Chapitre 32

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Héra regarda Dionysos s'installer confortablement comme s'il avait fait cela des centaines de fois auparavant. Comme si les iris mouchetés de vert et de bleu de la déesse ne le transperçaient pas de toutes parts. Comme s'il s'était invité chez un ami plutôt que chez un adversaire. La sous-estimait-il ? Était-ce une manière d'assoir son avantage, de remporter ce rapport de forces ? Ou au contraire, lui prêtait-elle plus de malice qu'il n'en possédait réellement ? Après tout, habitué qu'il était des célébrations, il se mêlait aussi bien aux dieux qu'aux mortels, sans compter le reste des créatures aux instincts plus sauvages qui peuplaient le monde. Cette aisance que beaucoup lui enviaient, d'être toujours à sa place, était-elle une explication acceptable de l'assurance qu'il affichait ?

Astéria les servit sans commettre d'impair. Elle s'éloigna ensuite pour ne plus entendre leur conversation pour peu qu'ils s'en tiennent à un timbre de voix bas propre aux secrets de la Cour des Cieux. La jeune nymphe resta néanmoins suffisamment proche pour être interpellée au besoin. Héra trouva du réconfort et de l'assurance dans la perfection d'Astéria. Elle aussi pouvait réussir ce qu'elle entreprenait, après tout elle avait eu des millénaires d'expérience dans le domaine pour se perfectionner. Tout comme les nymphes étaient faites pour servir, elle était faite pour les complots.

-        Je m'excuse pour mon intrusion Héra, commença-t-il, son intonation dénuée de son habituelle espièglerie.

-        Ton intrusion est la bienvenue, pour le moment, précisa-t-elle avec une bénévolence feinte. J'espère que le vin est à ta convenance, je ne suis pas sûr qu'il soit à la hauteur d'un féru consommateur comme toi.

-        Quantité ne signifie pas qualité, répondit-il presque humblement. C'est parfait, merci...

Héra prit le temps de siroter sa propre coupe. Elle ne souhaitait pas initier le dialogue. S'il avait un sujet à aborder, elle le laissait trouver un moyen de l'introduire dans la conversation... ou plutôt dans le silence qui s'était instauré.

-        Je voulais m'excuser pour la dernière fois.

-        Quoi ?

-        Pour la mélodie de Pan... pour t'avoir soutiré des informations à ton insu.

-        Non, je sais de quoi tu parles... je ne comprends pas pourquoi tu t'excuses ? Je ne comptais pas te faire quoi que ce soit. Enfin... j'ai envisagé de te tuer mais comme tu semblais avoir gardé mon secret, j'ai abandonné l'idée... temporairement. Pour être franche je t'avais oublié.

-        J'ai bien fait de m'excuser alors... dit-il en riant nerveusement, se redressant quelque peu et gigotant comme si soudainement il était bien moins à l'aise.

-        Peut-être, dit-elle en souriant parce que les excuses étaient avant tout des aveux.

-        Comment transformer ce « peut être » en certitude ? demanda-t-il, descendant son verre d'une traite.

-        J'ai besoin que tu me dises la vérité.

-        Je ne te mentirais pas... je peux jurer sur le Styx s'il le faut.

-        Non. Je connais ton type. Toi, Hermès, Athéna, Zeus... vous avez toujours plus d'une corde à votre arc. Un talent pour contourner les règles tout en les respectant.

-        J'ai bien l'impression que tu en es doté aussi.

-        Merci pour le compliment.

-        Peut-être que la flûte de Pan, et un morceau en ta faveur...

-        Tu veux que j'utilise ton propre piège contre toi.

-        Si ça peut aider à gagner ta confiance, oui.

-        Pourquoi as-tu besoin de ma confiance ?

-        Parce que tu n'es pas comme les autres dieux. Tu ne sembles pas aussi arrogante, imbu de toi-même, détaché de la réalité des mortels.

Elle ne put s'empêcher de rire face à l'absurdité de ce qu'il venait de dire. La seule raison pour laquelle elle avait « changé » était parce qu'elle avait été l'une des pires par le passé.

-        Admettons que j'accepte, quelle est la prochaine étape ?

-        Arianne.

-        Arianne ?

-        Tu as dit que j'allais tomber amoureux d'une mortelle. Que je l'épouserais. Que mon père, Zeus, lui accorderait l'éternité.

-        Oui, répondit-elle perdue. Quel est le problème.

-        Le problème c'est que dans cette réalité... Zeus n'est pas mon père.

-        Officiellement, le corrigea-t-elle.

-        Non, je te dis que ce n'est pas mon père et je peux le prouver. Est-ce que je peux... faire venir quelqu'un ?

-        Un intrus de plus ou de moins... soupira-t-elle, donnant son aval à Astéria pour faire entrer... une femme.

Héra l'a reconnu aisément puisqu'elle avait passé un certain temps avec elle sous les traits de sa nourrice Béroé. Elle ne ressentit aucune culpabilité. Elle était l'une des rares maîtresses du roi des dieux à avoir parfaitement conscience de qui était Zeus et de son statut d'homme marié. Le seul regret qu'Héra avait eu par la suite, avait été de découvrir que la jeune princesse était, à ce moment-là, déjà enceinte. Pour la déesse de la famille, des mères, de la fécondité et de l'accouchement, ce n'était pas bien reluisant. Non pas qu'elle n'ait pas fait pire par la suite en essayant d'assassiner Héraclès, en le rendant fou pour qu'il tue sa propre famille, ou encore en harcelant Léto pour l'empêcher d'accoucher. Néanmoins pour ce qui était de Sémélé, pour sa défense, ce n'était pas volontaire. Sauf la partie où elle avait fait en sorte qu'elle explose. Ça, c'était volontaire.

-        Votre majesté, murmura la jeune femme en s'inclinant avec toute la déférence du monde.

-        Installe-toi, lui répondit Héra sans plus de cérémonie, ne pouvant s'empêcher de se dire que la jeune femme aurait pu étendre sa politesse à « ne pas coucher avec le mari de ladite Majesté ».

-         C'est trop d'honneur...

-        Je ne vois pas en quoi ta parole Sémélé a plus de valeur que celle de ton fils. Si c'est Zeus qui vous envois pour me convaincre de sa chasteté pour que je l'épouse...

-        Non ! Je vous assure que non, votre Éminence, je n'ai jamais partagé le lit du roi des dieux.

-        Laisse-nous te prouver notre sincérité...

-        Fort bien, fais venir ton ami.

Pan apparut dans toute sa splendeur... ou plutôt sa laideur. Vieillard en guenilles, mi-homme, mi-bouc, la créature chimérique au pouvoir mystique porta la flûte à ses lèvres difformes. Pourtant Héra n'entendit rien. Dionysos et sa mère semblaient quant à eux dans un état second. La divinité protectrice de la nature lui fit un signe de tête comme pour lui annoncer que l'enchantement pesait bien sûr son assistance.

-        Qui est le géniteur de ton fils Dionysos ? demanda Héra à Sémélé qui afficha un sourire béat et des yeux rêveurs à la mention du père de celui-ci.

***

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