Oh My Goddess!

Chapitre 25

Une fois seule, Héra abandonna le masque qu'elle avait revêtu jusque-là. Ses mains tremblaient comme des feuilles et son cœur refusait de se calmer. Elle détestait cette peur qu'elle ressentait chaque fois qu'elle se retrouvait en sa présence. Autrefois, elle avait été l'une des rares divinités qui ne ressentait nulle terreur face au roi des dieux. Aujourd'hui, elle doutait que quiconque le craigne autant qu'elle. Peut-être parce qu'elle était la seule qui le connaissait autant. Peut-être parce qu'elle savait que tout son amour n'était qu'une mascarade et qu'il pouvait mettre un terme à son existence à tout instant. Elle tomba à genoux, sa respiration se bloquant complètement. Il fallait qu'elle se calme. Il n'avait aucune raison de la tuer pour le moment. Au contraire, il devait avoir besoin d'elle puisqu'il avait remué ciel et terre pour la trouver. Temps qu'elle lui serait utile, il ne lui arriverait rien. Sa vision qui s'était troublée par manque d'air devint de nouveau clair et limpide et elle se leva, humiliée mais rassurée.

Elle avança sur les tapis dont la douceur accommodait à merveille ses pieds. Tant et si bien qu'elle se débarrassa de ses sandales d'or, les abandonnant derrière elle et continuant d'explorer ce qui lui ferait office de foyer pour un temps. Elle se souvenait vaguement avoir occupé cette même chambre dans son autre vie et elle enroula ses bras autour d'elle, essayant de ne pas trop prêter attention au fait qu'elle marchait dans les pas de son homologue au destin funeste. Elle leva les yeux vers les plafonds ornés de peintures épiques soutenues par des colonnes de marbre blanc gravées et peintes d'or et de bleu. Comme elle avait aimé vivre ici. Elle avait si heureuse.

Ses doigts se promenèrent sur les portes rouleaux de parchemin de la bibliothèque et elle en attrapa un au hasard, se laissant tomber sur la chaise d'ébène dont les sculptures dépeignaient un énième mythe. Lire lui changea les idées. Non pas que le sujet eut-été le moins du monde intéressant, mais cela lui faisait passer le temps. Elle ne savait pas si elle serait convoquée pour dîner ou si on lui porterait de quoi se sustenter ici, dans les deux cas il lui fallait patienté bien que la patience n'eût jamais été son fort.

Sans surprise, elle laissa tomber le parchemin au sol, décidant qu'elle avait assez attendu même si cela faisait moins d'une heure... peut-être même moins d'une demi-heure. Dix minutes tout au plus si on ne comptait pas le tour de la chambre et le choix du parchemin. Elle n'était pas assez stupide pour ressortir par la porte d'entrée. Pas avec les gardes postés à chaque intersection qui ne manqueraient pas de rapporter ses moindres faits et gestes à leur vénéré roi. Elle se pencha par-dessus la balustrade du balcon jaugeant de la hauteur avant de prendre son élan et de sauter, atterrissant sans encombre dans un jardin charmant et peu fréquenté. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour attraper une figue, la dévorant tout en cherchant la sortie. Une pierre entailla sa peau sous son pied, lui faisant prendre conscience qu'elle n'avait pas remis ses sandales. Un éclair fendit le ciel au même moment et elle sursauta.

- Sale caractère, marmonna-t-elle.

- Je ne te le fais pas dire, répondit un jeune dieu au visage enfantin, aux joues et au nez rougis par l'alcool.

Il s'agissait de Dionysos. Les choses n'avaient pas changé ici. Où qu'elle aille, les bâtards de Zeus pullulaient. Il était l'un de ceux qu'elle avait le plus tourmenté mais elle ne parvenait à ressentir aucun regret. Sa mortelle de mère était morte brûlée après avoir demandé sur ses bons conseils au roi des dieux d'apparaitre sous sa vraie forme. Le plus étrange était que Sémélé était censée être la fille d'Harmonie et Cadmos. Hors, Harmonie était la fille d'Arès et Aphrodite... Il lui fallait trouver des réponses à toutes ses incohérences.

- Est-ce que tu pourrais m'indiquer la route vers les archives ?

- Je pourrais, répondit-il en lui tendant sa chope de vin.

- Je ne bois pas.

- Je ne t'aiderais pas alors, répliqua-t-il avant de recommencer à boire.

- Donne-moi ça, soupira-t-elle, se saisissant du breuvage et le portant à ses lèvres. Tu me conduiras aux archives une fois que j'aurais fini de boire, n'est-ce pas ?

- Tu as ma parole.

Ses yeux violacés brillaient comme autrefois d'une lueur de folie. Chaque gorgée lui brulait la gorge et les entrailles mais elle ne s'arrêta pas. Le problème étant que le sournois dieu du vin n'avait de cesse de remplir le récipient. Elle abandonna finalement lorsque ses jambes commencèrent à ne plus vouloir la porter. Il lui fallait être plus maligne que le dieu, ce qui était plutôt compliqué quand son esprit était embué des effluves d'alcool.

- Est-ce que j'ai bientôt fini ? demanda-t-elle innocemment.

Seul le silence lui répondit, les lèvres du jeune homme articulaient des mots sans qu'aucun son ne les accompagne. Il voulait tout prendre au pied de la lettre ? Elle en ferait autant.

- Si je termine à la prochaine gorgée alors tu tiendras la parole que tu m'as « donnée ».

Ils se défièrent du regard un instant avant que la déesse ne porte le goulot à ses lèvres, terminant enfin le vin sans fin.

- Bien joué, admit le dieu bon perdant.

- Merci. Les archives ?

- Suis-moi.

Il la conduisit à la sortie du jardin à l'entrée duquel somnolait Pan, sa flute jouant un air qu'elle n'avait pas remarqué jusque-là. Elle n'aurait jamais trouvé la sortie sans Dionysos. Elle aurait même probablement été plongé dans la folie...

- Les archives se situent plus bas, en face de l'Agora, tu ne peux pas les manquer.

- Merci.

- À bientôt Héra, « deux fois née ».

Elle fronça les sourcils. « Deux fois né » était un titre qui avait été donné à Dionysos puisqu'il était né une première fois du ventre de sa mère et une seconde de la cuisse de son père. Elle se retint de poser la moindre question. Elle ne prendrait pas le risque de lui confirmer qu'il n'avait pas tort en montrant un trop grand intérêt pour ses paroles, bien que l'inquiétude eût déjà commencé à la ronger.

Les secrets ne restaient jamais bien longtemps secrets à Olympe.

***

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