existence, la source de leur adoration. Celle qu'elle avait été autrefois se serait réjouie de leurs douces paroles. Celle qu'elle était devenue n'avait que trop bien conscience de la superficialité de leur déclaration. Ces promesses de dévotion éternelle, elle les avait vu les servir à une autre lorsqu'elle avait perdu les faveurs de Zeus.

À l'aube du treizième jour, certains invités étaient retournés à leur tâche. Petit à petit, le palais s'était vidé. Héra avait sauté sur l'occasion pour se retirer elle aussi. Loin des yeux, elle avait cédé à ses pulsions les plus primaires, brisant tout ce qui s'était trouvé à portée de main. Sa seule satisfaction avait été de voir chacune des coupures, infligée par les débris de vases et autres bibelots, se refermer immédiatement et sans aucune douleur. Elle se laissa tomber au milieu des oreillers sur le balcon, inspirant et expirant profondément. La déesse ne pouvait se permettre ce genre d'éclat. Elle agita l'une des clochettes disposées non loin de là et servant à sommer les nymphes à son service.

Quatre d'entre elles firent leur entrée. Seule l'une des trois conserva une expression impassible devant le champ de bataille étalé devant elle.

- Astéria, approche.

Anthée, Méthone, Pallène s'attelèrent à la tâche sans demander leur reste, tandis que celle qui personnifiait la nuit étoilée s'approchait de la souveraine sans piper mot. Contrairement à sa sœur Léto, la fille de Céos et Phébé était modeste et respectueuse. Elle fixait ostensiblement le sol. Ses cheveux étaient noirs au premier regard, mais la lumière laissait apparaitre des reflets bleu sombre. Le même bleu que celui d'une galaxie éloignée aux étoiles trop jeunes pour l'illuminer complètement.

- Ma reine, je... commença-t-elle.

- Tu n'as rien à craindre. Je ne t'ai pas fait venir ici pour te punir. Tu sais ce que tu as à faire n'est-ce pas ? Et assures-toi qu'elles tiennent leurs langues, ajouta-t-elle en désignant les trois comparses.

- Oui ma reine.

La jolie nymphe recula en s'inclinant avec respect.

- Astéria.

- Oui ma reine ?

- Ta sœur... travaille-t-elle également au palais ?

- Non ma reine. Léto est restée avec père et mère à Kos.

- Pourquoi ?

- Elle... ne souhaite pas... Elle...

- Elle a d'autres ambitions que celles de me servir n'est-ce pas ?

La jeune femme resta silencieuse. Héra trouva admirable la loyauté de la nymphe à l'égard de sa sœur. On ne pouvait pas dire qu'il en allait de même au sein de sa propre famille. Elle ne pouvait que l'envier à cet instant. Elle agita la main pour congédier la pauvre déesse, ne souhaitant pas la torturer davantage et ayant obtenu les réponses qu'elle souhaitait.

Léto avait été son amie, sa confidente. Elle lui avait fait confiance et l'avait traité comme une sœur. La trahison n'en avait été que plus amère. Elle se souvenait avoir partagé avec elle le sanctuaire d'Argos, lui confiant la tâche de présider à la naissance des hommes ainsi que de répondre aux invocations des mères lors d'un accouchement difficile, calmant leur angoisse et leur souffrance. Lorsqu'elle avait découvert la liaison de Zeus et de la jeune femme, son cœur s'était brisé deux fois. Sa vengeance avait été bien vaine. Elle avait tout fait pour l'empêcher de mettre au monde les jumeaux. Mais le destin ne peut être altéré. Artémis et Apollon avaient vu le jour.

Zeus avait immédiatement aimé ce dernier. Inconditionnellement. Alors même qu'Arès n'avait eu le droit qu'à son indifférence. Dieu du soleil, des arts, du chant, de la musique, de la beauté, de la poésie, de la lumière, du tir à l'arc, de la guérison, des oracles... Il excellait en tout. Héra n'avait jamais compris pourquoi Zeus n'avait jamais vu le jeune dieu comme une menace ? Après tout, de tous ses enfants, il était de loin le plus à même de le supplanter.

Que s'était-il passé après sa mort ? Arès avait-il défié son père ? Hébé avait-elle survécu à sa nouvelle belle-mère ? Elle avait souvent tenté de glaner des informations sur le sort qui avait été réservé à ses enfants, mais les gardes ne venaient pas pour parler... Elle posa une main sur son ventre. Ils lui manquaient... Même Héphaïstos. Elle avait été si cruelle avec lui. Symbole de son échec. Un rappel qu'elle ne pouvait rien faire sans Zeus. Pendant qu'il enfantait des perfections comme Athéna, Artémis, Apollon ou Hermès... ses propres enfants étaient accablés de tares physiques... Arès et son sang aussi mortel que son tempérament. Hébé prisonnière de son corps d'enfant. Héphaïstos et son apparence digne d'un cyclope et bien éloignée de la beauté de ses pairs. Elle regrettait avoir caché son amour pour lui. Il avait été aussi précieux à ses yeux que son frère ainé et sa sœur... Si on lui laissait une seconde chance...

- Ma reine... un visiteur, annonça Méthone.

- Qui ?

- Dionysos, ma reine.

- Avez-vous terminé de ranger ?

- Oui ma reine.

- Bien. Fais-le entrer. Emporte tes sœurs. Astéria suffira pour me servir.

- Oui ma reine.

La nymphe fit entrer le dieu qui la rejoignit sur le balcon, s'installant sans se faire prier. Elle n'était pas parvenue à mettre la main sur lui après leur infortunée rencontre dans le jardin de Pan. Elle se retint de le foudroyer sur place. Après tout le dieu n'avait, pour le moment, rien dit à Zeus la concernant. Peut-être n'avait-elle rien admis de compromettant... Elle ne se laissa néanmoins pas aller à l'optimisme. Sa présence ne présageait rien de bon. À Olympe rien n'était concédé sans prix.

***

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