— Laeticia, commence-t-il avec difficulté, la voix rauque. Je...
Et merde. Il a pourtant appris ce texte par cœur ! Mais les mots le quittent, insensibles, cruels. La main d'Arthur sur son épaule le détend.
— Je voulais juste dire pardon, achève-t-il, penaud. J'ai agi comme un gros con, cette soirée-là.
Le sourcil épilé de la blonde se hausse.
— Ça, tu peux le dire ! lance-t-elle avant de se recroqueviller sous le regard noir d'Arthur. Mais... euh... j'imagine que je devrais aussi m'excuser au nom de mon père...
Kayrel hausse des épaules, puis se rattrape de justesse à une barre lorsque le bus entre dans un tournant particulièrement ambitieux.
— On n'est pas comme ses darons, marmonne-t-il, mais Laeticia ne l'écoute déjà plus.
Elle roucoule, il roucoule, ils roucoulent. Maintenant que le gênant moment des excuses est terminé, Arthur se perd dans les yeux de son interlocutrice, rivalise de répartie, rigole plus fort que nécessaire. Kayrel resserre sa veste et s'oblige à regarder les façades grises qui défilent à l'extérieur. Il doit se concentrer, le pire reste à venir. Dans moins d'une demi-heure, il devra répondre de ses actes devant Armand, encore à l'hôpital.
Son regard tergiverse, s'accroche de lampadaire en lampadaire au fur et à mesure qu'ils apparaissent et disparaissent de son champ de vision. Mais ces derniers points d'accroches se voilent sous les banderoles de brume qui sillonnent l'air tel des serpents rassasiés. Puis soudain, plus rien que du gris. Le bus s'est enfoncé dans un épais nuage de coton. Il s'arrête. Les discussions l'imitent avec un temps de retard, comme entraînés par l'inertie, puis reprennent à petits feux nerveux. Que se passe-t-il ? Kayrel jette un coup d'œil interrogateur à Arthur qui hausse des épaules avant de se rapprocher d'un air protecteur vers Laeticia. La voix crachotante de la conductrice s'enclenche.
— Le véhicule s'arrête momentanément pour cause de brouillard. Durée d'attente inconnue.
Arthur se tourne vers Laeticia.
— L'hôpital n'est plus si loin, non ? On pourrait essayer d'y aller à pied.
— Il n'est qu'à quelques centaines de mètres, je dirais. C'est la station suivante.
— C'est parti, alors. Tu viens Kayrel ?
Le rouquin jette un dernier regard dehors, puis les suit avec lenteur. Un mauvais pressentiment alourdit ses pensées d'angoisse. Sa peau picote sous l'humidité de l'air lorsqu'il rejoint ses camarades. Pas âme qui vive n'a l'air d'hanter la rue. Le bus même, avec son ronronnement familier, disparait rapidement dans le brouillard alors que le groupe avance avec circonspection. Soudain, Laeticia s'arrête, pâle comme un linge.
— Vous avez enten...
Un éclat rauque et puissant l'interrompt et les fait sursauter.
— C'est quoi ce brouillard, Esteyal ?
L'écho reprend l'exclamation plusieurs fois avant qu'une voix plus féminine ne résonne au travers du rideau d'humidité, accompagnée d'un cliquetis de métal saugrenu.
— Ne me demande pas, ce n'est pas moi qui ai tenu à faire le transfert en pleine Marée Haute !
— Tu ne m'as pas dit qu'on allait emporter toutes nos putains de Brumes avec nous !
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Le Pouvoir Des Perles - Les Altérés d'Istaldel
FantasyL'énergie des Feys flotte sous forme de flux dans l'environnement. Elle nourrit faune et flore et est source de vie en An'kalara. Mais maudit soit l'humain qui voudrait l'utiliser à son avantage. Maudit soit-il, lui et sa lignée. Maudits soient-ils...