Chapitre VIII (2)

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Non ! Elle ne s'en sortirait pas comme ça. Ebahi, révolté comme les autres, Mika avait assisté à la scène avec un profond dégoût empli d'amertume. Comment Thalya, l'ingénue et malicieuse fillette à laquelle il avait tant porté d'affection, jadis, avait-elle pu tourner ainsi ? Il savait qu'elle aurait changé, peut-être plus que les autres. Et à la lueur qui dansait dans ses pupilles, il commençait à concevoir la vérité sur les rumeurs de folie qui couraient à son propos. Perdue, elle revivait les traumatismes passés et crachait à leur figure pour mieux s'en défaire. Et tant pis pour les conséquences du présent, tant que le passé, ce fichu passé qui les hanterait tous serait vengé de ses lésions.

Il comprenait la fissure. Mieux que quiconque. Quand la fillette était sortie de la forêt, le cadavre de son père sur le dos, les maigres jambes à peine capable de tenir debout, elle avait désespérément cherché le réconfort, l'amour, de l'onguent sur la mémoire pour qu'elle cicatrise. Au lieu de cela, elle n'était tombée que sur de la haine. La haine de l'Altération. Théol Esteyal s'était révélé être Altéré, il avait trahi sa patrie, leur confiance. Il méritait de mourir aussi vilement. Mika savait cela, il s'était trouvé à ses côtés quand elle s'était écartelée de l'intérieur. Quand les Voix avaient commencé à lui souffler toute sorte de pensées vengeresses. Il l'avait accompagnée, bercée, et – ou son égo le bernait-il sur cette affirmation – même guérie. Puis, il l'avait abandonnée. Et sous les apparences de stabilité, elle avait chuté. Il comprenait mieux que quiconque, mais il ne pouvait tolérer un tel comportement. Les tyrans devaient disparaître de cette terre.

— Eh ! l'appela-t-il. Ne pars pas.

La championne ne s'arrêta pas.

— J'ai droit, s'époumonna-t-il, à un défi !

Une pause.

— En quel honneur ?

— Tu viens d'humilier mon ami.

Un ricanement.

— Un ami ? Si tu brises aussi vite les amitiés que tu les noues, tu ne seras bientôt plus le bienvenu dans ce Quart.

Un avertissement monta dans le dos du jeune homme. Inutile. Il savait ce qu'il déclenchait. Les conséquences s'abattraient sur lui, au désir des Feys. Mais Elles veilleraient sur lui, comme toujours lorsque le feu de la justice l'embrasait jusqu'aux tripes.

— Je réitère ma demande. J'ai suivi un entraînement militaire dans la garnison des Pouces, je devrais tout à fait être à la hauteur d'un duel contre toi.

Des murmures. Tout le monde avait déjà eu vent de l'horrible armée juvénile du Grand Conseil, et les remarques s'armèrent de pitié. Un peu plus, et les Istaldéens oublieraient définitivement ce qui l'avait toujours séparé d'eux. Son hybridité. La partie non-humaine si bien dissimulée par le bandeau sur le visage. L'amnésie collective rassemblait et unifiait. Solidifiait.

— Tu sembles en bon état, pour un Pouce.

La championne entrait en transe, par respirations forcées, elle se recentrait, reprenait le contrôle. Tant mieux. Un vieux réflexe le fit avancer d'un pas. L'étreindre, l'apaiser. La gronder, aussi. Mais elle ne l'écouterait plus. Si seul le langage de la violence l'atteignait, Mika l'utiliserait aussi, bien qu'il ne l'apprécie guère.

— Il m'a fallu cinq tentatives, mais je me suis échappé à temps.

Pas à temps pour te sauver, Thalya Esteyal.

— Parfait, dit-elle alors. Qu'on en finisse.

Il lui suffit de tendre la main, et un bâton atterrit dedans. D'un même mouvement, quelqu'un en lança un autre à Mika qui s'en saisit par réflexe.

Le Pouvoir Des Perles - Les Altérés d'IstaldelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant