Chapitre 17.3

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Le sentiment de bien-être ne dura pas bien longtemps. Une fois arrivée dans sa chambre, Amara s'assit devant le miroir, dans un état un peu hébété. Ses pensées circulaient comme des abeilles surexcitées, passaient du visage sévère de la Comtesse aux barreaux de la Cage, puis revenaient à la figure décomposée de Thalya, aux mots de son frère.

Ce n'est qu'une gamine... Je t'aime, ne l'oublie pas. Montre tout ce que tu as dans le ventre !

Que s'était-il passé ensuite ? Amara avait l'impression de se remémorer un rêve. Puis à nouveau, la voix de sa mère, claire au milieu de la fournaise :

Monstre ! Tu es un monstre !

Son monde qui s'écroulait en même temps que le toit du manoir. Les bras paternels qui l'entouraient, protecteurs, aimant. Pour rapidement disparaître dans les méandres du temps.

J'ai l'impression de le revoir, lui, à chaque fois qu'elle me regarde.

Un sanglot s'échappa de sa gorge. Elle n'était qu'un miroir. Le miroir de la culpabilité de sa mère.

Je vais la tuer.

Amara joua avec l'idée, les yeux fixés sur son reflet. Une gamine effrayée par sa mère, voilà tout ce qu'elle avait toujours représenté.

Tu es bien plus que ça. Il suffit de contrôler ce qui vit en toi.

— Oh, Thalya, tu avais si raison... Comme d'habitude.

La jeune fille se redressa brusquement et chercha sa tunique d'entraînement, cachée au milieu des froufrous de soie. Le tissu noir et souple n'aurait pas dû être compliqué à localiser, si différent des autres matières chatoyantes qu'elle affectionnait, mais il était dissimulé par les nombreuses couches de vêtements.

Alors qu'elle se changeait, Amara réfléchissait. La Comtesse avait probablement fini par révéler au Commandant Ollyver que sa fille était une gradée, probablement sous l'impulsion d'Alexey.

Montre-lui ce que tu as dans le ventre.

Il ne fallait pas le lui dire deux fois. L'albinos s'attendait à recevoir une fille pourrie gâtée, apeurée par son propre pouvoir. Une poupée sans saveur.

Amara, le regard toujours fixé vers son reflet, souligna ses yeux à l'aide d'un peu de khôl. D'ailleurs, si on le lui avait dit, juste après la mort de son père, à la minuscule souris qu'elle avait été, elle ne l'aurait pas cru. Thalya l'avait alors guidée hors de sa prison dorée. L'avait aidé à dompter le dragon qui grandissait à l'intérieur d'elle-même.

Non, Ollyver ne savait pas à quoi s'attendre.

***

— Vous êtes ponctuelles, apprécia le commandant, affalée dans une chaise en bois au milieu de la pièce.

— Mais qu'est-ce que vous avez fait à cette salle ?

La question s'était glissée hors de ses lèvres sans qu'elle ne puisse la retenir. La pièce, habituellement aménagée en un croisement de dojo et d'atelier de danse classique avait été entièrement capitonnée dans une matière d'allure imperméable noire, à la surface légèrement brillante. Seule la lucarne à travers laquelle s'infiltraient des écharpes de brume était restée intacte.

L'albinos se leva et lui fit un baise-main ironique. Amara réfréna une grimace et attaqua l'ongle de son pouce, nerveuse.

— Il paraît que derrière votre rôle de petite comtesse se cache un énorme potentiel...

Le Pouvoir Des Perles - Les Altérés d'IstaldelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant